AFFAIRE DE L’AMIANTE → Alors que plusieurs responsables de l’hôpital Saint-Louis à Paris ont été mis en examen pour mise en danger de la vie d’autrui, blessure et homicide involontaire, l’AP-HP a demandé début janvier sa mise en examen en tant que personne morale.
Jusqu’à son interdiction en 1997, l’amiante a été massivement utilisée pour ses propriétés isolantes dans les bâtiments publics et privés. Suite à la déclaration de maladies dues à l’amiante chez plusieurs agents de l’hôpital Saint-Louis, la CGT avait déposé une plainte au pénal en 2007 pour dénoncer les manquements de la direction à ses obligations de protection. Alertée par les CHSCT locaux (Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail), la juge d’instruction a depuis étendu son enquête à l’ensemble des établissements de l’AP-HP.
En juillet 2011, plusieurs anciens responsables de l’hôpital Saint-Louis ont été mis en examen. C’est dans ce contexte que l’AP-HP a demandé sa mise en examen début janvier tout en assurant qu’elle avait « entrepris le maximum de ce qu’elle pouvait faire dans le respect des contraintes qui s’imposaient à elle ». Cette procédure doit permettre aux Hôpitaux de Paris d’avoir accès au dossier. D’autre part, elle engagerait la responsabilité éventuelle de l’institution plutôt que celle de ses directeurs. « L’avantage de cette stratégie, c’est que les sanctions pénales des personnes morales sont quasiment inexistantes », remarque Michel Parigot de l’Andeva (Association nationale des victimes de l’amiante), ancien conseil des syndicats dans l’affaire de l’amiante. « Cela ne fait pas l’ombre d’un doute qu’il y a eu des retards pour protéger les salariés, comme c’est le cas malheureusement dans beaucoup d’autres bâtiments publics ou privés », continue-t-il.
D’après Christian Poimbœuf, directeur des ressources humaines de l’AP-HP, 132 personnels ouvriers et techniques ont déclaré une maladie professionnelle due à l’exposition à l’amiante. Certains sont décédés. Les soignants, moins exposés que les ouvriers, auraient été épargnés. Toutefois, les maladies liées à la fibre cancérigène peuvent apparaître trente à quarante ans après l’exposition. « Au jour d’aujourd’hui, il n’y a plus aucun risque amiante dans nos établissements », tient à rassurer Christian Poimbœuf. Pour autant, l’AP-HP a lancé cet automne un vaste audit sur l’amiante dans l’ensemble de ses établissements hospitaliers. « L’audit a essentiellement pour objectif de vérifier la mise en œuvre effective des préconisations du plan d’action amiante adopté en 2005 », ajoute le directeur des ressources humaines. C’est la suite de l’alerte donnée par les représentants des personnels au CHSCT central que l’AP-HP a adopté un plan d’action visant à garantir la maîtrise du risque : suivi des personnels potentiellement exposés, formation et information des personnels, sécurisation des bâtiments…
Selon la dernière enquête de la Direction générale de l’offre de soins (DGOS), plus de 60 hôpitaux sont concernés par l’amiante. Le nombre cumulé d’agents ayant déclaré une maladie liée à l’exposition aux poussières d’amiante s’est élevé à 360 en 2009. Les personnels techniques et ouvriers représentent plus de 90 % des victimes. Des maladies professionnelles imputables à l’exposition à l’amiante ont cependant été déclarées et reconnues pour plusieurs soignants. Outre les personnels de l’AP-HP sont concernés 36 agents au CHU de Caen, 11 au CHU de Clermont-Ferrand, 13 au CHU de Lille, 10 au CH du Havre, 10 au CHU de Montpellier et un agent au CHU de Brest. Une information judiciaire a été ouverte en juillet 2009 pour mise en danger de la vie d’autrui à l’égard des usagers et salariés dans le dossier de l’amiante au CHU de Caen.