PROJET → Lancé en septembre 2009 pour promouvoir le développement de la recherche infirmière, le Programme hospitalier de recherche infirmière (PHRI) s’est étendu en 2010 aux auxiliaires médicaux, devenant ainsi Programme hospitalier de recherche infirmière et paramédicale (PHRIP). Une opportunité de renforcer son équipe et donner du sens à la pratique infirmière.
À l’automne 2009, le ministère de la Santé mettait en place un nouveau programme de recherche hospitalier. Complétant le PHRC (Programme hospitalier de recherche clinique, portant sur la recherche médicale et lancé en 1993) et le PREQHOS (Programme de recherche en qualité hospitalière, initié en 2007), le PHRI (Programme hospitalier de recherche infirmière) s’adressait aux infirmières, reconnues comme responsables d’un projet de recherche. Devant le succès de la première édition (84 dossiers avaient été déposés et 16 avaient obtenu un financement), le PHRI a été reconduit en 2010 et étendu à l’ensemble des professions paramédicales.
Le PHRIP, Programme hospitalier de recherche infirmière et paramédicale, s’organise en deux collèges : le premier étudie les projets infirmiers et le second l’ensemble des projets intiés par des auxiliaires médicaux figurant au Code de la Santé Publique.
Ainsi, à l’automne 2010, 113 projets étaient parvenus à la DGOS (Direction générale de l’offre de soins), dont 74 élaborés par des infirmières porteuses de projets. Après des tris successifs par le comité de sélection, l’arbitrage final sera opéré par le ministre de la Santé dans le courant du mois de mai. Les projets sélectionnés obtiendront un financement sur trois ans. En 2010, le budget total alloué était en moyenne de 30 000 euros. Les projets 2011, plus ambitieux en termes de coûts que ceux de l’an passé, pourraient bénéficier d’une enveloppe plus large, mais seraient en revanche moins nombreux à être retenus.
Le PHRIP a pour objectif de « fournir aux équipes hospitalières et aux décideurs des connaissances contribuant à l’amélioration des soins et des pratiques professionnelles des auxiliaires médicaux dans les établissements de santé et permettant également d’appréhender l’impact des changements des pratiques ». La notion de soin est comprise dans son acception large et intègre la prévention primaire et secondaire, la rééducation, la réadaptation ainsi que les soins à visée palliative. Les projets sont déposés par les établissements habilités à recevoir des crédits au titre des Migac (Missions d’intérêt général et à l’aide à la contractualisation) et doivent recevoir l’aval du directeur de l’établissement de santé.
Les projets qui ont obtenu un financement lors de l’appel d’offres de l’année passée reflètent la spécificité des préoccupations infirmières dans leur diversité. Les recherches vont de la prévention de l’anxiété des enfants par l’hypnose, à l’amélioration qualitative des soins palliatifs, en passant par l’évaluation des principes actifs d’une seringue hypodermique.
Ce dernier projet, élaboré par l’équipe du Service mobile d’urgence et de réanimation (Smur) de Corbeil-Essonnes a vu le jour au terme d’une discussion en staff sur la régularité de la délivrance d’un médicament administré au pousse-seringue électrique. Bruno Garrigue, cadre de santé au Service mobile d’urgence et de réanimation (Smur), déjà expérimenté dans le domaine de la recherche, a vu l’intérêt que pouvaient constituer ces interrogations et a incité son équipe à réaliser un premier recueil de données auprès des professionnels et des Ifsi. L’absence d’une réponse claire à une question d’apparence simple et basique pour la pratique infirmière a poussé l’équipe à entamer des travaux de recherche et à déposer un dossier, suite à l’appel d’offres du PHRI.
Pour Bruno Garrigue, la réceptivité du cadre de santé est fondamentale : « L’encadrement doit savoir détecter les bonnes idées de l’équipe et les faire éclore. Nous devons repérer ces pépites et rallier tout le monde à cette cause pour en faire une idée commune. Il est également important de lui en laisser la paternité. S’il s’agissait d’une idée venant d’en haut, il serait beaucoup plus difficile de faire adhérer l’équipe au projet. »
La nécessité de la disponibilité intellectuelle du cadre de santé est également soulignée par Pascale Beloni, cadre de santé au CHU de Limoges et responsable de la mission transversale de recherche en soins CHU de Limoges. Elle estime que « le PHRIP donne l’opportunité de rompre une routine, de ne pas faire la même chose durant toute sa vie professionnelle sans se dire que l’on pourrait faire autrement. On nous donne enfin la possibilité de réfléchir à notre pratique. Les équipes font remonter beaucoup de choses. Le cadre doit être à l’affût de ces observations. Il doit savoir écouter. Son implication est fondamentale : s’il n’y croit pas, rien ne se passera ».
L’implication du cadre de santé est fondamentale pour aménager le planning, afin de permettre de dégager du temps pour que les équipes puissent mener les travaux préparatoires, poser les bases de leur recherche. Il est également le lien indispensable avec les référents de la recherche clinique de l’établissement hospitalier.
Le PHRIP comporte en effet une contradiction qui représente un formidable défi à relever par les équipes hospitalières. Son investigateur principal est un auxiliaire de santé, que sa formation et sa pratique n’ont pas préparé aux impératifs méthodologiques de la recherche. L’instruction de la DGOS
Le rôle du cadre de santé est essentiel pour assurer une véritable collaboration entre ces deux univers. « Nous facilitons le contact entre les soignants et les référents de la recherche médicale, qui, en général, ne sont pas habitués à se rencontrer dans les établissements, souligne Pascale Beloni. Le partenariat avec la DRCI est incontournable. Il est important que les soignants porteurs de projet et les référents de la recherche réalisent le plus tôt possible qu’ils ont des choses à partager. » Le parcours de validation d’un projet demande des rencontres régulières entre ces deux mondes professionnels. L’instruction de la DGOS précise d’ailleurs la nécessité d’impliquer le plus tôt possible dans le processus la recherche infirmière.
Valérie Berger, cadre supérieur au CHU de Bordeaux et responsable du développement de la recherche en soins, insiste également sur l’importance de l’accompagnement des projets : « Un des sous-groupes du comité de soutien à la recherche en soins de notre CHU se consacre à la méthodologie. Des cadres, provenant de filières différentes et un représentant de la recherche clinique évaluent chaque dossier et vérifient tout d’abord qu’il s’agit bien d’un projet paramédical relevant du PHRIP. Une fois avalisés, les projets sont accompagnés méthodologiquement tout au long de leur élaboration. Un projet de recherche demande beaucoup de travail. Nous sommes là pour soutenir les porteurs de projets, leur apporter les fondamentaux. C’est notamment le rôle du sous-groupe de notre comité qui s’occupe plus particulièrement de la recherche documentaire. Il apporte un soutien dans la recherche et la lecture critique d’articles scientifiques. »
La recherche infirmière permet de mettre en place une dynamique précieuse au sein des équipes. Pour Pascale Beloni, qui a obtenu l’an dernier deux financements au titre du PHRI, « les projets de recherche sont un excellent outil de management. Ce travail part des préoccupations quotidiennes des équipes tout en valorisant leur capacité à mener un travail de recherche. La charge de travail n’est plus vue de la même manière. Il s’agit d’une réflexion pour améliorer les soins. Les équipes ont complètement adhéré à ce projet, malgré la charge de travail supplémentaire que cela implique. Il s’agit au fond de donner du sens à son travail ».
Un jugement partagé par Bruno Garrigue, qui estime que « le management par projet est quelque chose de très positif. Pour le moment, ce n’est pas enseigné à l’école des cadres. Cela débouche sur des choses intéressantes, même dans des conditions de travail difficiles. Si l’on parle en termes de bénéfices/risques, les bénéfices sont très importants pour l’équipe, qui voit son identité renforcée lors de ce genre de démarches. Il est en revanche fondamental de mener le projet jusqu’au bout ».
Afin d’éviter la déception que représenterait le rejet d’un dossier, qui demande une charge de travail et un investissement considérable de la part des porteurs de projet et des équipes, la bonne gestion du facteur temps est à prendre en compte par le cadre de santé. Selon Valérie Berger : « Nous avons maintenant la certitude que, chaque année, un nouvel appel d’offres PHRIP sera proposé. C’est pourquoi le temps joue en notre faveur. Une fois qu’une équipe a une idée de recherche, elle n’est pas obligée de se presser. Nous rassurons les équipes et les enjoignons à prendre le temps nécessaire. Il est important qu’un projet de recherche ne soit envoyé que lorsqu’il a toutes les chances d’être sélectionné. À l’inverse, il faut savoir passer à l’écriture, oser montrer quelque chose pour ensuite approfondir le travail de recherche. »
La valorisation des travaux menés, la communication au sein des établissements hospitaliers et à l’extérieur de ceux-ci fait partie du travail d’accompagnement des cadres. La participation des équipes aux colloques, congrès et réunions de sociétés savantes, leur permet de faire connaître leurs travaux et d’apprendre à les présenter d’une manière claire et synthétique, autre aspect de la formation continue “informelle” que permet la recherche infirmière.
Valérie Berger insiste également sur l’importance de la valorisation de la recherche infirmière que ces projets apportent : « Dès que j’en ai l’occasion, je viens présenter les travaux de recherche sur lesquels nous travaillons. Je crois beaucoup en l’exemplarité. C’est en faisant connaître la recherche infirmière qu’elle se développera. Plus largement, sur le site interne du CHU, nous avons pour objectif de mettre en ligne les travaux des étudiants en formation professionnelle ou universitaire qui ont reçu une note supérieure à 14. Il est important de diffuser ces travaux, pour les valoriser et pour transmettre les nouvelles connaissances. D’une manière générale, les infirmiers n’ont pas l’habitude de valoriser leurs travaux. »
Le dernier enjeu, fondamental, de la recherche infirmière est celui de la révolution qu’elle implique dans le domaine de l’enseignement et de la conception même des sciences infirmières. Si, à terme, la recherche infirmière trouvera sa place dans le cursus, et dans les pratiques hospitalières, beaucoup de choses restent encore à construire. Pascale Beloni estime que « tout reste à faire, dans le domaine des sciences infirmières. Nous ne disposons pas de véritable formation à la recherche. Nous manquons de référents et de diplômés en sciences infirmières ».
Philippe Delmas, cadre de santé en charge de la mission de recherche et de développement pour l’Hôtel-Dieu, Cochin et Broca (AP-HP) et professeur HES-SO (Haute École spécialisée de Suisse occidentale) à l’école La Source de Lausanne, estime de son côté que « la réforme des études universitaires des infirmières françaises n’est pas arrivée à son terme, qui devrait être la création de facultés de sciences infirmières. Cet état de fait handicape grandement la construction d’une pensée infirmière et le développement de la recherche dans la discipline. La France des soins infirmiers devient une exception en Europe, où un mouvement d’émancipation de la profession et de la discipline est en marche. Jusqu’à quand les infirmières françaises accepteront-elles de voir leur pensée confisquée et de rester ainsi des auxiliaires médicales ? ». Une interrogation qui devrait trouver ses réponses dans le développement du PHRIP.
* Instruction N°DGOS/PF4/2010/258 du 9 juillet 2010 relative au PHRIP pour 2011, téléchargeable sur Internet : www.sante.gouv.fr/programme-hospitalier-de-recherche-en-soins-infirmiers-et-paramedicaux-phrip.html.