La permanence des soins ambulatoires - Objectif Soins & Management n° 199 du 01/10/2011 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 199 du 01/10/2011

 

Économie de la santé

Didier Jaffre  

DISPOSITIF → Depuis la publication de la loi HPST du 21 juillet 2009, l’organisation de la permanence es soins ambulatoires (PDSA) relève de la seule compétence de l’Agence régionale de santé, détenue jusqu’alors par le Préfet de département sur la base de recommandations établies par la mission régionale de santé. Seconde partie.

Après les objectifs de la PDSA, la régulation médicale libérale, les territoires et le financement de PDSA, nous abordons ici un mode de fonctionnement “conventionnel” au sens de la théorie économique.

En premier lieu, le cahier des charges régional de la PDSA est établi en étroite concertation avec les professionnels de santé, réunis au sein du Comité départemental d’aide médicale d’urgence, des professionnels de santé et des transports sanitaires (Codamups-TS), qui émet un avis réglementaire sur le projet de cahier des charges. Coprésidé par le préfet de département et le directeur général de l’ARS, il veille à la qualité de la distribution de l’aide médicale urgente, à l’organisation de la permanence des soins et à son ajustement aux besoins de la population. Réuni au moins une fois par an, il est le lieu privilégié de dialogue et de coopération entre les différents acteurs de la PDSA. Le Codamups-TS, dans son sous-comité médical, a pour mission d’évaluer l’organisation de la permanence des soins et de proposer des modifications à ce cahier des charges. Autrement dit, pour que le cahier des charges soit véritablement lancé, il convient de s’assurer que chaque professionnel est prêt à le mettre en œuvre, car l’ARS dispose que de très peu de moyens de contrainte.

En deuxième lieu, pour chaque territoire de PDSA défini dans le cahier des charges, un tableau départemental est établi par les médecins volontaires et les associations de permanence de soins pour une durée minimum de trois mois. Ce tableau précise le nom, la modalité et le lieu de dispensation des actes de chaque médecin. Il est transmis au plus tard 45 jours avant sa mise en œuvre au Conseil départemental de l’Ordre des médecins (CDOM) concerné. Le CDOM vérifie que les intéressés sont en situation régulière d’exercice et, le cas échéant, constate l’absence ou l’insuffisance de médecins volontaires. Toute modification de ce tableau est communiquée au CDOM dans les plus brefs délais. Si le médecin intervient dans le cadre d’une association de permanence des soins, celle-ci communique au CDOM et met à jour la liste nominative des médecins susceptibles de participer à cette permanence au titre de l’association.

Un mois suivant la fin de la mise en œuvre du tableau de garde, l’association transmet au CDOM la liste nominative par tranche horaire des médecins qui ont effectivement assuré la PDSA sur le territoire dix jours au moins avant sa mise en œuvre. Le tableau est transmis par le CDOM au directeur général des ARS (DG ARS), au préfet de département, au Samu, aux médecins et associations de PDSA concernés ainsi qu’aux caisses d’assurance maladie. Toute modification du tableau de garde survenue après cette transmission fait l’objet d’une transmission dans les plus brefs délais.

En cas d’absence ou d’insuffisance de médecins volontaires, le CDOM sollicite l’avis des Unions régionales des professionnels de santé (URPS), des représentants des médecins de centre de santé au niveau départemental et des associations de permanence de soins.

Si, à l’issue de ces consultations et démarches, le tableau de garde reste incomplet, le CDOM adresse un rapport au DG ARS qui fait état des avis recueillis et dresse la liste des médecins susceptibles d’exercer la PDSA dont l’adresse et les coordonnées téléphoniques professionnelles sont précisées. Le DG ARS communique ces éléments au préfet de département afin que celui-ci procède aux réquisitions. Les obligations et engagements pris par le médecin titulaire dans le cadre de la PDSA sont assurés par le médecin qui le remplace. Il peut être accordé par le CDOM des exemptions de permanence pour tenir compte de l’âge, de l’état de santé et éventuellement des conditions d’exercice de certains médecins. La liste des médecins exemptés est transmise par le CDOM au DG ARS qui la communique au préfet de département.

La PDSA s’apparente donc à la convention au sens de la théorie économique. Elle est extérieure aux médecins généralistes, en ce sens que ce sont les pouvoirs publics qui la souhaitent et l’imposent par la loi, mais elle ne se réduit pas à un dispositif contraignant dans la mesure où elle repose uniquement sur le volontariat des médecins généralistes. Elle est donc supposée librement acceptée par les médecins généralistes, de par leur profession et leur code de déontologie. La PDSA ne suppose pas d’intention subjective (les médecins restent libres de ne pas y participer) et ne découle d’aucune négociation contractuelle (la PDSA ne fait pas partie des contrats signés par l’ARS avec les médecins libéraux)?: elle n’est pas le produit direct d’un accord de volontés, mais un objet, construit socialement, sur lequel il semble possible de s’accorder. La PDSA présente une régularité reconnue à un niveau collectif. Elle donne bien la solution d’un problème répétitif et ne constitue pas, à l’image du contrat, une solution correspondant à une situation particulière. Le dispositif de la PDSA ne contient pas d’obligation. Chacun est libre d’adhérer ou non à la PDSA et peut, à tout moment, décider ne plus s’y conformer. Le contenu de la règle conventionnelle qu’est la PDSA échappe à la volonté des acteurs qui ont la possibilité de l’adopter ou non. Le degré d’intentionnalité est intermédiaire entre les degrés d’intentionnalité nul de la contrainte et infini du contrat.

Dès lors, les ARS doivent faire preuve d’un certain doigté pour faire en sorte que la PDSA soit effective en tout point du territoire, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui, le tout dans un contexte de démographie médicale très fragile et budgétaire contraint. Nombreux sont les médecins généralistes qui ne souhaitent plus participer à la PDSA. Il revient à l’ARS de faire preuve de persuasion auprès des conseils de l’Ordre des médecins et des URPS pour que ceux-ci entraînent leurs confrères et permettent d’avoir par territoire de PDSA un nombre minimal de médecins y participant. Mais le résultat n’est pas garanti, les prochains mois seront décisifs en la matière. La PDSA constitue de ce fait un indicateur de résultat pour les ARS qui montrera si celles-ci sont capables de mettre en place la PDSA, sans pour autant disposer de moyens pour l’imposer. Et, de ce fait, montrer ou non qu’un régime conventionnel est viable ou non.

Rappel sur les dispositifs de coordination d’un système économique

À l’origine de la coordination d’un système économique, trois dispositifs : la contrainte, le contrat et la convention.

→ La contrainte ou règle hétéronome dicte aux agents leur conduite, indépendamment de leur volonté. Elle leur dénie, pour une action considérée, la faculté de se déterminer à agir d’une façon ou d’une autre. Elle exclut tout acte de volonté et ne résulte pas d’un accord entre les acteurs. Elle est au contraire édictée unilatéralement, imposée de l’extérieur et caractérisée par l’exogénéité des obligations qu’elle crée. Les acteurs ne décident pas du contenu de la règle contraignante et doivent impérativement s’y conformer. L’intentionnalité des agents est nulle tant dans la création que dans le respect de la règle.

→ Le contrat constitue un arrangement interindividuel organisant des interactions entre deux agents. Ces interactions font l’objet d’une libre négociation entre les parties et se réalisent sur la base d’un accord adopté par consentement partagé. Le contrat se définit comme le fruit d’un accord de volontés. En outre, les relations prévues par le dispositif contractuel supposent l’existence d’engagements réciproques : les agents s’engagent les uns envers les autres à céder ou à s’approprier, à faire ou ne pas faire quelque chose. À l’instar de la contrainte, le contrat est source d’obligations. Or celles-ci présentent un caractère endogène. Elles sont ce que les agents choisissent de s’imposer par entente mutuelle. Les clauses du contrat ne s’appliquent donc qu’à ceux qui les ont intentionnellement élaborées. Les acteurs déterminent de leur propre chef le contenu de la règle contractuelle et s’engagent librement à la respecter. Leur intentionnalité est infinie pour la création, comme pour le respect de la règle.

→ La convention a en commun avec la contrainte d’être extérieure aux acteurs, mais elle ne se réduit pas à un dispositif contraignant. Elle est librement acceptée par les agents et se rapproche alors d’un dispositif contractuel. La convention n’est pourtant pas assimilable à un contrat pour deux raisons. D’une part, la convention ne suppose pas d’intention subjective et ne découle d’aucune négociation : elle n’est pas le produit direct d’un accord de volontés, mais un objet, construit socialement, sur lequel il est possible de s’accorder. D’autre part, la convention présente une régularité reconnue à un niveau collectif. Elle donne la solution d’un problème répétitif et ne constitue pas, à l’image du contrat, une solution correspondant à une situation particulière. Le dispositif conventionnel, à la différence des précédents, ne contient pas d’obligation. Chacun est libre d’adhérer ou non à la convention et peut à tout moment décider ne plus s’y conformer. Le contenu de la règle conventionnelle échappe à la volonté des acteurs qui ont la possibilité de l’adopter ou non. Le degré d’intentionnalité est intermédiaire entre le degré d’intentionnalité nul de la contrainte et infini du contrat.