NOUVEL OUTIL → La direction générale de l’offre de soins vient de publier le guide d’élaboration des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) avec les établissements de santé et autres titulaires d’autorisation d’activités de soins et d’équipements matériels lourds, à destination des agences régionales de santé et des titulaires d’autorisation.
Le guide précise que les CPOM sont un outil de déclinaison du projet régional de santé, en constituant un support du dialogue entre les ARS et les acteurs de l’offre de soins. Les contrats doivent offrir aux acteurs la visibilité nécessaire à la définition de leur stratégie et à l’efficacité de leur pilotage interne. Ils sont obligatoires pour les établissements de santé et tous les titulaires d’autorisation d’activité de soins ou d’équipement matériel lourd, les autres services de santé (réseaux, centres, maisons de santé) s’il existe un financement de l’ARS.
Un objectif de convergence du contenu des contrats doit être poursuivi afin d’en faciliter le suivi tout au long des cinq années. Pour autant, le guide prévoit une modulation pour tenir compte des différences de nature entre les structures (établissements/ GCS/cabinets libéraux) et du statut entre établissements (public, privé à but non lucratif, privé à but lucratif). Il est attendu des nouveaux CPOM qu’ils constituent un levier pour la transformation de l’offre de soins territoriale et l’amélioration de la performance des établissements. Afin de garantir l’efficacité des contrats, leur contenu doit se concentrer sur les évolutions les plus structurantes envisagées pour les cinq années à venir afin d’en faire un document synthétique et stratégique mobilisable, autant dans la gestion interne des établissements que pour la régulation régionale. Leur contenu devrait également être évaluable, c’est-à-dire rassembler des orientations et des indicateurs en nombre limité et pouvant faire l’objet d’un suivi régulier et d’une évaluation annuelle. Leur élaboration ainsi que leur suivi devront être aussi standardisés que possible, dans la mesure où les ARS disposent seulement de six mois à partir de la date de l’arrêté du projet régional de santé (PRS) pour négocier et signer tous les CPOM.
Dès lors, que reste-il de contrat dans les CPOM ?
Le contrat constitue un arrangement interindividuel organisant des interactions entre deux agents. Ces interactions font l’objet d’une libre négociation entre les parties et se réalisent sur la base d’un accord adopté par consentement partagé. Le contrat se définit comme le fruit d’un accord de volontés. En outre, les relations prévues par le dispositif contractuel supposent l’existence d’engagements réciproques : les agents s’engagent les uns envers les autres à céder ou à s’approprier, à faire ou ne pas faire quelque chose. À l’instar de la contrainte, le contrat est source d’obligations. Or celles-ci présentent un caractère endogène. Elles sont ce que les agents choisissent de s’imposer par entente mutuelle. En conséquence, les clauses du contrat ne s’appliquent qu’à ceux qui les ont intentionnellement élaborées. Les acteurs déterminent de leur propre chef le contenu de la règle contractuelle et s’engagent librement à la respecter. Leur intentionnalité est infinie pour la création, comme pour le respect de la règle.
Il est intéressant de reprendre ici l’annexe 4 du guide de la contractualisation qui précise que, dans sa décision n° 2009-584 DC du 16 juillet 2009, le Conseil constitutionnel a rejeté les moyens invoqués lors de la saisine parlementaire consécutive à l’adoption de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, concernant la question de l’atteinte à la liberté contractuelle par les Contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM).
Les requérants arguaient qu’« en l’occurrence, le mécanisme des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens et des contrats de coopération tel qu’établi par la loi organise une tutelle adossée au principe hiérarchique le plus classique » en y voyant un outil juridique qui ne relèverait en rien d’un contrat. Le juge constitutionnel a estimé au contraire que « les pouvoirs de l’agence régionale de santé ne portent, par eux-mêmes, aucune atteinte à la liberté de contracter de ces établissements ». Le CPOM a donc bien une nature contractuelle.
Toutefois, le CPOM, outil de planification, constitue un contrat particulier. En effet, l’asymétrie des obligations contractuelles et du pouvoir de sanction est souvent relevée. C’est le sens de la réponse de la ministre donnée à l’occasion de l’examen de la loi HPST par le Conseil constitutionnel : « S’ils traduisent bien l’engagement d’une démarche contractuelle, les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens ne sont pas des instruments juridiques revêtant exactement les caractéristiques d’un contrat. Ils constituent plutôt une forme moderne d’allocation des ressources publiques conjointement déterminée entre l’autorité publique et la personne, publique ou privée, chargée de mettre en œuvre la mission qui lui incombe. »
Selon les critères jurisprudentiels dégagés par le juge administratif pour définir traditionnellement la nature du contrat, le CPOM relève de la catégorie des contrats administratifs.
En premier lieu, d’un point de vue organique, une partie au moins en la personne de l’ARS est nécessairement une personne publique. En second lieu, l’examen d’un critère matériel alternatif permet de conclure d’abord en la présence de clauses exorbitantes de droit commun dans le CPOM, avec notamment l’existence d’un pouvoir de contrôle et de sanction sur le cocontractant ou encore la possibilité pour l’administration de résilier unilatéralement le contrat. Ce peut être aussi l’existence d’un objet contractuel qui consiste à confier l’exécution même du service public, en l’occurrence le service public de santé, qui permet de conclure du caractère administratif des CPOM.
La Cour administrative d’appel de Douai, dans un arrêt du 15 mars 2007, a considéré en outre que le refus de signer un avenant tarifaire par le directeur de l’Agence régionale de l’hospitalisation était du ressort de la juridiction administrative.
Il convient enfin de rappeler que le régime juridique des CPOM est désormais largement harmonisé entre établissements publics et privés.
En conséquence de cette analyse, il convient de souligner que la responsabilité de l’ARS peut être engagée en raison du contenu du contrat.
Le guide identifie quatre étapes dans la démarche de contractualisation, le tout dans un délai de six mois :
→ l’auto-évaluation du titulaire d’autorisation (deux mois) : l’objectif de cette étape est, pour l’établissement, d’établir son propre diagnostic et de proposer les priorités d’évolution de son activité et de son fonctionnement sur les cinq années à venir ;
→ l’analyse des propositions et le dialogue contradictoire (deux mois) : l’analyse et les propositions stratégiques seraient pour partie fondées sur les résultats de l’auto-évaluation ;
→ la négociation et la signature du contrat (deux mois) : cette étape comprend la rédaction et la signature du contrat par le directeur général de l’ARS et le représentant légal de l’établissement ;
→ Le suivi et l’évaluation du contrat.
Le CPOM formalise, sous une forme contractuelle, l’ensemble des relations entre les titulaires d’autorisation et l’ARS. Les objectifs mentionnés au contrat font l’objet d’une négociation entre le titulaire d’autorisation et les services de l’ARS. Sur la base d’un diagnostic partagé, et dans le cadre des orientations du PRS, l’établissement et l’ARS s’entendent pour définir, pour chacun des objectifs, la valeur cible à atteindre et les délais de réalisation, ainsi que les moyens pour y parvenir. Mais force est de constater que le CPOM, tel qu’il est prévu par la loi, ne s’apparente pas à un contrat émanant de la libre volonté des deux contractants. En effet, la signature du contrat s’impose tout aussi bien à l’ARS qu’à l’établissement de santé. Même la date de signature est imposée par le législateur puisqu’elle ne peut avoir lieu au-delà des six mois après l’adoption du PRS.
Le contrat fixe encore au titulaire d’autorisation un certain nombre d’objectifs qui doivent figurer au contrat. Même si le guide précise que le contenu des contrats relève des ARS, il n’en reste pas moins que celui-ci précise également que, dans un souci d’harmonisation, mieux vaut avoir les mêmes contrats.
C’est sur la base d’un contrat-type, élaboré par chaque ARS sur la base du guide méthodologique, après concertation auprès des établissements, que vont être négociés les contrats. Compte tenu des délais de signature, le temps ne sera pas à la négociation, mais plutôt à l’adhésion obligatoire par les titulaires d’autorisation, ou même les sanctions en cas de non-respect de ses engagements par le titulaire d’autorisation sont prévues réglementairement.
Ainsi le CPOM s’apparente-t-il plus à un contrat d’adhésion obligatoire qu’à un véritable contrat au sens économique du terme. Le CPOM s’analyse comme une feuille de route adressée au titulaire d’autorisation, assortie d’un mécanisme de sanctions en cas de non respect.
Toutefois, à certains égards, le CPOM relève du mode de la convention dans la mesure où la « tutelle » comme les établissements de santé ont ou n’ont pas intérêt, collectivement, à signer. Pour les établissements, la non-signature signifierait le non-remboursement par l’Assurance maladie, mais également la perte des autorisations sanitaires. Mais, dans ce cas-là, les ARS ne seraient-elles pas victimes elles-mêmes du mécanisme de sanction qui conduirait à la fermeture de toutes les activités de soins ?
Un contrat socle, qui n’évoluera pas durant la période du contrat (cinq ans) et qui fixe les clauses générales du contrat.
Des annexes qui se déclinent autour de trois grands sujets et qui pourront évoluer par le biais d’avenants : les annexes orientations stratégiques, autorisation/pilotage de l’activité et les annexes non opposables.
→ Les annexes “orientations stratégiques” décrivent les transformations que l’établissement s’engage à réaliser dans la période contractuelle, tant sur le positionnement de l’établissement dans l’offre de soins territoriale (dimension externe), que sur la qualité de son fonctionnement (dimension interne).
→ Les annexes “autorisation et pilotage de l’activité” retracent les engagements pris par l’établissement découlant d’autorisations d’activité de soins ou de MSP et ceux pris en contrepartie d’allocations de ressources financières.
→ Une annexe dite non opposable
En résumé, un CPOM c’est :
Des fiches pratiques sont mises à disposition dans le guide des CPOM afin d’appuyer la rédaction des annexes au moyen d’objectifs et d’indicateurs.
Consulter la circulaire n°DGOS/PF3/2012/09 du 10 janvier 2012 relative au guide d’élaboration des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM).
Ivanka Victoire, adjointe à la responsable du département appui à la performance à la direction de l’offre de soins et de l’autonomie, pour sa précieuse collaboration à cet article.