Légionellose : la prudence reste de mise - Objectif Soins & Management n° 195 du 01/04/2011 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 195 du 01/04/2011

 

Qualité, hygiène et gestion des risques

Anne-Lise Favier  

INFECTION → La légionellose fait moins parler d’elle, c’est un fait : la dernière grosse épidémie date de fin 2003. Et, bonne nouvelle à l’hôpital, les cas sont sporadiques et les résultats à la baisse. Il n’y a plus qu’à maintenir le cap.

Cela fait trente-cinq ans que la légionellose a été identifiée. Lors d’une convention réunissant des légionnaires américains à Philadelphie, les 221 participants avaient été frappés par une mystérieuse pneumonie, provoquant le décès de 34 d’entre eux. La contamination s’était faite par le système de climatisation de l’hôtel où ils résidaient. Identifiée, la bactérie responsable avait été baptisée Legionella pneumophila. En France, la première épidémie nosocomiale de légionellose remonte à 1981, mais il faut attendre quelques années supplémentaires pour voir les premiers textes publiés. C’est notamment par un décret du 11 décembre 1987 que la déclaration de la maladie est rendue obligatoire (cf. encadré page ci-contre). Mais ce n’est qu’en 2000-2001 que la légionellose fait une entrée fracassante sur la scène publique avec une épidémie qui frappe le tout jeune hôpital européen Georges-Pompidou (AP-HP). En cause, le système d’alimentation d’eau de l’hôpital. On sait désormais que le mal peut venir de l’air avec les systèmes de climatisation, via les tours aéroréfrigérantes, ou encore de l’eau, par le biais des canalisations. Les hôpitaux sont donc doublement concernés. Et donc doublement vigilants.

SURVEILLER

Différents textes de réglementation édictent la conduite à tenir en matière de prévention.

La circulaire DGS/SD7A-DHOS/E4-DPPR/SEI n° 2003-306 du 26 juin 2003 traite de la prévention du risque lié aux légionelles dans les tours aéroréfrigérantes des établissements de santé : elle complète celle du 22 avril 2002 (circulaire DGS/SD7A/SD5C-DHOS/E4 n° 2002/243). Il y est notamment question du recensement des installations, de leur conformité et de leur entretien, particulièrement avant l’été au moment de la remise en route. La circulaire recommande également une surveillance périodique « au moins deux fois pendant la période allant de juin à septembre, des indicateurs de bon fonctionnement et de surveillance des installations » avec analyses de Legionella, des volumes d’eau consommés, de la température et de tout autre indicateur de qualité d’eau pertinent (conductivité, pH, titre hydrotimétrique, etc.).

PRÉVENIR PLUTÔT QUE GUÉRIR

Du côté du réseau d’eau, les recommandations sont nombreuses et spécifiques à la légionelle : d’un point de vue préventif, le ministère de la Santé recommande dans la circulaire DGS/SD7A/SD5C-DHOS/E4 n° 2002/243 du 22 avril 2002 d’agir à trois niveaux :

→ éviter la stagnation et assurer une bonne circulation de l’eau ;

→ lutter contre l’entartrage et la corrosion par une conception et un entretien adapté à la qualité de l’eau et aux caractéristiques de l’installation ;

→ maintenir l’eau à une température élevée dans les installations, depuis la production et tout au long des circuits de distribution, et mitiger l’eau au plus près des points d’usage.

En annexe de cette circulaire, figurent les différentes méthodes testées et validées par le ministère de la Santé (fiche n° 2 de la circulaire). À ce jour, il existe tout un arsenal en matière d’outils de désinfection spécifiques de la bactérie mais tous ne recueillent pas l’approbation des experts et ne sont pas reconnus par le ministère de la Santé. De plus, ils nécessitent une connaissance parfaite des installations pour savoir utiliser telle ou telle méthode sans prendre le risque d’endommager le réseau. Les traitements curatifs ne sont donc pas à prendre à la légère et la prévention est plus que jamais de mise. En page suivante, un tableau récapitulatif des différentes possibilités montre les avantages et les inconvénients de chaque technique.

Le dernier texte en date, l’arrêté du 1er février 2010 relatif à la surveillance des légionelles dans les installations de production, de stockage et de distribution d’eau chaude, fixe les fréquences de contrôle minimales pour les établissements de santé : chaque jour pour la température de l’eau en sortie de production, une fois par an pour les légionelles dans les fonds de ballon d’eau chaude sanitaire, au niveau des points d’usage à risques ou dans les services accueillant des patients à risque. Et, pour ces derniers, la température de l’eau doit être vérifiée une fois par semaine (ou en continu). En tout point d’usage à risque, le dénombrement des légionelles doit être inférieur à 1 000 CFU/l (le nombre d’unités formant colonies par litre d’eau, de l’anglais Colony Forming Units) et en dessous du seuil détectable pour les services accueillant des patients à risque.

De plus, l’arrêté précise que d’ici le 1er janvier 2012, les prélèvements d’eau et les analyses de légionelles seront obligatoirement réalisés par un laboratoire agréé “légionelles” par le Cofrac, Comité français d’accréditation, ou équivalent européen.

INCIDENCE EN BAISSE

En France, depuis le renforcement de la surveillance de la maladie avec la circulaire DGS n° 97-377 du 24 avril 1997, le nombre de signalements de cas de légionellose a atteint jusqu’à 1 527 cas en 2005 pour diminuer l’année suivante. Cet infléchissement témoigne, selon les autorités sanitaires, du développement du diagnostic étiologique, de la notification obligatoire et d’une gestion des risques améliorée. En effet, d’après les chiffres de l’Institut national de veille sanitaire (InVS), on ne compte plus d’épidémie depuis 2007. Depuis celle qui avait touché le Pas-de-Calais avec l’usine Noroxo, en 2003-2004, les autorités sanitaires avaient voulu frapper fort. Trop peut-être ?

La loi de santé publique du 9 août 2004 définissait un objectif de réduction de l’incidence de 50 %. Un niveau qui n’avait pas été atteint en temps et en heure, mais trois ans après, le pari semble en voie de réussite. Les chiffres les plus récents de l’InVS donnent sur le premier semestre 2010 : 310 cas recensés. Mais il ne faut pas baisser la garde : les objectifs du plan 2004-2008 étaient fixés sur une incidence de 1 pour 100 000, soit environ 600 cas par an. Jusqu’à présent, la diminution du risque ne s’est pas accompagnée d’une diminution de la létalité. La légionellose reste une maladie potentiellement mortelle dans 10 à 30 % des cas. Les cliniciens maintiennent l’état d’alerte.

Déclaration obligatoire, pourquoi ?

Les médecins et biologistes qui diagnostiquent une légionellose sont tenus de le signaler sans délai au médecin inspecteur de santé publique de l’Agence régionale de santé (ARS). Ce signalement est suivi d’une notification sur une fiche spécifique par le médecin ou le responsable du service qui constate le cas. L’ARS effectue une enquête pour valider le diagnostic et en informe l’InVS : les risques de survenue de cas groupés (au moins deux cas dans un espace de temps et d’espace susceptibles d’impliquer une même source) sont ensuite évalués. En France, une trentaine de maladies sont à déclaration obligatoire, sur décision du ministre de la Santé. Cela permet aux autorités sanitaires de disposer de données sur certaines maladies et de préserver la santé de la population. Quelques critères spécifiques sont retenus pour figurer sur cette liste : concernant la légionellose, c’est parce qu’elle nécessite une intervention urgente au niveau local et parce qu’il s’agit d’une maladie grave. Pour d’autres, comme la peste ou le choléra, c’est parce qu’elles justifient des mesures exceptionnelles à l’échelon international ou qu’il existe un besoin de connaissances à leur égard comme les maladies émergentes ou mal connues (maladie de Creutzfeldt-Jakob). Enfin, il existe un critère de faisabilité facilitant notamment le signalement (maladie peu fréquente, etc.). Outre la déclaration obligatoire, la légionellose est également soumise à un signalement dans le cadre de la lutte contre les infections nosocomiales.