Objectif Soins n° 193 du 01/02/2011

 

Qualité, hygiène et gestion des risques

Anne Lise Favier  

GESTION DE CRISE → Explosion, attentat, accident de car, effondrement d’une tribune… L’hôpital est en première ligne quand il s’agit d’accueillir en masse des victimes de catastrophes. Et pour faire face à un afflux soudain de victimes, le plan blanc permet de s’affranchir de tous les aléas… ou presque !

Milieu de matinée, le 21 septembre 2001, l’usine AZF de Toulouse explose. Le bilan humain est lourd. Une trentaine de morts, des milliers de blessés, plus ou moins graves. Sur place, le plan rouge est déclenché par la préfecture pour organiser les premiers secours. En arrière, dans les hôpitaux, la perspective d’un flux anormalement élevé de patients déclenche le plan blanc. Mais que recouvre donc ce dispositif d’urgence mis en place lors de catastrophes de grande ampleur ? Doitil être systématiquement déclenché ? Par qui et comment ?

OBLIGATOIRE OU OPTIONNEL ?

Le plan blanc est une obligation réglementaire pour les établissements de santé. En effet, depuis la loi de santé publique du 9 août 2004, sa mise en place est incontournable : tout établissement de santé, public ou privé, est tenu de disposer d’un plan blanc « lui permettant de mobiliser immédiatement les moyens dont il dispose pour faire face à une situation d’urgence sanitaire », explique le texte. Il est déterminé par le directeur de l’établissement après avis des instances consultatives compétentes pour les établissements publics et par l’instance délibérative sur proposition de son responsable pour les établissements de santé privés. Un exemplaire doit être transmis au préfet, au directeur général de l’Agence régionale de santé (ARS) et au samu départemental.

DANS QUEL CAS UN PLAN BLANC EST-IL ACTIVÉ ?

Par définition, le plan blanc est un plan spécifique des établissements de santé destiné à faire face à une situation exceptionnelle ou à organiser l’accueil hospitalier d’un grand nombre de victimes. Les exemples sont nombreux : chaque année, les hôpitaux, en plus de leur mission de soins habituels, sont bousculés par l’arrivée massive de victimes de catastrophes diverses. En juillet 2007, le CHU de Grenoble (Isère) active son plan blanc suite à la survenue d’un accident d’autocar polonais occasionnant 26 morts et 14 blessés graves. En janvier 2009, c’est le CHU de Lille qui déploie son plan blanc pour accueillir les victimes d’une intoxication massive au monoxyde de carbone lors d’un concert dans une église. Plus près de nous, le 14 novembre 2010, le CHU de Dijon (Côte d’Or) met lui aussi en pratique son plan blanc en raison d’un incendie dans un foyer de travailleurs migrants : 69 personnes sont alors hospitalisées et le CHU procède au rappel de 80membres du personnel pour faire face à l’afflux de victimes aux urgences. Mais le plan blanc peut également être déployé dans d’autres situations, notamment lors d’épidémies. C’est ainsi que les établissements de santé des Hauts-de-Seine et du Val-de-Marne avaient fait appel à ce dispositif pour gérer une épidémie de bronchiolite en novembre 2003.

Enfin, le plan blanc peut également être activé lorsque l’hôpital lui-même se trouve dans une situation de crise : victime notamment d’un aléa climatique, comme c’est le cas pour l’hôpital Sambre-Avesnois (Nord) impacté par une tornade qui avait touché la ville d’Hautmont en août 2008, d’une explosion pour l’hôpital psychiatrique Gérard-Marchand à Toulouse lors de la catastrophe AZF.

DE QUELLE MANIÈRE EST-IL ACTIVÉ ?

Une situation critique de régulation aux urgences, comme un afflux inhabituel de patients lors d’épidémies saisonnières, justifie-t-elle l’activation d’un plan blanc ? C’est une problématique à prendre en compte : un plan blanc désorganise l’hôpital, pour faire face à une situation particulièrement grave. Le personnel, les services, le matériel, tout est impacté, réquisitionné. Il ne doit être déclenché qu’en cas d’absolue nécessité. Cette seule décision repose sur le directeur d’établissement, parfois sur suggestion de la préfecture qui l’informe d’un accident ou sur proposition du samu, en première ligne lors de graves crises. Dans tous les cas, le représentant de l’État dans le département doit être mis au courant. En retour, il en informe sans délai l’ARS, le samu départemental et les représentants des collectivités territoriales afin que tous prennent les mesures ad hoc.

QUELLES MESURES SONT PRISES LORS DE L’ACTIVATION DU PLAN BLANC ?

Une cellule de crise est mise en place : c’est l’organe unique de décision et de coordination. C’est notamment elle qui décide du niveau de rappel du personnel en congé, qui détermine les besoins et les moyens et qui donne l’information, en interne et en externe (usagers, famille, média). Pour cela, elle se compose du chef d’établissement, du coordinateur médical, du responsable des soins, de celui du personnel, de celui de la logistique, du chargé de communication et du responsable technique et informatique.

Il est ensuite décidé du maintien du personnel volontaire sur place ainsi que du rappel des personnes en repos, ceci afin de disposer des moyens humains nécessaires.

Les patients présents dans l’établissement avant le déclenchement du plan sont parfois transférés dans d’autres établissements s’ils peuvent l’être (ou dans d’autres services) ou renvoyés à leur domicile. Les interventions non urgentes sont déprogrammées.

Concernant les moyens techniques et logistiques, un inventaire est réalisé en pharmacie, laboratoires, imagerie, blanchisserie et restauration pour jauger les disponibilités immédiates.

Lors de grosses crises avec afflux massif de personnes, un médecin trieur est affecté aux urgences pour opérer un tri médical dans une salle distincte de l’accueil classique. Il peut même y avoir recours à des moyens associatifs pour les soins légers ou l’accompagnement (traduction, par exemple). Pour le risque NRBC (cf. encadré), le flux de nouveaux arrivants doit impérativement être régulé afin d’éviter la contamination. Enfin, pour faciliter l’accessibilité des services concernés par le plan blanc, une signalétique est mise en place dans l’établissement et la circulation est également régulée.

COMMENT S’ASSURER DE L’EFFICACITÉ D’UN PLAN BLANC AVANT SON ACTIVATION ?

Un plan blanc repose sur l’organisation et la coordination de nombreux acteurs de l’hôpital. C’est pourquoi chaque établissement de santé se doit d’en avoir désormais un, “prêt à l’action”. Lors d’une situation de crise, le stress et la rapidité avec laquelle il faut agir peuvent engendrer des dysfonctionnements. C’est pour cette raison qu’il est prévu que les plans blancs soient testés lors d’exercices de simulation de crise. L’occasion de se rendre compte, par exemple, que les groupes électrogènes ne fonctionnent pas et d’en tirer ainsi les leçons nécessaires pour “le jour où”. « Prévoir et préparer une crise est une exigence de santé publique », estimait Xavier Bertrand, ministre de la Santé, lors d’une journée consacrée à cette thématique en 2005. Le guide Plan blanc et gestion de crise du ministère de la Santé estime néanmoins qu’un exercice de gestion de crise ne nécessite pas forcément un rappel des personnels ou un afflux de victimes fictives aux urgences : « Les tests peuvent être réalisés sous forme d’exercices sur papier en ciblant des objectifs. De plus, il ne paraît pas recommandé de déclencher un plan blanc fictif dans un établissement sans avoir testé préalablement un certain nombre de circuits de fonctionnement », préviennent les rédacteurs. L’occasion de vérifier les stocks d’oxygène, de brancards, ou de tout autre matériel ou dispositif qui serait susceptible d’être utile.

Pour aller plus loin

Textes législatifs

→ Loi 2004-806 du 9 août 2004, transféré par la loi 2007-294 du 5mars 2007.

→ Décret d’application 2005-1764 du 30 décembre 2005.

→ Circulaire DHOS/CGR/2006/401 du 14 septembre 2006.

Guide

→ Guide d’aide à l’élaboration des plans blancs élargis et des plans blancs des établissements de santé, édition 2006, annexe de la circulaire DHOS du 14 septembre 2006, téléchargeable sur le site du ministère de la Santé.

Risques NRBC

Nucléaire, radiologique, bactériologique ou chimique (NRBC) : quatre risques spécifiques auxquels les services hospitaliers peuvent être confrontés lors d’une attaque terroriste.

À l’origine, le signe était composé de trois lettres – NBC – qui désignaient une arme nucléaire, biologique ou chimique. Mais, avec la montée du terrorisme depuis le début des années 2000, le terme “radiologique” a été ajouté pour désigner la dissémination de produits radioactifs contaminants, notamment par une bombe radiologique* (bombe dite “sale”).

Ces risques particuliers peuvent déclencher un plan blanc à l’hôpital et disposent également de plan d’actions propres, compte tenu de leur spécificité. En France, d’après le Guide d’aide à l’élaboration des plans blancs du ministère de la Santé, 2 500 professionnels (urgentistes notamment) sont qualifiés pour être formateurs sur ces risques très spécifiques et ont déjà formés quelque 16 000 autres professionnels.

* Source : ministère de la Défense.

Voir également : www.sante-sports.gouv.fr/les-menaces-nrbc.html