Après quarante ans de carrière de cadre dans des services difficiles comme l’hématologie et l’oncologie, Michèle Douarre vient de prendre sa retraite. Toujours passionnée par son métier, elle continue d’œuvrer bénévolement pour favoriser le partage des expériences des soins infirmiers en oncologie.
« J’ai eu la chance d’aimer passionnément un métier extraordinaire. Et je souhaite sans aucune prétention rester disponible pour défendre ce regard soignant si important pour les patients », explique-t-elle. Membre actif de l’AFITCH-OR (Association française des infirmiers(ères) de thérapie cellulaire, d’hématologie, d’oncologie et de radiothérapie), Michèle Douarre s’est beaucoup investie durant sa carrière dans l’organisation des rencontres infirmières. Cadre supérieur de santé, elle connaît toute l’importance et la richesse du partage de l’expérience entre professionnels. « Un cadre doit toujours faire preuve d’optimisme et d’imagination pour porter ses équipes. Et les rencontres et échanges avec d’autres collègues cadres représentent une dynamique importante », précise-t-elle. Présidente depuis des années de la journée infirmière dans le cadre du congrès Eurocancer, elle se démène encore pour trouver des cadres et des infirmières d’autres pays d’Europe pour intervenir lors de la prochaine édition de l’événement, le 23 juin à Paris. Parallèlement, elle participe toujours à l’organisation de différentes journées destinées aux cadres et aux infirmières spécialisées en oncologie, que ce soit avec des laboratoires, des sociétés savantes ou des associations.
Née en 1950 dans une petite ville près de Vichy dans l’Allier, Michèle Douarre a suivi ses études infirmières à la Pitié-Salpêtrière (Assistance publique – hôpitaux de Paris, AP-HP). Interne dans cette école de l’AP, elle a connu le temps des “petites bleues”, comme étaient alors appelées les élèves infirmières qui portaient l’uniforme et le voile en stage. « C’était une autre époque, il n’y avait pas un cheveu qui dépassait de nos voiles », se souvient-elle.
En 1971, elle prend son premier poste dans le service d’hématologie adultes et enfants de l’hôpital Saint-Louis à Paris. Elle découvre alors une aventure médicale extraordinaire dans ce service de pointe où travaillent alors de grands noms de l’hématologie tels les professeurs Jean Bernard ou Éliane Gluckman. Elle y reste près de huit ans en tant qu’infirmière, une expérience qui lui permet d’approfondir ses connaissances techniques mais aussi d’assimiler toute la dimension relationnelle et humaine de la prise en charge infirmière. En 1979, elle passe une année à l’école des cadres de santé de la Pitié-Salpêtrière. Puis elle retourne à Saint-Louis comme cadre des services d’onco-hématologie. Quelques mois plus tard, elle accepte de participer avec deux autres cadres à un projet d’envergure, la création d’un service de réanimation polyvalente pour les patients de l’hôpital. En effet, les patients de Saint-Louis qui nécessitaient des soins de réanimation étaient jusqu’alors obligatoirement dirigés vers d’autres établissements. « En tant que cadre, ce fut une expérience très enrichissante et passionnante, raconte-t-elle. Il a fallu organiser toute cette nouvelle prise en charge, planifier la formation technique des infirmières mais aussi des cadres. » En réanimation, Michèle Douarre est confrontée à un nouvel aspect de l’accompagnement : la problématique de la fin de vie et de l’arrêt thérapeutique. La charge psychologique est tout aussi importante qu’en hématologie, quoique différente. « Mais toute cette dimension relationnelle, ces liens très forts qui se tissent en oncologie avec le patient et sa famille, me manquaient », ajoute-t-elle. Au bout de cinq ans, Michèle Douarre quitte la réanimation pour un poste de cadre de santé de l’hôpital de jour en onco-hématologie. Elle parle encore aujourd’hui de l’importance du rôle du cadre, essentiel dans le soutien des équipes confrontées à des complications, voire à des fins de vie. Cet accompagnement au quotidien des soignants nécessite beaucoup de dialogue et de communication dès qu’un problème douloureux se présente. En dépit de cette présence et de cette écoute, le turn-over en oncologie reste important. Le rôle du cadre est également de veiller à la formation des nouvelles recrues pour des soins qui nécessitent autant de connaissances techniques que relationnelles. « Une véritable expertise infirmière en oncologie s’acquiert en trois à cinq ans d’ancienneté. Cet accompagnement représente un investissement très important pour les cadres d’unité », estime-t-elle. En 1993, Michèle Douarre se décide à passer le concours de cadre supérieur. Elle travaille alors sur deux services d’oncologie médicale de l’hôpital Saint-Louis. Elle est en charge d’un certain nombre de missions transversales, comme l’amélioration de la prise en charge des patients, l’analyse de la charge en soins ou encore la sécurité des soins.
En 2002, elle saisit l’opportunité de travailler à l’Institut Curie à Paris en tant que cadre de département en oncologie médicale, l’équivalent des fonctions de cadre supérieur de santé ou de cadre de pôle dans la fonction publique hospitalière. « J’entendais depuis des années parler de ces grands centres de lutte contre le cancer, des moyens dont ils disposaient… Je souhaitais découvrir un tel centre pour terminer ma carrière », résume-t-elle. Elle retrouve à Curie les mêmes valeurs soignantes et la même éthique qu’à Saint-Louis, une façon humaine d’appréhender la prise en charge des patients. Sur le plan du métier de cadre supérieur de santé, elle estime cependant avoir été beaucoup moins sollicitée sur des questions budgétaires qu’elle a pu l’être à l’hôpital Saint-Louis. « Cela peut paraître plus confortable, mais c’est aussi moins responsabilisant », regrette-t-elle. Quoiqu’il en soit, elle dit avoir ressenti de plus en plus le poids des contraintes budgétaires et le développement des impératifs de rentabilité. « Avec la tarification à l’activité et les restrictions budgétaires, j’ai l’impression que les malades sont de moins en moins au cœur des réflexions et des préoccupations », considère Michèle Douarre. Forte de ses années d’expérience, elle porte un regard critique sur la nouvelle gouvernance et certains pouvoirs qui se mettent en place dans les établissements. « Je crains que les cadres de santé ne soient de plus en plus malmenés dans cette nouvelle organisation. Il leur faudra plus que jamais se battre pour défendre les soins », continue-t-elle. Certes, Michèle Douarre part à la retraite, mais elle reste une professionnelle engagée comme elle l’a toujours été. Et c’est bien dans le sens de sa démarche actuelle de participer à cette vigilance soignante. Surtout, elle considère que la nouvelle formation dans le cadre de la mise en place de la réforme LMD (pour “licence-master-doctorat”) est une grande chance pour les professionnels de demain.
Estimant que la mutualisation des compétences en cancérologie est une nécessité, cette association infirmière a pour objectif de favoriser les échanges entre les unités d’hématologie, de thérapie cellulaire, d’oncologie et de radiothérapie des différents établissements de santé. Soucieuse de promouvoir la recherche infirmière et d’améliorer la prise en charge des malades, elle souhaite recueillir et confronter les différents protocoles de soins. Elle organise des congrès et des journées d’échanges sur la spécificité des soins infirmiers en cancérologie.
Plus d’infos sur le site www.afitch-or.asso.fr.