Recherche et formation
Florence Poinsignon-Weben* Catherine Thomyre** Anne Dupont***
INNOVATION En 2010-2011, l’Ifsi de Vannes (56) a lancé deux projets innovants dans le cadre de sa formation en santé publique. Ces deux projets répondent aux attentes de la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST, 2009) et ont été une priorité du projet pédagogique de l’Ifsi.
Deux projets, donc. L’un intitulé “projet de santé publique” a été réalisé en partenariat avec la mairie de Vannes et d’autres structures. Le second, une conférence avec une exposition sur l’Éducation thérapeutique du patient (ETP), a été organisé par l’Ifsi au Centre hospitalier Bretagne Atlantique (CHBA).
Dans le cadre du référentiel de formation initiale infirmière, la compétence 5 “Initier et mettre en œuvre des soins éducatifs et préventifs” permet aux futurs professionnels infirmiers d’acquérir des notions de santé publique, d’économie de la santé, de soins éducatifs et préventifs, d’ETP, de promotion de la santé. En effet, plusieurs UE des semestres 2 à 4 proposent aux étudiants un enseignement théorique en santé publique. L’Ifsi de Vannes a donc fait le choix pédagogique de favoriser l’intégration des concepts et leur application dans le métier infirmier en menant une action éducative auprès d’une population dans un environnement donné.
Des cadres de santé formateurs, en partenariat avec des professionnels de structures sanitaires et sociales intra– et extra-hospitalières, accompagnent les étudiants de 2e année dans une démarche d’éducation pour la santé. La finalité est de concevoir, organiser, réaliser et réajuster une action éducative au sein de structures partenaires.
Conçu depuis mars 2010, ce “projet de santé publique” est en cohérence avec le projet pédagogique de l’Ifsi. La collaboration avec l’ensemble des professionnels sanitaires et sociaux a structuré, concrétisé et garanti la continuité de ce projet dans la durée. Nous pouvons citer la mairie de Vannes dans le cadre du Contrat urbain de cohésion sociale (CUCS) avec ses maisons de quartier, le Relais prévention santé, le Bureau information jeunesse (BIJ) et ses divers centres sociaux. L’Institut régional d’éducation et de prévention pour la santé (Ireps), la CPAM en direction des crèches, la Ligue contre le cancer, un lycée, deux Ehpad, l’hôpital de jour gériatrique, le Centre de planification familiale (CPEF-CIVG) et l’Unité de consultation de soins ambulatoires (UCSA) du CHBA ont aussi mis en œuvre la démarche projet. L’approche de différents publics permet d’entrevoir le soin d’une manière holistique : personnes en situation précaire, âgées, d’origine étrangère, isolées, malades, adolescents, familles et détenus de la maison d’arrêt.
La diversité des thèmes abordés et des lieux enrichit la vision des apprenants pour leur future pratique professionnelle : “alcool” et “sécurité routière” dans deux lycées, “équilibre alimentaire/ sédentarité” et “sexualité” en maisons de quartier, “sport et émancipation” en centre social, “prévention solaire” en école maternelle, “vaccination rougeole” dans les crèches, “addiction au cannabis” et “alimentation de l’enfant” en centre social, “hygiène alimentaire” à l’UCSA, “prévention alimentaire” chez les seniors, “hygiène bucco-dentaire” en Ehpad, “accès aux démarches administratives” au Relais prévention santé, “contraception et sexualité” au Centre de planification familiale, “conservation des aliments et maintien de l’autonomie” en hôpital de jour gériatrique.
Cet engagement mutuel a permis de créer un réseau de partenaires sociaux et sanitaires qui évoluera dès la nouvelle année scolaire.
Les étudiants ont apprécié le partenariat avec les structures dont ils ont tiré une expérience enrichissante : « Approche de populations et de cultures diverses, identification des besoins, connaissance des professionnels du social et leurs missions, utilisation d’outils de recueil, mise en œuvre d’une démarche d’éducation, évaluation et pérennisation de l’action éducative. »
Leur formation en santé publique dès le semestre 2 avec la partie conceptuelle, des cours sur l’organisation et l’économie de la santé, la compréhension des étapes de la démarche éducative, des témoignages et des expériences multiples de professionnels du domaine sanitaire et social ont favorisé la réalisation de ce projet. Aux semestres 3 et 4, les étudiants ont été en immersion une journée tous les quinze jours dans les structures partenaires pendant leur période de stage. La guidance continue des étudiants par les formatrices et les partenaires, durant cette année scolaire, a engendré l’élan nécessaire et la mise en œuvre des différentes démarches projet. En effet, l’enthousiasme et le dynamisme des différents acteurs du projet (partenaires, étudiants, formatrices et directrice) ont contribué à la réussite des différentes actions éducatives.
Nous conclurons avec des paroles d’étudiants : « Une magnifique expérience, à renouveler +++ », « Expérience relationnelle très positive avec les partenaires et la population et enrichissement personnel en lien avec les différentes cultures », « Les possibilités qu’offre la santé publique », « L’éducation et la prévention sont des domaines complexes qui demandent beaucoup de temps et d’expérience ».
En septembre 2010, un groupe de travail s’est constitué avec la directrice, la documentaliste et trois cadres de santé formatrices de l’Ifsi afin de monter le projet d’une exposition et de conférences sur l’ETP en mai 2011 au CHBA. Il nous a paru indispensable de travailler en partenariat avec l’Agence régionale de santé (ARS), l’Ireps, l’Unité transversale d’éducation thérapeutique (Utet) et l’Unité de documentation médicale (UDM) du CHBA et d’y associer des usagers et des équipes soignantes du CHBA et de l’Établissement public de santé mentale (EPSM). Les usagers ont témoigné et les professionnels ont fait part de leurs expériences en ETP dans les domaines suivants : maladies mentales, maladies infectieuses (VIH), alcoologie, diabète, mucoviscidose, maladies cardiovasculaires et tabacologie.
« L’ETP vise à aider les patients à acquérir ou maintenir les compétences dont ils ont besoin pour gérer au mieux leur vie avec une maladie chronique. Elle fait partie intégrante et de façon permanente de la prise en charge du patient. Elle comprend des activités organisées, y compris un soutien psychosocial, conçues pour rendre les patients conscients et informés de leur maladie, des soins, de l’organisation et des procédures hospitalières, et des comportements liés à la santé et à la maladie. »
Si la santé et le suivi thérapeutique des patients et des groupes sociaux ont toujours fait partie des préoccupations majeures des soignants, l’éducation thérapeutique des patients est devenue l’un des enjeux de notre société et de la santé des individus. Définie comme l’aide apportée aux patients, à leur famille et/ou leur entourage pour « comprendre sa maladie et son traitement, collaborer aux soins, prendre en charge leur état de santé et conserver et/ou améliorer la qualité de vie »
Les concepts explicités sont : la santé publique, la santé communautaire, les déterminants de la santé, les soins primaires, secondaires et tertiaires, la promotion de la santé, l’éducation pour la santé, l’ETP, la qualité de vie, la maladie chronique, le patient expert, l’empowerment, l’observance – compliance, le soutien relationnel – counseling.
La volonté politique de faire de l’éducation thérapeutique l’une des priorités en matière de santé publique est marquée par une succession de textes officiels.
→ En 1980, le Comité des ministres réuni au Conseil de l’Europe déclare que toute personne a le droit de connaître l’information recueillie sur sa santé et recommande les programmes privilégiant la participation active des malades à leur traitement.
→ En mai 1988, l’OMS
→ En février 1999, le Manuel d’accréditation des établissements de santé prévoit que le patient bénéficie « des actions d’éducation concernant sa maladie et son traitement et des actions d’éducation pour la santé adaptées à ses besoins ».
→ En 2000, la Conférence nationale de santé publique souligne l’intérêt de développer la prévention et l’éducation, dans une approche de promotion de la santé. Le souhait de voir se renforcer l’éducation thérapeutique du patient et la diffusion des pratiques professionnelles éducatives à l’ensemble des futurs intervenants du domaine de la santé est mentionné.
→ La loi du 4 mars 2002 affirme le droit de toute personne d’accéder aux informations relatives à sa situation de santé […] et d’être reconnue comme un acteur partenaire de sa santé avec les professionnels.
→ En avril 2007, un plan d’amélioration de la qualité de vie des patients atteints de maladies chroniques énonce quatre objectifs : aider chaque patient à mieux connaître sa maladie pour mieux la gérer, élargir la pratique médicale vers la prévention, faciliter la vie quotidienne des malades, mieux connaître les conséquences de la maladie sur leur qualité de vie.
→ En juin 2007, un guide méthodologique présente les éléments fondamentaux de « structuration d’un programme d’éducation thérapeutique du patient dans le champ des maladies chroniques »
→ En 2009, la loi portant réforme de l’Hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (loi HPST) est consacrée à l’éducation thérapeutique du patient. Elle est pour la première fois reconnue comme thérapeutique à part entière avec son cadre, ses finalités et ses modes de financement dans une loi de santé publique.
Le 13 mai 2011, en présence d’un représentant de la direction du CHBA, du représentant des usagers, de l’IDE coordinatrice de l’Utet, des documentalistes (UDM et Ifsi), de la presse et d’une mutuelle complémentaire, nous avons inauguré l’exposition ETP dans le hall du CHBA. Chacun des 18 posters ont été présentés par leurs auteurs aux professionnels présents puis exposés au CHBA (sites Vannes et Auray). Nous souhaitons par la suite que l’exposition circule dans les établissements du territoire de santé.
Le 17 mai 2011, devant un public réunissant de nombreux professionnels de la santé, des usagers, des étudiants et des membres de la direction, le déroulement de l’après-midi s’est réalisé selon le programme pré-établi : introduction, par le directeur général du CHBA ; définition de l’éducation thérapeutique, état des lieux, préconisations de l’ARS par une chargée de mission au sein de la DSP (Direction de santé publique) en charge du dossier ETP à l’ARS Bretagne. Notions de promotion de la santé et d’empowerment, rôle et place du patient dans une démarche d’éducation thérapeutique, par la directrice de l’Ireps. Formation initiale des infirmiers en éducation thérapeutique par deux cadres de santé formatrices. Retour d’une expérience en éducation thérapeutique à l’étranger par une cadre de santé formatrice. Clôture de la journée par un temps de questions/réponses.
Le 20 mai, une 2e journée de conférence a réuni à nouveau des équipes de soins du CHBA et de l’EPSM et d’autres établissements de soins du Morbihan : introduction, par le directeur des soins de l’EPSM. Retour d’expériences par les équipes pluridisciplinaires de l’EPSM : deux cadres de santé, un infirmier et une psychomotricienne. Table ronde avec les usagers de trois associations (Réseau Diabète 35, Centre de ressources et de compétences de la mucoviscidose, CRCM, association François-Aupetit (comité de soutien à la recherche sur la maladie de Crohn et les maladies inflammatoires intestinales), animée par une cadre de santé formatrice. Retour d’expériences par les équipes de tabacologie, alcoologie et de consultation externe de médecine interne hémato-infectieux du CHBA. La coordination des professionnels en ETP par l’IDE coordinatrice et le médecin de l’Utet du CHBA. Clôture des journées par la directrice de l’Ifsi.
Cette première conférence organisée par l’Ifsi sur l’ETP a réussi à articuler l’actualité en santé publique, l’économie de la santé, l’expertise des professionnels et des usagers, l’ouverture internationale et la pédagogie. La représentation d’instances dont l’Ireps, l’ARS et l’Utet ainsi que la participation des différents partenaires pluri-professionnels ont donné du sens à la pratique soignante et ont légitimé la place des usagers en tant qu’experts. La prise de parole du public, le respect, la dignité, l’alliance, la confiance et la reconnaissance ont été des moments forts, notions de “souffle nouveau” et du “bien vivre ensemble”. Nous conclurons avec quelques paroles d’usagers et de professionnels de la santé : « L’ETP est un tronc commun entre le monde associatif et les professionnels », « Le patient expert, ça ne s’invente pas, ça se vit », « On devient expert parce qu’il faut gérer le quotidien », « L’ETP relève de la proposition et pas de la prescription »…
La documentaliste de l’Ifsi associée à sa collègue de l’UDM ont été des acteurs significatifs dans la mise en forme des posters. L’ensemble de ces projets a renforcé l’engagement en santé publique des étudiants de l’Ifsi. Soixante-dix-huit d’entre eux ont animé bénévolement des ateliers de prévention et d’éducation lors de manifestations d’éducation pour la santé organisées par la ville de Vannes à la rentrée 2011-2012. La créativité et la nouveauté de ces deux projets s’inscrivent dans le nouveau référentiel en maintenant une cohérence pédagogique, tant dans la formation des unités d’enseignement que dans leur évaluation. La direction de l’Ifsi a favorisé et a priorisé ces deux projets tout au long de l’année. Ces projets innovants sont le fruit d’expertise, de disponibilité, de transversalité de la part des cadres de santé formatrices impliquées. L’enthousiasme et le dynamisme des partenaires sociaux ont permis leur pérennisation. Nous poursuivons l’aventure cette année 2011-2012 en intégrant de nouveaux projets et des nouvelles structures.
(1) Rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS)-Europe, publié en 1996 et traduit en français en 1998.
(2) Ministère de la santé. Plan pour l’amélioration de la qualité de vie des personnes atteintes de maladies chroniques et des Solidarités. (2007-2011). Avril 2007. En ligne : www.cofemer.fr/UserFiles/File/plan.pdf
(3) J. Foucaud, J. A. Bury, M. Baucou-Debussche, CH. Eymard, Éducation thérapeutique du patient. Modèles, pratiques et évaluation. Saint-Denis : INPES, coll. Santé en action, 2010 : 412 p.
(4) OMS. Bureau régional de l’Europe. Therapeutic patient education : continuing education programmes for health care providers in the field of prevention of chronic diseases : report of a who working group. Copenhagen, WHO Regional office for Europe, 1998 : VIII-76p.
(5) Voir (1).
(6) Haute Autorité de santé. Méthode d’élaboration des guides pour les ALD. Guide méthodologiques. En ligne : http://petitlien.fr/5uy9.