Infirmier de secteur psychiatrique et cadre de santé formé en France, Patrice Croquette a découvert avec enthousiasme la richesse et la qualité des soins déclinées dans le premier hôpital universitaire de Suisse : les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Il occupe aujourd’hui un poste d’infirmier adjoint de la responsable des soins dans le département psychiatrie de l’établissement. Itinéraire.
Souhaitant venir en aide aux personnes en difficulté, Patrice Croquette a choisi la voie soignante comme une évidence. Titulaire d’un diplôme d’infirmier de secteur psychiatrique obtenu en 1980, il exerce pendant cinq ans dans un service de psychiatrie de l’ancien centre hospitalier spécialisé (CHS) d’Armentières, aujourd’hui Établissement public de santé mentale (EPSM) Lille-Métropole. « C’était l’époque de la psychiatrie asilaire et carcérale, des pavillons fermés, une hiérarchie infirmière et un carcan institutionnel très pesants », regrette-t-il.
Soucieux de se former, ne serait-ce que pour échapper quelque temps à cet univers asilaire, il passe cinq ans plus tard son certificat de cadre infirmier à l’école des cadres de Saint-André-lez-Lille. De retour à Armentières, il demande à changer de service pour travailler aux côtés d’un médecin chef engagé dans une approche novatrice, la thérapie systémique et familiale. Il n’est pas nommé cadre mais se souvient d’une expérience passionnante.
Ayant entendu parler de la psychiatrie genevoise, il quitte la France à la fin des années 1980 pour un poste d’infirmier dans le département santé mentale et psychiatrie des HUG. « J’ai découvert une culture soignante qui correspondait beaucoup plus aux valeurs que je défendais », explique Patrice Croquette. Avec la promotion des groupes de parole de patients ou encore de l’éducation thérapeutique, la psychiatrie helvétique était beaucoup plus en avance que la psychiatrie française. Qui plus est, les professionnels infirmiers bénéficient déjà d’une reconnaissance professionnelle importante. « Je ne me sentais plus un simple exécutant comme en France, juste capable de donner des médicaments et d’apporter les plateaux-repas. Ici, nous étions déjà reconnus comme des soignants responsables à part entière, participant pleinement aux interventions thérapeutiques », continue-t-il.
Embauché comme infirmier, Patrice Croquette est nommé au bout de six mois Infirmier responsable d’unité de soins (Irus) par intérim, c’est-à-dire l’équivalent de la fonction cadre de santé en France. C’est en fait sa première expérience en tant que cadre dont il garde encore aujourd’hui un excellent souvenir. « Nous étions une équipe multiculturelle, à l’image de la ville de Genève. C’était une très forte émulation de travailler avec des soignants de sept ou huit nationalités différentes », se souvient-il.
En 1992, la responsable des soins lui demande d’encadrer une autre unité, dont l’équipe soignante est en grande souffrance. Il accepte de relever le défi à la condition de pouvoir bénéficier de formations. Tout en s’occupant de son équipe, il passe un master de management des services de santé à l’université de Genève et suit la formation de directeur des soins dispensée par l’École supérieure d’enseignement infirmier de Lausanne.
Diplômé de cette école en 1995, il continue cependant d’exercer les fonctions d’Irus pendant encore cinq ans. Par la suite, il collabore au développement de nouvelles approches thérapeutique et obtient le diplôme universitaire de thérapie comportementale et cognitive à l’université Claude-Bernard à Lyon en 1998. Il participe à ce titre à un projet phare du département santé mentale et psychiatrie, la création d’une unité psychiatrique adulte accueillant des patients souffrant d’une pathologie somatique. Unique en son genre mais indispensable, cette unité permet de soigner des adultes souffrant d’une comorbidité. L’équipe soignante est mixte, composée de professionnels spécialisés en soins généraux, mais aussi de professionnels spécialisés en santé mentale.
En octobre 2000, Patrice Croquette est nommé infirmier adjoint de la responsable des soins pour le département de santé mentale et psychiatrie des HUG. Ce poste pourrait être comparé à celui de cadre de pôle en France. Avec un service de psychiatrie générale, un service destiné aux personnes âgées et un autre spécialisé en addictologie, ce département est en effet l’un des plus importants des HUG. « Nous sommes actuellement quatre infirmiers adjoints sur ce département, et nous avons tous d’importantes responsabilités, indique-t-il. Nous avons la chance d’avoir une responsable des soins qui nous a octroyé une vraie délégation, la liberté de pouvoir développer des programmes. »
Les enjeux du poste lui permettent justement d’être polyvalent, puisque Patrice Croquette intervient aussi bien dans le domaine clinique que dans le management et l’enseignement. Responsable des soins pour deux secteurs de psychiatrie adulte, il consacre une bonne partie de son activité de cadre au suivi et à l’évaluation, mais aussi au recrutement conséquent de nouveaux soignants. « Nombre de soignants arrivent de France avec un diplôme d’État d’infirmier. Nous avons dû réfléchir pour développer leurs compétences d’intégration et leurs connaissances en psychiatrie », précise-t-il.
Pour accueillir ces soignants dans les meilleures conditions, les cadres du département ont mis en place un séminaire de formation de cinq jours et ont développé le concept du “mentorat”, l’équivalent en France du tutorat. De fait, la dimension enseignement et formation a aussi toute son importance. Intéressé par les troubles de l’humeur, Patrice Croquette a développé une véritable expertise en la matière. Il a notamment formé aussi bien les nouveaux collaborateurs que l’ensemble du département à la prévention du risque suicidaire. Il intervient par ailleurs dans les Ifsi pour sensibiliser par exemple les futurs professionnels au risque suicidaire ou encore à l’intérêt d’une démarche systémique pour la prise en charge de la détresse psychique.
Au titre du partenariat entre les HUG et le Sidiief (Secrétariat international des infirmières et infirmiers de l’espace francophone), Patrice Croquette s’est porté volontaire pour co-présider le comité d’organisation du 5e congrès mondial. Près de 1 500 professionnels infirmiers de l’espace francophone sont attendus pour ce congrès qui aura lieu fin en mai à Genève. « Je me retrouve dans toutes les valeurs que défend le Sidiief, que ce soit le partage des expériences et des savoirs infirmiers ou encore l’influence des politiques de santé », ajoute Patrice Croquette. Le prochain congrès aura pour thème et mot d’ordre “des pratiques cliniques novatrices, optimiser les compétences professionnelles”. Tout un programme… à consulter d’ores et déjà sur le site du Sidiief
* Site Internet : www.sidiief2012.org