Itinéraire d’une professionnelle engagée | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 198 du 01/08/2011

 

ÉLISE PATRIARCHE

Parcours

Joëlle Maraschin  

Ancienne directrice d’Ifsi et directrice des soins, Élise Patriarche a beaucoup œuvré pour l’harmonisation des filières entre cadres de santé soignants et formateurs. Retraitée, elle est aujourd’hui présidente d’un réseau de santé qui assure la coordination pour le maintien à domicile en Charente. Une activité bénévole pour laquelle elle s’investit quasi quotidiennement.

Élise Patriarche a passé près de quarante-deux ans au service des hôpitaux de Paris. « J’ai fait beaucoup de choses pendant toutes ces années, cela a parfois été dur. Mais, si c’était à refaire, je le referais sans aucune hésitation », dit-elle. Et d’ajouter : « Je ne suis pas certaine que les nouvelles générations mesurent à quel point les anciennes se sont battues. »

Car Élise Patriarche, qui vient de fêter ses 70 ans, fait indéniablement partie des infirmières qui ont contribué à l’évolution de la profession et des soins. Aujourd’hui encore, elle est toujours sur le front et continue de se battre pour l’amélioration de la continuité des soins et la prise en charge des plus âgés.

Souvenirs d’une ancienne “panseuse”

Née de parents agriculteurs en Charente (16), Élise Patriarche a passé en 1959 le concours de l’école infirmière organisé par l’AP-HP. C’est finalement à Rothschild qu’elle suit ses études, un établissement dans lequel elle reste pendant plusieurs années. Diplômée en 1961, elle est dans un premier temps infirmière dans le service de chirurgie générale et thoracique de l’hôpital. Elle occupe très vite un poste de panseuse, l’équivalent des Ibode aujourd’hui. « C’était un travail difficile, avec seulement un jour de repos par semaine. J’étais seule, sans aide-soignante, et il fallait tout faire », se souvient-elle.

Compte tenu de son expérience en chirurgie puis au bloc opératoire, la directrice de l’école infirmière de Rothschild lui propose un poste de monitrice en chirurgie. Elle accepte, à la seule condition qu’elle puisse faire ses armes dans une autre école que celle de Rothschild. « J’ai eu un poste de faisant fonction à l’école infirmière de Lariboisière pendant deux ans. Je suis ensuite revenue à Rothschild et j’ai alors passé le concours de l’école des cadres », précise-t-elle. Elle est monitrice à l’école infirmière de Rothschild pendant une dizaine d’années. Responsable d’une promotion, elle enseigne pour l’ensemble des élèves infirmières la chirurgie, mais aussi les aspects législatifs de la profession. « Nous faisions déjà de l’enseignement intégré, notamment des réflexions et des cours à partir de cas concrets rencontrés sur leur terrain de stage. C’était novateur pour l’époque », souligne-t-elle.

De l’école des cadres à la direction d’Ifsi

Forte de son expérience de plusieurs années dans la formation initiale, Élise Patriarche est ensuite embauchée comme monitrice-animatrice à l’école des cadres de la Pitié-Salpêtrière. Elle découvre la richesse d’enseigner les techniques de management à des professionnels confirmés.

En 1980, elle passe avec succès le concours pour accéder aux fonctions de direction d’une école infirmière. Elle est alors nommée au poste de directrice de l’Ifsi de l’hôpital Avicenne de Bobigny (AP-HP) dans le 93. En lien avec la directrice des soins de l’établissement et les cadres de l’hôpital, elle développe le tutorat pour former ses étudiants : démarche de soins, diagnostics infirmiers, mise en place des dossiers de soins… Élise Patriarche défend aussi l’idée d’une ouverture de l’Ifsi aux autres écoles du département. Elle organise par exemple un partenariat entre l’Ifsi et l’Institut de formation des maîtres des écoles (IUFM du Bourget) pour créer un projet pédagogique, notamment sur l’éducation sanitaire des enfants et de leurs parents. Soucieuse de développer ses compétences, elle profite aussi de ces années pour passer une maîtrise des organisations sanitaires et sociales à l’université de Dauphine.

Suite au mouvement infirmier de 1988, Élise Patriarche et d’autres directrices d’écoles fondent une association afin de travailler sur l’harmonisation des filières. « En dépit de la mise en place du certificat de cadre infirmier, les carrières des monitrices étaient toujours bloquées. Il n’existait pas de réelle possibilité de passage entre la carrière d’un cadre soignant et celle d’un formateur, comme entre celle d’une directrice des soins et celle d’une directrice d’Ifsi », explique-t-elle. Élise Patriarche et ses collègues n’hésitent pas à rencontrer les plus hautes sommités politiques de l’époque pour faire entendre leurs revendications. À force d’explications, les directrices d’écoles obtiennent la mise en place d’une passerelle entre les deux types de carrière. Élise Patriarche, qui est directrice d’école depuis onze ans, n’hésite pas à solliciter alors un poste de directrice des soins. « Pensant que nous n’avions pas les compétences nécessaires, les services nous voyaient venir avec beaucoup d’appréhension », se rappelle-t-elle.

Une seconde carrière

En dépit de ces réticences, elle prend la direction du service des soins infirmiers de l’hôpital Trousseau en 1991. Elle se heurte à la méfiance des pédiatres de l’hôpital, lesquels refusent dans un premier temps d’accueillir la directrice des soins lors de leurs réunions. « Je suis partie des décrets pour travailler avec les équipes sur le rôle propre infirmier. Les médecins ont progressivement participé à nos réflexions. J’ai pu ainsi rétablir une communication entre le service des soins et la communauté médicale », relève Élise Patriarche. Elle s’engage avec ses équipes dans une dynamique de réflexion fructueuse : travail sur le tutorat, les transmissions ciblées, les plans de soins et les diagnostics infirmiers… « Nous avons pu éditer un livre sur le dossier de soins ciblé, lequel a été distribué dans l’ensemble des services de l’AP-HP », tient-elle à souligner.

En 1996, elle passe le concours sur titre pour accéder au grade de directrice des soins première classe. La direction des hôpitaux de Paris lui propose alors un nouveau poste dimensionné à la hauteur de ses compétences, en l’occurrence la direction des soins de l’établissement d’hospitalisation à domicile de l’AP-HP. « Il m’a fallu mettre en place la restructuration de l’HAD, passer de 24 équipes de soins à 16 équipes pour un même nombre de lits, moderniser les équipements, organiser les transmissions ciblées, participer au projet de création du réseau Onco 94… Ce fut une expérience très riche, mais pas toujours très facile », reconnaît-elle.

Fatiguée par ces dernières années à un poste aussi lourd, Élise Patriarche choisit de repartir dans sa Charente natale pour y vivre une retraite paisible. Mais, suite à la maladie de sa mère, elle découvre que son département manque cruellement de structures pour le maintien à domicile des personnes âgées. Avec des médecins libéraux et hospitaliers, des élus, les partenaires médico-sociaux de sa région, et la MSA Charente, elle fonde un réseau de santé gérontologique, Respa Charente Limousine. Pressée par les fondateurs de l’association qui connaissent son parcours, elle accepte d’être présidente de l’association. « Nous avons démarré en janvier 2008. Avant de trouver une infirmière coordinatrice, j’ai même assuré bénévolement, durant quelques mois, le travail de coordination des soins pour le réseau. »

Les années qui passent n’ont pas émoussé son tempérament. Lorsqu’elle s’engage dans une initiative qui lui tient à cœur, Élise Patriarche n’a jamais eu l’habitude de faire les choses à moitié.