Objectif Soins n° 193 du 01/02/2011

 

ISABELLE FROMANTIN

Parcours

Joëlle Maraschin  

Responsable de la consultation infirmière Plaies et cicatrisation à l’Institut Curie, Isabelle Fromantin poursuit à mi-temps un doctorat au sein d’un laboratoire universitaire de recherches en sciences biologiques. Une reconnaissance exemplaire pour la recherche infirmière.

Elle se défend d’être un modèle pour la profession, et pourtant Isabelle Fromantin fait sans conteste partie des pionnières, de celles qui ont ouvert en premier la porte de l’exercice infirmier vers de nouvelles dimensions. Le parcours d’Isabelle Fromantin, qui vient juste de fêter ses 40 ans, pourrait déjà s’écrire comme un pan de l’histoire de l’évolution de la profession infirmière en France.

C’est elle qui a créé en 2001 la première consultation infirmière pour améliorer la prise en charge des plaies chroniques en oncologie. Et, aujourd’hui, elle est sans doute l’une des rares infirmières à avoir pu valider ses travaux de recherches cliniques auprès d’une université afin de lancer, en partenariat avec un laboratoire, un projet inédit de recherches dans le domaine des plaies chroniques.

« Ce doctorat n’est pas une fin en soi, mais il me permet de disposer des moyens nécessaires pour continuer des recherches essentielles afin d’améliorer la qualité de la prise en charge des patients », souligne-t-elle. L’importance des recherches menées jusqu’alors par Isabelle Fromantin dans le cadre de sa consultation a d’ailleurs été saluée par le ministère de la Recherche puisque celui-ci l’a nommée en 2009 Chevalier de l’Ordre national du mérite.

Temps partagé clinique-recherche

De la recherche dans le domaine des plaies et cicatrisation, Isabelle Fromantin et ses collègues de la consultation infirmière de l’Institut Curie à Paris en font depuis des années. Isabelle Fromantin a cependant eu l’idée de collaborer avec une équipe de recherche pluridisciplinaire, le laboratoire Errmece de l’université de Cergy-Pontoise, afin de disposer des ressources nécessaires pour identifier la flore bactérienne et le biofilm des plaies des patientes atteintes de cancer de sein.

Pour travailler au sein de cette équipe en tant que doctorante, elle a entrepris de passer un master 2 par le biais de la validation des acquis de l’expérience (VAE). « C’est un peu laborieux de préparer un tel dossier, il faut argumenter devant un jury composé d’universitaires, mais c’est faisable », indique-t-elle. L’Institut Curie et l’université ont alors signé un contrat permettant à Isabelle Fromantin de disposer d’un temps partagé entre son activité de consultation, d’une part, et de recherche clinique, d’autre part. Ces travaux de recherches, financés par l’Agence nationale de recherches (ANR) et les nouveaux Programmes hospitaliers de recherche infirmière (PHRI), doivent permettre à terme de mieux contrôler les infections récurrentes de ce type de plaies chroniques. « Mon activité clinique et mon activité de recherche sont devenues indissociables. J’apprends énormément en thèse, et je réutilise toutes ces connaissances dans ma pratique », précise-t-elle.

De l’humanitaire aux soins palliatifs

Les débuts de son parcours professionnel ne semblaient pourtant pas prédestiner Isabelle Fromantin à la recherche scientifique et infirmière. Dès l’obtention de son diplôme d’État en 1992, elle part travailler pendant plus d’un an comme bénévole en Afrique dans un hôpital pour enfants à Dapaong, un village au nord du Togo. « Lorsque j’avais une dizaine d’années, j’ai rencontré un Togolais qui venait faire des études de théologie. Il m’a parlé de l’hôpital de son village, des enfants malades. Je suis partie dans cet hôpital dès que j’ai été infirmière », raconte-t-elle.

Et, de cette expérience, Isabelle Fromantin dit qu’elle en tiré une vraie leçon de modestie et de vie. De retour en France, elle souhaite travailler à l’Institut Curie qu’elle connaît déjà pour y avoir effectué des stages et des remplacements comme aide-soignante pendant ses études.

Elle commence sa carrière à Curie en chirurgie ORL puis en pédiatrie. En 1997, le Dr Laure Copel lui propose de participer à une nouvelle aventure, l’ouverture d’une unité mobile de soins palliatifs. « Je n’y connaissais pas grand-chose à l’époque, mais j’avais une proximité avec la mort, du fait de mon expérience d’infirmière en Afrique », explique-t-elle. C’est le tout début des soins palliatifs, il n’existe pas encore de formation dédiée. Isabelle Fromantin est envoyée pendant un mois à l’Hôtel-Dieu, l’un des rares hôpitaux de l’époque à avoir mis sur pied une équipe mobile. Elle participe également au groupe de parole Balint avec d’autres infirmières de la région parisienne engagées dans les soins palliatifs.

Dans son quotidien d’infirmière de l’équipe mobile de soins palliatifs, elle est confrontée au problème récurrent de la prise en charge des plaies chroniques tumorales. « La prise en charge des plaies faisait un peu figure de parent pauvre, c’était secondaire par rapport au traitement même de la maladie cancéreuse et de ses complications », ajoute-t-elle. Mais Isabelle Fromantin sait à quel point ces plaies sont sources d’inconfort, de souffrance et d’inquiétude pour les patients. Elle cherche des solutions, rédige ses premiers protocoles de soins et prend très vite conscience de la nécessité de développer une activité de prise en charge et de recherche.

Un projet porté par une infirmière

Avec le soutien du Dr Copel et de la direction des soins, elle rédige un projet d’ouverture d’une consultation infirmière Plaies et cicatrisation, qu’elle présente à la direction de l’Institut Curie. Elle se montre suffisamment persuasive, et l’Institut lui donne son feu vert pour s’occuper à temps plein de cette nouvelle activité. La consultation infirmière, qui fait partie du département des soins de support du centre de lutte contre le cancer, est officialisée en 2001. À l’ouverture, les moyens dédiés sont cependant modestes. Mais, au fil des années, la consultation se développe. Les demandes affluent, que ce soit des services de l’Institut Curie ou de l’extérieur. L’Institut lui permet de recruter deux infirmières, l’une à temps plein et l’autre à temps partiel, pour assurer cette nouvelle activité qui répond à un réel besoin. Outre la prise en charge des plaies, la consultation mène des projets de recherche et participe à des sessions de formation.

L’expertise d’Isabelle Fromantin est aujourd’hui largement reconnue. Elle est vice-présidente d’une société savante, la Société française et francophone des plaies et cicatrisations, elle publie de nombreux articles et elle enseigne sa spécialité dans des diplômes universitaires. La Haute Autorité de santé vient de lui demander de participer à l’un de ses groupes de travail sur l’évaluation des sets de soins. Mais, surtout, d’autres centres de lutte contre le cancer ont suivi le chemin ouvert par l’Institut Curie en organisant à leur tour des activités plaies et cicatrisation. Pour répondre aux nombreuses questions de ses collègues qui souhaitent ouvrir des consultations infirmières, Isabelle Fromantin a même écrit un livre dans lequel elle raconte son expérience*.

* Une plaie vivante, maison d’édition en ligne de la Fondation littéraire fleur de Lys au Québec, http://manuscritdepot.com.