Responsable d’entité dans un Ssiad - Objectif Soins & Management n° 203 du 01/02/2012 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 203 du 01/02/2012

 

MICHÈLE SAUNAL

Parcours

Joëlle Maraschin  

Infirmière et cadre de santé diplômé, Michèle Saunal est responsable d’entité d’un Ssiad (service de soins infirmiers à domicile) en milieu rural du Sud de la France. Elle se bat depuis des années pour améliorer localement la prise en charge des personnes en perte d’autonomie, notamment les patients atteints de la maladie d’Alzheimer.

« Le monde du domicile, c’est un peu celui de la débrouille. Il faut être vraiment investi pour les patients, s’inscrire dans la démarche associative et bénévole », estime-t-elle. Responsable du Ssiad du Tarn à l’Agoût, Michèle Saunal ne compte pas ses heures pour développer un service de proximité créé par l’association Aide à domicile en milieu rural, ADM, il y a près de vingt ans. « C’est en 1993 que l’association m’a confié la mission de créer un Ssiad dans cette région rurale du Tarn, explique-t-elle. Infirmière de terrain, j’ai accepté de me lancer dans cette belle aventure. » Car ce qu’elle appelle le « terrain », Michèle Saunal le connaît, en France, mais aussi à l’étranger.

En Algérie puis en Côte d’Ivoire

Infirmière diplômée d’État en 1979, elle exerce pendant quelques mois en pneumologie avant de suivre son époux envoyé en coopération en Algérie. Suite au tremblement de terre meurtrier en octobre 1980 qui détruit en grande partie la ville d’El-Asnam, elle se porte infirmière volontaire pour secourir sur le terrain les rescapés de la catastrophe.

De retour en France, elle exerce de nouveau sa profession d’infirmière en intérim pendant quelques mois avant d’avoir ses enfants. En 1987, elle suit son mari muté en Côte d’Ivoire. Toujours soucieuse de venir en aide aux plus démunis, elle travaille comme infirmière bénévole au sein de la mission catholique de Côte d’Ivoire : les dispensaires et les maternités en milieu rural, les villages, puis la capitale, Abidjan. « Outre des conseils en matière d’hygiène alimentaire, nous prodiguions aussi des soins avec le peu de moyens dont nous disposions », se souvient-elle. « Et ce sont toutes ces expériences qui m’ont donné cette envie de m’impliquer sur le terrain », continue-t-elle.

L’aventure de la création d’un Ssiad

De retour en 1992 avec sa famille dans sa région natale du Tarn, elle souhaite reprendre l’exercice infirmier. « Venant de Côte d’Ivoire et m’étant éloignée pendant près de quinze ans de l’univers des soins en France, il m’a fallu réapprendre à travailler ici. Un vrai choc culturel », précise-t-elle. Pendant un an, elle est infirmière dans une clinique à Albi avant d’être sollicitée par l’ADMR pour la création d’un nouveau service de soins infirmiers à domicile dans le Tarn. « En 1993, les tutelles avaient autorisé vingt places pour ce Ssiad en milieu rural. Nous sommes aujourd’hui à 56 places autorisées et nous avons créé de nouvelles structures pour la prise en charge des personnes atteintes de maladie d’Alzheimer ou apparentée », ajoute-t-elle. Un accueil de jour a ainsi été ouvert en 2009, une aide de proximité indispensable pour les aidants comme pour les patients.

L’année dernière, le Ssiad s’est doté d’une équipe spécialisée Alzheimer (ESA), laquelle intervient dans les situations de crise ou suite à l’annonce du diagnostic de la maladie. Le Ssiad est devenu de fait un maillon essentiel de la prise en charge des patients Alzheimer à domicile. « La situation n’est certes pas parfaite, mais le plan national Alzheimer a vraiment amélioré la prise en charge des patients, ne serait-ce qu’en permettant la création de nouvelles structures dédiées aussi bien pour les soins à domicile qu’à l’hôpital », estime Michèle Saunal. Cependant, la liste d’attente pour obtenir une place dans le Ssiad reste importante. Michèle Saunal a fait une demande d’extension auprès des tutelles, en l’occurrence l’ARS, mais cette extension n’est toujours pas budgétée. « Nombre d’infirmières libérales ne peuvent plus faire de nursing. La prise en charge des patients retombe sur les services d’aide à domicile, qui n’ont pas les compétences sanitaires nécessaires », regrette-t-elle.

Le quotidien d’une responsable d’entité

La mission d’un responsable d’entité peut être divisée en trois parties : un tiers du temps consacré à la planification des soins et à l’évaluation, un autre tiers à la gestion, et enfin un dernier tiers pour la coordination. La coordination est spécifique à ce métier : relations avec les différents intervenants autour des personnes en perte d’autonomie (infirmières libérales, kinésithérapeutes, services d’aide à domicile, hôpitaux, Ehpad), avec les tutelles sanitaires… L’activité de gestion comprend la maîtrise des budgets, les achats logistiques, mais aussi la gestion des ressources humaines.

Aidée de deux infirmières coordinatrices, Michèle Saunal encadre une vingtaine de salariés, principalement des aides-soignantes, mais aussi une infirmière pour l’accueil de jour et une psychologue. Pour son “tiers-temps” soins, elle a choisi de s’occuper elle-même des pré-admissions des patients, c’est-à-dire vérifier que la personne correspond bien aux critères d’inclusion. De fait, elle connaît tous les patients et leurs familles. « Je considère qu’on ne peut être à la tête d’un service si on ne participe pas aux soins », souligne-t-elle.

L’apport de la formation cadre

Dans les textes, les responsables d’entité doivent être cadre de santé ou en voie de le devenir. Mais les cadres diplômés à la tête d’un Ssiad sont encore minoritaires. « Je souhaitais passer ce diplôme de cadre de santé depuis plusieurs années, j’ai cependant attendu que le service soit suffisamment développé avant de m’absenter pour la formation », explique Michèle Saunal. Reçue avec succès au concours d’entrée de l’Institut de formation des cadres de Pau, elle suit son année de formation en 2007, tout en passant une licence universitaire sciences, technologies, santé. « Cela n’a pas été très simple de suivre une formation cadre avec les professionnels issus du monde hospitalier, reconnaît-elle. Il a fallu attendre d’aborder les modules de santé publique pour que mes collègues comprennent enfin ce que je faisais là. » Bien qu’elle soit restée au même poste après avoir validé son diplôme de cadre, Michèle Saunal considère que la formation à l’IFCS lui a énormément apporté : construction et gestion de projets, recherches d’information, positionnement… Elle a également suivi un DU Alzheimer afin d’améliorer ses connaissances en matière de prise en charge de la pathologie. « J’avais des idées pour développer le service mais pas toujours le savoir-faire et les compétences nécessaires. Qui plus est, un cadre de santé diplômé est plus crédible et plus écouté par les tutelles », continue-t-elle.

Convaincue que des professionnels de santé formés en gérontologie sont plus à même de répondre aux besoins des personnes en perte d’autonomie, Michèle Saunal encourage d’ailleurs tous les membres de son équipe à s’inscrire dans des plans de formation.