Les droits des patients en psychiatrie - Objectif Soins & Management n° 202 du 01/01/2012 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 202 du 01/01/2012

 

Droit

Gilles Devers  

PRINCIPES → Les droits des patients en psychiatrie sont d’abord … les droits des patients ! Ainsi la question de la psychiatrie ne remet pas en cause fondamentalement l’approche juridique.

Le patient est une personne souffrante, qui s’adresse à des thérapeutes pour une prise en charge. Ceux-ci doivent répondre avec science et humanité et les contraintes qui peuvent limiter les droits de cette personne libre qu’est le patient sont uniquement liées à la finalité thérapeutique ou à l’organisation générale des services.

LE PRINCIPE : UNE RELATION DE SOIN À CONSTRUIRE

Il n’existe aucun régime spécifique des droits des patients au prétexte qu’ils seraient hospitalisés en service spécialisé de psychiatrie.

Pour s’en convaincre, il faut faire référence à l’article 1 de la Déclaration des droits de l’Homme de 1789. Ce texte est un élément de l’histoire, mais il est surtout la plus importante des références juridiques, dès lors que l’article 1 de la Déclaration figure dans les droits constitutionnels et que toute loi doit respecter cet article 1.

« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux… » Cette phrase est souvent interprétée comme si elle n’était liée qu’à l’égalité à la naissance. Cet aspect est certes de la plus grande importance. On sait que cette égalité n’est pas à constater, mais à construire, compte tenu des disparités sociales. Mais la portée essentielle du texte figure dans le mot “demeure”. Les êtres humains “demeurent” égaux, c’est-à-dire qu’ils sont dans un statut juridique d’égalité tant qu’ils sont vivants. Pour le droit, la seule chose qui compte est le fait que la personne soit vivante. L’altération de ses facultés mentales par la maladie, c’est-à-dire la réduction de sa capacité de réfléchir ou de décider, ne peut en aucune manière justifier une limitation de ses droits ou de la considération qui lui est due.

C’est en ce sens que la relation de soins dans le cadre de la psychiatrie doit être vécue fondamentalement sous l’angle de l’égalité relationnelle. Le thérapeute ne peut pas imposer ses volontés au seul motif que le patient serait dans une situation de souffrance psychique. Il doit toujours être dans la recherche d’une relation entre deux êtres qui, fondamentalement, sont libres et égaux. Bien entendu, les thérapeutes bénéficient d’un savoir scientifique, des moyens de diagnostic, de capacités thérapeutiques, qui s’expriment dans des services organisés. Ainsi, ils sont en mesure de prendre des décisions qui sont nécessaires pour la prise en charge thérapeutique. Mais cette prise de décision doit toujours prendre place dans la recherche du consentement, le plus possible, et le plus tôt possible.

Ainsi, le consentement en psychiatrie se pose exactement dans les mêmes termes que dans tous les autres domaines (article L. 1111-4 du Code de Santé publique). Il existe bien entendu une limite de bon sens, qui est liée, comme dans tous les secteurs, à la grande urgence. Lorsqu’une personne est grièvement blessée à la suite d’un accident de circulation et qu’elle n’est pas en mesure de s’exprimer, les médecins pratiquent tous les actes qui sont nécessaires. Il en est de même lorsque l’esprit d’une personne est happé par la souffrance psychique. Les thérapeutes sont alors en droit de prendre les décisions adaptées pour y répondre scientifiquement et humainement.

Mais, passé ce cap de l’urgence réelle, tout thérapeute doit chercher à recréer une relation de confiance qui inclut une certaine part d’autorité, pour amener le patient à accepter des soins qui lui seront bénéfiques. Cela signifie aussi que, si le patient est libre d’accepter les soins, il est également libre de les refuser. Un thérapeute n’a pas plus de droit d’imposer des soins pour une dépression ou une conduite addictive qu’un médecin ne pourrait le faire pour un problème somatique général. Il est simplement demandé au thérapeute d’être plus exigeant encore sur la dimension du consentement, car cette expression du consentement qui est toujours difficile l’est encore plus pour le patient atteint de maladie psychique. C’est en ce sens que doivent être comprises les adaptations nécessaires pour une juste prise en charge en psychiatrie.

L’HOSPITALISATION

Le cadre institutionnel

L’accès aux soins repose sur le principe de la liberté, à savoir que chaque patient est libre de s’adresser au médecin qu’il souhaite et que le médecin, en dehors de l’urgence et de l’humanité, n’est pas tenu d’entretenir une relation thérapeutique.

Ces règles existent dans le cadre de la psychiatrie privée.

En revanche, la psychiatrie publique est organisée à travers la politique du secteur qui crée un découpage du territoire avec des circonscriptions liées à une équipe de psychiatrie. Cette équipe de psychiatrie exerce au sein de l’hôpital et à l’extérieur de celui-ci dans les centres médicaux psychologiques (CMP). Cette organisation tient compte des réalités économiques et sociales qui font que la souffrance psychique conduit souvent à la fragilité sociale, et qu’il doit exister une présence de l’hôpital dans les quartiers. Par ailleurs, cette organisation vise essentiellement à répondre à des prises en charge longues, pour faciliter le passage entre la ville et l’hôpital, dans un sens comme dans l’autre. Le travail sur le secteur avec des médecins, des psychologues et des infirmiers qui sont disponibles et peuvent entreprendre un travail important permet d’éviter des hospitalisations. De même, après une hospitalisation, la resocialisation est rendue plus aisée par cette présence médicale dans les quartiers, via les CMP.

La contrainte pour les patients est qu’en fonction de leur domicile, ils sont liés à une équipe thérapeutique. Il y a là une différence nette avec le secteur sanitaire général. On ne peut pas dire pour autant qu’il n’y a pas de liberté thérapeutique. En effet, l’équipe médicale est importante et, au sein du service, se sont créées des relations de soins individualisées.

L’hospitalisation en service de psychiatrie (service libre)

L’hospitalisation en service de psychiatrie conduit à une forte présence relationnelle, et particulièrement s’agissant de la surveillance. Les questions comportementales deviennent essentielles, et le patient, qui n’a peut-être plus tous ses repères, justifie d’être plus particulièrement surveillé. Pour autant, la surveillance doit laisser de véritables parts pour la liberté. Les équipes doivent apprendre à trouver l’équilibre entre la surveillance, liée notamment aux contraintes de service et de sécurité, avec la liberté qui doit être reconnue aux patients. Toute mesure générale mettant en cause les libertés du patient est illégale par principe. Les atteintes aux libertés doivent toujours se faire dans un cadre mesuré, qui est celui de la proportionnalité. Il n’est pas anormal d’avoir à limiter les libertés des patients dans les services de psychiatrie, mais ces atteintes aux libertés doivent être évaluées chaque fois, en fonction des contraintes et du but recherché, sur le plan de l’efficacité et de la justesse, et pouvoir être remises en cause dès qu’il n’est plus nécessaire. Les équipes de soins ne doivent pas avoir une conception envahissante de la sécurité et de la surveillance. Les tribunaux ne valident pas du tout l’idée selon laquelle la logique de l’enfermement, et donc d’une sécurité générale, devrait l’emporter sur la nécessaire capacité du patient à maintenir son autonomie pour être en relation, et retrouver le plus tôt possible les usages sociaux. La liberté n’est pas qu’un mot, c’est un régime juridique exigeant.

L’hospitalisation sous contrainte

L’urgence et la contrainte

Comme dans la pratique générale, il doit d’abord être rappelé ce bon sens que, dans un certain nombre de cas d’urgence, l’hospitalisation peut être prononcée dans le régime dit “libre”, alors que le patient n’est pas nécessairement en mesure de s’exprimer. Le cas se retrouve régulièrement dans le cadre de tentative de suicide, d’intoxication à l’alcool ou aux stupéfiants. Le comportement oblige à une réponse thérapeutique immédiate, et très souvent l’hospitalisation, que ce soit à l’hôpital général ou en service de psychiatrie, s’effectue du fait de cette nécessité, le patient retrouvant ensuite rapidement ses esprits pour décider s’il entend ou non rester dans l’établissement. Ainsi, les hospitalisations sous contrainte, au sens de la loi, doivent être pratiquées comme des régimes d’exception.

Il en existe deux :

→ l’hospitalisation sur demande d’un tiers,

→ l’hospitalisation d’office.

Les hospitalisations sur demande d’un tiers

Ce mécanisme répond à une forme d’assistance familiale et amicale. Devant la souffrance d’un proche, une personne prend la responsabilité de demander l’hospitalisation en service de psychiatrie, produisant à l’appui deux certificats médicaux.

En cas d’urgence, il est admis qu’un seul certificat soit suffisant.

L’hospitalisation est prononcée par le directeur d’établissement.

Le patient fait l’objet d’une prise en charge intensive pendant une période de trois jours.

Dès le lendemain, un psychiatre de l’établissement doit dire si oui ou non l’hospitalisation est justifiée.

L’hospitalisation d’office

Ce régime d’hospitalisation renvoie à une décision d’ordre public, prise par le préfet. Le critère est ici la préoccupation de la sécurité publique. Les renseignements initiaux proviennent des services de police, appelés pour trouble à l’ordre public. Il est alors sollicité l’avis d’un médecin qui établira un certificat indiquant si oui ou non la personne justifie d’une hospitalisation sous contrainte. Au vu de cet avis médical et circonstancié, le préfet adopte un arrêté d’hospitalisation d’office.

Il s’agit d’une compétence du préfet, c’est-à-dire de l’État et non plus du directeur d’établissement. La décision du préfet s’impose au directeur d’établissement.

On retrouve ensuite le schéma qui a été décrit, à savoir un certificat dans les 24 heures pour confirmer que l’hospitalisation est bien justifiée, puis une période de soins intensifs de 72 heures avant que soit établi un programme de soins.

Ce schéma général a été maintenu par la loi du 5 juillet 2011, mais cette loi a inclus nombre de mesures sécuritaires, renforçant la contrainte administrative.

Ainsi, la préfecture doit être informée de l’évolution de la prise en charge.

Les seules sorties autorisées sont de courte durée, c’est-à-dire de moins de 12 heures, avec une personne accompagnant en permanence, et elles doivent être justifiées par la nécessité d’effectuer des démarches.

Le régime des sorties à l’essai a été supprimé. Le patient est alors pris en charge en “soins sous contrainte” dans le régime ambulatoire et, là encore, la décision est prise par le préfet. Ce régime nouveau n’a pas été expérimenté et il existe encore trop peu de pratiques pour savoir quelles seront les contraintes effectives pour les patients. Il n’en reste pas moins qu’il existe désormais la possibilité pour les préfectures d’ordonner le retour à domicile des patients avec le maintien d’un contrôle effectif.

Ces mesures ont été engagées dans un cadre sécuritaire. Il reste à savoir si elles seront pertinentes sur le plan thérapeutique, notamment sur le fait que, tôt ou tard, le patient, passé la phase aiguë, est amené à se resocialiser et à retrouver l’autonomie.

Les droits du patient pendant l’hospitalisation sous contrainte

L’étendue de ces droits est définie par l’article L. 3211-3 du Code de la Santé publique auquel il convient de se référer.

QUESTIONS PRATIQUES

L’accès au dossier

L’accès au dossier se pratique dans les mêmes conditions que pour les soins généraux.

Il est seulement prévu que lorsqu’un patient qui a été hospitalisé sous contrainte demande l’accès à son dossier, les médecins de l’établissement peuvent répondre que l’information devra être transmise par un médecin et non pas remise directement au patient.

Pour un patient qui a été admis en psychiatrie dans une phase difficile, l’accès direct à cette information, venue plus tard et sans explication médicale, peut avoir des effets déstabilisateurs. Il s’agit là d’un effet de la loi et la loi n’a prévu de limites que sur l’hospitalisation sous contrainte et en cas de risques avérés pour la personne. Tout droit a ses contreparties.

Annonce du diagnostic

La déontologie médicale générale reconnaît que le médecin doit chercher à entretenir une relation de confiance avec le malade. Aussi, il peut arriver que le médecin diffère l’annonce d’un diagnostic, soit parce que cette information ne serait pas comprise au moment où le diagnostic est posé, soit parce qu’il s’agit d’un diagnostic grave dont l’annonce pourrait être déstabilisante. Cette donnée se retrouve en psychiatrie, mais il ne doit pas en être fait d’abus.

Il faut par ailleurs prendre en compte que les grands diagnostics psychiatriques souffrent d’une certaine déconsidération sociale. Il revient donc aux médecins de gérer ces situations, non pas dans l’esprit de la transparence de l’information, mais dans la confiance dans la relation de soins.

Contrainte physique

Les soins en psychiatrie peuvent comprendre des phases où il est nécessaire de s’assurer la maîtrise physique d’un patient. La situation est la même, que l’on se trouve en phase d’hospitalisation selon le régime dit “libre” ou dans le cas d’une hospitalisation sous contrainte. Les personnels peuvent user de la force nécessaire pour maîtriser la personne et, en cas d’urgence, lui administrer un traitement neuroleptique aigu adapté aux circonstances.

De même, peut être décidée – quand il n’y a pas d’autres solutions – la contention ou la mise en chambre d’isolement. Il s’agit là d’une prescription médicale qui doit être précise et écrite. Elle doit faire l’objet d’une surveillance très attentive, car est remise en cause la liberté de mouvement du patient. Ces mesures doivent être limitées à ce qui est strictement nécessaire et l’on doit voir réapparaître une discussion permanente sur le maintien ou non de ces mesures.

Sous cette réserve, la liberté fondamentale des libertés individuelles n’est pas une violation du droit, car elle est guidée par un but thérapeutique et limitée à ce qui est strictement nécessaire.

Fouille

Les personnels de santé, hormis le cas d’urgence avéré, n’ont aucun droit pour fouiller un patient, ses effets ou son armoire. En revanche, s’ils peuvent justifier de risques avérés, ils sont en mesure d’imposer au patient d’ouvrir son sac, de retourner ses poches ou d’ouvrir son vestiaire. Si le patient refuse, le service peut alors en tirer les conséquences en avisant l’administrateur de garde. Le refus de se soumettre à une telle mesure peut alors être un motif pour mettre fin à l’hospitalisation.

Les mineurs

L’hospitalisation des mineurs en psychiatrie répond au principe général, à savoir le consentement des parents, titulaire de l’autorité parentale.

S’applique également l’exception générale, à savoir qu’un mineur peut demander à bénéficier de soins seuls, sans que ses parents soient avisés, à partir du moment où il est accompagné d’une personne majeure. En revanche, il revient à l’équipe médicale d’apprécier s’il s’agit seulement de la souffrance d’un enfant à laquelle la loi demande de répondre dans ce contexte, ou si, au-delà de la souffrance, on est dans une situation d’enfance en danger, avec un enfant isolé qui redoute à ce point le milieu familial. Dans ce contexte, le psychiatre peut demander la mesure d’une assistance éducative par le biais du juge pour enfants.

Tutelle - curatelle

La tutelle et la curatelle concernent essentiellement la gestion du patrimoine, et interfèrent peu avec la relation de soins.

La curatelle est un régime d’assistance. La personne sous curatelle garde son autonomie, mais elle est assistée par un curateur pour les actes les plus importants de la vie civile.

La tutelle est un système de représentation. Ainsi, et s’agissant du patrimoine, c’est le tuteur qui prend les décisions à la place de la personne concernée. Lorsqu’il s’agit des données les plus individuelles, et notamment tout ce qui concerne le droit de la famille, la loi prévoit en règle générale un contrôle direct du juge des tutelles, qui est un juge du tribunal d’instance.