ENTRETIENS DE BICHAT → Malgré la peur qu’inspire la maladie d’Alzheimer, les dernières recherches confirment que le diagnostic précoce est favorable à un retardement de l’évolution de la maladie. Il peut aussi permettre d’éviter l’épuisement des proches.
« Plus de 60 % des moins de 65 ans se plaignent de leur mémoire. Il est essentiel de faire la différence entre les plaintes banales et les plaintes suspectes », commence le Dr Pierre Jouanny lors de sa conférence aux Entretiens de Bichat, le 29 septembre dernier. Si la grande majorité de ces plaintes mnésiques s’avère banale, certains cas nécessitent une exploration plus approfondie.
Parmi les signaux alarmants, l’interprétation délirante d’un événement courant, comme l’impression d’avoir été volé lorsqu’on a perdu quelque chose, doit être pris en compte. Mais pour reprendre les éléments dans l’ordre, c’est le ressenti d’une modification récente de la cognition et le témoignage extérieur d’un changement psycho-comportemental non expliqué par une pathologie psychiatrique identifiée qui constituent les signaux d’alarme essentiels. Les personnes hospitalisées pour une pathologie révélant un déclin cognitif : chute, syndrome confusionnel, accident vasculaire cérébral, etc., doivent également faire l’objet de tests approfondis.
Des outils d’évaluation à utiliser avec précautions, cependant. Parmi ceux-ci, le MMSE (Mini Mental State Exam), qui établit un état des lieux des fonctions cognitives (mémoire à court terme et à long terme, sens de l’orientation, aptitude à communiquer par écrit et oralement). Une échelle dont les résultats sont à prendre avec des pincettes face à une personne appartenant à un milieu socio-culturel élevé, capable de développer des stratégies masquant une partie des symptômes, comme semble l’avoir fait Liliane Bettencourt ces dernières années. Ce test sera accompagné de nombreux autres, dont le IADL (instumental activities of daily living)) destiné à déterminer le niveau d’autonomie. Le praticien prendra soin, également, d’y associer une échelle de dépression, comme par exemple le “Mini GDS”.
Une fois les résultats obtenus, la question de l’annonce se pose. « Le doute peut être terriblement douloureux, certains patients, conscients de leurs troubles et exprimant une plainte mnésique, apparaissent même comme soulagés de ne pas être responsables des symptômes qu’ils ressentent ou que leur entourage leur fait remarquer », précise Pierre Jouanny, avant d’insister sur la nécessité de prendre également soin des proches. « La mise en place précoce de thérapeutiques, d’une prise en charge et d’un accompagnement, assure une meilleure qualité de vie aux patients et aux aidants sur un temps plus prolongé et retarde l’entrée en institution. » Des proches qui sont donc enfin reconnus comme victimes collatérales de la maladie d’Alzheimer, l’épuisement familial pris en compte au même titre que la pathologie elle-même. Et plus tôt cela arrive, « lorsque la personne communique encore avec ses proches », mieux c’est, insiste le praticien.
La maladie fait peur. Il existe encore de nombreux freins à la mise en place d’une véritable politique de diagnostic précoce de la maladie d’Alzheimer. Parmi ceux-ci, une certaine méconnaissance de la maladie dont les symptômes sont trop souvent banalisés, car rapportés à l’âge par la personne touchée, son entourage, voire même du médecin traitant. L’isolement social, la précarité, le déficit sensoriel, la polypathologie masquant les symptômes retardent encore trop souvent l’établissement d’un diagnostic précoce.
Sur Internet :
– Plan Alzheimer 2008 et les méthodes de diagnostic sur www.has-sante.fr
– échelle Mini GDS de la dépression sur http://geriatrie-albi.com/mini-GDS.html