Des protocoles pour davantage d’efficacité - Objectif Soins & Management n° 199 du 01/10/2011 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 199 du 01/10/2011

 

Actualités

Thierry Pennable  

RESSOURCES → Les premières “universités d’été de la performance en santé” se sont tenues les 16 et 17 septembre à Avignon, et donnaient l’occasion aux professionnels de confronter les moyens pour optimiser l’offre de soin. En perspective, de nouvelles missions pour les paramédicaux.

Invité par l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux(1), le Docteur Badara Samb représentait l’Organisation mondiale de la santé. Il affirmait en ouverture de ces journées qu’« aucun pays au monde n’utilise de manière optimale les ressources dont il dispose ». Le choix du terme “performance” appliqué à la santé suscita des critiques, mais les enjeux à venir pour le système de santé en France étaient dans tous les esprits. Danielle Cadet, coordinatrice générale des soins à l’hôpital Lariboisière-Fernand-Widal (AP-HP), plaide pour « un système plus souple, plus réactif et plus riche en compétences pour garantir l’accès aux soins et, au-delà, la qualité de l’accès aux soins ». Parmi les ateliers organisés lors de ces journées, « la coopération entre professionnels de santé » intéressait particulièrement l’évolution des pratiques infirmières.

Organiser les transferts de tâches

La coopération entre professionnels de santé régie par la loi Hôpital, patients, santé et territoires (article 51) vise les transferts d’activités ou d’actes de soins dans le but d’une amélioration de la prise en charge du patient. Elle est concrétisée dans un “protocole de coopération” qui doit énoncer précisément les nouvelles modalités du soin(2). À l’exemple du protocole de “Réalisation de ponction médullaire en crête iliaque postérieure à visée diagnostique ou thérapeutique par une infirmière en lieu et place d’un médecin” dans un centre de lutte contre le cancer avec une spécificité hématologie, élaboré par l’équipe de l’Institut Paoli-Calmettes (Marseille). Michèle Isnardi, directrice des soins en précise l’amélioration apportée à la prise en charge pour le patient « compte tenu de l’importance du myélogramme pour un diagnostic, une évaluation et une mise en place du traitement ». L’enjeu est de garantir aux patients une offre de soin adaptée à leurs besoins, en bénéficiant le plus rapidement de cet examen. « Avec ce protocole, on ne demandera pas au patient de revenir à l’institut pour son myélogramme, comme c’est très souvent le cas. Le médecin prescrira le myélogramme, demandera au patient s’il n’est pas opposé à ce qu’une infirmière le réalise, et le myélogramme sera effectué dans le même temps par l’infirmière. » C’est le premier protocole validé par une Agence régionale de santé, l’ARS Paca. La mise en pratique de ce protocole est prévue pour le 1er décembre 2011, même si quelques points restent à préciser pour que la Haute Autorité de santé (HAS) rende un avis favorable.

Un travail de longue haleine

Un an de travail en concertation avec les équipes médicales et paramédicales, en interne et en externe, a été nécessaire pour l’élaboration de ce protocole. « Il est important que médecins et infirmières parlent le même langage et partagent une relation de confiance », constate Michèle Isnardi. Sa rédaction doit être claire et précise pour être comprise par un lecteur extérieur au service. Il a nécessité la réalisation d’un support de formation pour les infirmières. « Jusqu’à présent, les médecins faisaient ces protocoles avec une formation qui leur était propre. »

Ljiljana Jovic, conseillère technique régionale à l’ARS Île-de-France, reconnaît qu’« actuellement, l’élaboration d’un protocole est lourde et complexe, et nécessite un véritable engagement de la part des équipes ». Des difficultés qui pourraient s’alléger avec la pratique. Toutefois, Ljiljana Jovic fait remarquer que les ARS, qui ont un rôle d’instruction des dossiers pour mettre en œuvre l’application des textes, ont étendu leur soutien au-delà de ce qui est prévu par le législateur. « Elles ont un rôle d’information et de soutien pédagogique pour aider les équipes à identifier les actes qui peuvent entrer dans les coopérations et à formaliser les protocoles. »

Légaliser les habitudes de service

Certaines difficultés émergent des premiers constats tirés de la dizaine de protocoles en cours de réalisation en Île-de-France. Il est parfois difficile d’identifier des actes dérogatoires quand cela concerne des gestes habituellement pratiqués dans les services sans qu’aucun protocole ne les encadre. Une autre difficulté consiste à ne pas connaître la nécessité d’avoir des compétences supplémentaires dans un domaine déjà autorisé à un niveau d’exercice dans la réglementation actuelle. Ljiljana Jovic prend l’exemple de l’éducation thérapeutique. « C’est un acte du rôle propre des infirmières qui n’ont donc pas besoin de passer par les coopérations, même si l’éducation thérapeutique d’un bon niveau nécessite une compétence supplémentaire à la formation initiale de l’infirmière. Tandis que faire de l’éducation thérapeutique lorsqu’il y a une prescription de médicament ou d’examen entre dans le champ de la coopération. » Il y a aussi des divergences dans les propositions de formations qui doivent figurer dans le protocole pour permettre à un professionnel de santé d’accéder à une nouvelle pratique. « Certaines équipes proposent des formations d’assez haut niveau, quand d’autres inscrivent dans les protocoles “il y a des années qu’on fait ça, on n’a pas besoin de formation”. Ce qui n’est pas recevable en l’état », observe la conseillère de l’ARS Île-de-France. Pour la directrice des soins de l’Institut Paoli-Calmettes, « le plus important, ce sont les garanties juridiques et techniques proposées par la loi et les décrets d’application. On ne peut pas se lancer sur un acte dérogatoire s’il n’y a pas une juridiction pour protéger les infirmières ». De plus, l’assureur a confirmé que les actes prévus dans leur protocole étaient couverts. Enfin, Michèle Isnardi, qui a pu créer une activité temps plein supplémentaire, est satisfaite de pouvoir valoriser l’exercice de l’infirmière. « Elle va passer dans l’institut à un statut d’infirmière experte, libérée du temps médical pour des missions qui ne peuvent pas être déléguées. »

(1) Instituée par la loi HPST du 21 juillet 2009, l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap) a pour objet d’aider les établissements de santé et médico-sociaux à améliorer le service rendu aux patients et aux usagers.

(2) Pour en savoir plus, consultez le “Protocole de coopération entre professionnels de santé” et deux guides méthodologiques sur www.has-sante.fr.

brèves

À savoir …

INFECTIONS NOSOCOMIALES

UNE ÉTUDE POUR AMÉLIORER LE SIGNALEMENT

Une douzaine d’établissements de santé des interrégions Ouest et Sud-Ouest ont participé à une étude* portant sur l’aspect qualitatif du signalement des infections nosocomiales. Portée par le RAISIN et confiée à une sociologue, cette étude a permis de mettre en évidence des dynamiques de signalement variées, avec néanmoins une faible intégration à la gestion des risques. Certaines difficultés concernant le signalement externe ont été mises en évidence, comme un manque de lisibilité, d’outils adaptés et d’objectifs clarifiés. À l’inverse, cette étude a mis en évidence certains points très positifs : des professionnels motivés, une proximité des EOH avec les services de soins ou encore l’automatisation des alertes.

NOUVEAUTÉ

PARTENARIAT

Face aux nouveaux enjeux démographiques auxquels est confrontée la Fonction publique hospitalière française, l’ANFH, OPCA de la Fonction publique hospitalière, signe de nouveaux partenariats stratégiques avec l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap) et l’École des hautes études en santé publique (EHESP). Objectif : accompagner les établissements publics hospitaliers dans leur conduite du changement.

RÉANIMATION

COMMENT INTÉGRER LES ARRIVANTS ?

Lors du congrès de la Sfar du 21 au 24 septembre, l’une des conférences présentées aux journées infirmières portait sur les outils qui pouvaient aider à l’intégration des nouveaux IDE. Partant du constat que seul 1 % de la formation est consacré à la réanimation dans le cursus infirmier, l’accent a été mis sur l’importance des référentiels de compétences dans ce domaine ainsi que sur le livret d’accueil à l’emploi en réanimation, deux documents qui posent les bases de ce qu’un infirmier devrait savoir en arrivant en réanimation. Mais, si le temps minimum de formation est estimé à huit semaines, bien peu de services – en pratique – applique ces recommandations et estime que le nouvel arrivant est opérationnel avant ce délai.

TUBERCULOSE

RETOUR EN FORCE

Face à un foyer de tuberculose à Clichy-sous-Bois (93), la préfecture et l’ARS ont organisé fin septembre et mi-octobre un dépistage gratuit. Chaque habitant a pu en bénéficier et le traitement éventuel est pris en charge.

* Téléchargeable sur le site de l’InVS.