Objectif Soins n° 195 du 01/04/2011

 

Actualités

Sylvie Gervaise  

ÉTHIQUE → Le 9 mars dernier, Danièle Siroux et Claude Sureau ont rapporté, en présence du professeur Alain Grimfeld, président du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE), les conclusions relatives à la demande d’assistance médicale à la procréation (AMP) après le décès du père.

C’est le quatrième avis prononcé par le CCNE sur ce sujet délicat de la poursuite de la vie après la mort. Délicat et complexe, ce thème pourra prochainement être régulièrement débattu dans le cadre de la mise en place d’un groupe de réflexion permanent sur l’assistance médicale à la procréation, coordonné par Claude Sureau.

S’il n’y a pas, pour l’instant, d’orientation vers une rediscussion systématique de la loi bioéthique tous les cinq ans, le CCNE, quant à lui, souhaite que les ajustements en rapport avec l’évolution des connaissances puissent être possibles, y compris dans une période inférieure à cinq ans.

Un cadre législatif qui pourrait évoluer

Alors que la loi bioéthique du 29 juillet 1994 stipulait clairement que la demande d’Assistance médicale à la procréation (AMP) ne pouvait concerner qu’un homme et une femme, vivants, et désireux d’avoir un enfant, le CCNE avait, dès 1993, dans son avis n° 40, considéré que la demande d’une femme à être inséminée après le décès de son conjoint ne pouvait être refusée a priori. Il a d’ailleurs confirmé sa position en 1998 et en 2000.

La loi bioéthique, révisée en 2004, doit l’être à nouveau prochainement. Dans cette perspective, l’avis du CCNE a été proposé le 15 février dernier par la commission spéciale de bioéthique à l’Assemblée nationale. Le projet de loi a été adopté en première lecture, contre l’avis du gouvernement.

Paillettes ou embryon : toute la différence

L’insémination post-mortem du sperme cryopréservé par congélation ou vitrification n’est toujours pas considérée par le CCNE comme une démarche adaptée.

En revanche, un avis favorable, mais sous conditions, est prononcé pour le transfert d’embryon après le décès du père.

La première de ces conditions est que l’homme ait exprimé son consentement pour un projet parental avant son décès. Il est également apparu prudent de faire observer à la mère un délai de réflexion entre le deuil et la décision de poursuivre le projet parental, cette période permettant d’organiser un accompagnement psychologique et d’envisager une réimplantation dans les six à dix-huit mois après le décès du père. Enfin, le CCNE prévoit que la filiation paternelle de l’enfant puisse être assurée.

Réflexion éthique

L’embryon, qui émane à la fois d’un homme et d’une femme, est considéré en droit comme une personne humaine potentielle. La femme dont le conjoint décède doit prendre une décision concernant le devenir de l’embryon. Elle ne peut en revanche se prononcer quant au sperme congelé de son conjoint : lorsque celui-ci décède, les paillettes sont systématiquement détruites.

Cette décision est d’autant plus délicate qu’elle entraîne pour cette femme et pour son enfant des conséquences capitales. Donner la vie à un enfant qui naîtra orphelin peut engendrer chez lui un déséquilibre psychologique, et l’on peut craindre que la grossesse ne soit que le projet de la mère, fragilisée par un épisode affectivement douloureux.

Des problématiques sociales et juridiques

Un débat éthique, certes, qui implique des dimensions psychologiques et sociologiques, mais également un vrai questionnement juridique : quels aménagements et recours prévoir quant au droit de filiation (donc au droit de succession) pour les enfants dont la date de naissance se situerait bien au-delà de la période physique et légale de procréation ?

En savoir plus :

– site du CCNE : www.ccne-ethique.fr ;

– Espace éthique AP-HP : www.espace-ethique.org.