CAS PRATIQUES Présentation de quelques récentes décisions de justice, donc de jurisprudence, dans le cadre de la responsabilité hospitalière.
Surpris dans l’enceinte d’une résidence par un habitant qu’il aurait roué de coups, M. X. a été, lors de son interpellation par les services de police auxquels il se serait opposé en faisant usage d’un couteau, blessé à l’abdomen par le tir de l’un des policiers.
À son admission au service hospitalier d’anesthésie et de réanimation, il était constaté qu’il souffrait de lésions intra-abdominales secondaires au passage d’un projectile d’arme à feu, dont la trajectoire était de l’avant vers l’arrière, du haut vers le bas, de la droite vers la gauche, avec une sortie au niveau de la fesse gauche. Le médecin de garde attestait que l’intéressé n’était pas apte à être entendu le jour même. Le lendemain, un officier de police judiciaire contactait une infirmière du service de réanimation qui lui indiquait que le patient était audible.
Après avoir relevé que M. X., alité et intubé, n’était plus sous assistance respiratoire, mais que les conditions d’audition n’étaient pas optimales, il l’entendait sur les faits à l’origine de son interpellation et sur l’interpellation elle-même.
M. X. a ensuite été mis en examen des chefs de dégradations volontaires et des violences volontaires. Son avocat a déposé une requête en nullité de son audition aux motifs que son audition sans qu’un certificat médical l’ait déclaré apte à cette mesure lui faisait grief.
La cour d’appel avait rejeté cette requête estimant que, pour s’assurer de la compatibilité de l’état de santé de M. X. avec une audition, les enquêteurs avaient reçu une réponse transmise par une infirmière qui, selon toute vraisemblance, s’était adressée au préalable au médecin traitant pour solliciter son avis et, partant, cette autorisation.
La cour de cassation censure cet arrêt.
Il faut chercher :
→ si un médecin avait lui-même constaté que l’état de santé de cette personne hospitalisée était compatible avec son audition, et ;
→ si cette audition pouvait ainsi se dérouler dans des conditions respectant les exigences résultant de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme (refus des traitements inhumains et dégradants).
Le préfet de la Gironde a pris à l’encontre de M. Y un arrêté de reconduite à la frontière le 25 mai 2007, puis a décidé le 31 juillet 2007 de le placer en rétention administrative pour quarante-huit heures en vue de procéder à son éloignement.
M. Y, dont la mesure de rétention avait été prolongée pour quinze jours, a entamé une grève de la faim et de la soif puis a été hospitalisé au service des urgences de l’hôpital Saint-André de Bordeaux le 8 août 2007 en raison de son affaiblissement ainsi que de son état d’hypoglycémie.
Il ressort du témoignage du chef du service des urgences qu’à la demande des médecins qui l’ont accueilli à son arrivée à l’hôpital, les fonctionnaires de police ont retiré les menottes qui liaient l’intéressé.
Une contention par liens souples a alors été mise en place par les médecins afin d’empêcher le patient de retirer la perfusion qui avait été posée. Le 9 août 2007, les médecins ont constaté que les policiers avaient de nouveau entravé M. Y au niveau des chevilles alors qu’il était alité. Jusqu’à cette nouvelle intervention du personnel médical, M. Y est demeuré entravé pendant plusieurs heures.
Compte tenu des précautions prises par le centre hospitalier qui avait placé M. Y dans une chambre gardée par deux fonctionnaires de police, dont la porte demeurait ouverte et dont les fenêtres étaient sécurisées, une telle mesure excédait manifestement les exigences de sécurité.
Au surplus, eu égard à l’état d’affaiblissement du requérant qui, depuis son arrivée à l’hôpital, n’avait pas manifesté de signe de dangerosité pour lui-même ou pour autrui, l’entrave des chevilles qui lui a été imposée sur son lit d’hôpital a donc constitué un traitement inhumain, au sens de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.
Cette faute engage la responsabilité de l’État.
Louise, alors âgée de 77 ans, qui souffrait de douleurs épigastriques, a été hospitalisée le 13 juillet 2007 à 8 h 30 dans le service de soins intensifs de cardiologie du Centre hospitalier régional (CHR) d’Orléans. Le soir même, vers 19 heures, elle a chuté de son lit et s’est fracturé le col fémoral gauche.
Après une prise en charge par traction collée, les praticiens du centre hospitalier ont réalisé le 24 juillet 2007 une ostéosynthèse par vissage percutané. La patiente, qui se plaignait de douleurs à la hanche, a fait l’objet d’une nouvelle intervention le 24 janvier 2008 pour une mise en place d’une prothèse totale de hanche.
Estimant que les praticiens du CHR d’Orléans avaient commis une première faute en ne posant pas de barrière à son lit et une seconde faute en traitant la fracture du col fémoral gauche avec retard, l’intéressée a saisi le centre hospitalier d’une demande indemnitaire.
Louise, alors âgée de 77 ans, n’a pas été immobilisée lors de son hospitalisation dans le service de soins intensifs alors que son état, susceptible de provoquer des épisodes confusionnels selon les déclarations de l’expert, et son âge auraient nécessité la pose de barreaux de sécurité, voire une surveillance accrue, qui a également fait défaut. Dans ces conditions, les agents du service de soins intensifs de cardiologie du CHR d’Orléans doivent être regardés comme ayant commis une négligence fautive.
Lucien, pensionnaire de la maison de retraite Les Opalines, atteint de la maladie d’Alzheimer, a été frappé, au cours de déambulations nocturnes, par un autre pensionnaire, Marcel, souffrant de la même maladie, et il a succombé à ses blessures.
Marcel avait été hospitalisé suite à des problèmes d’agressivité, mais il n’était pas établi qu’il avait présenté un tel comportement à l’égard des autres pensionnaires depuis son arrivée. L’établissement était apte à recevoir des personnes atteintes des pathologies dont souffraient l’auteur et la victime.
Un “protocole” interne prévoyait cinq rondes par nuit alors que trois seulement avaient été effectuées la nuit en question, mais rien n’indiquait que les faits se fussent déroulés à l’heure auxquelles elles auraient dû avoir lieu, puisque, lors de la dernière ronde entre quatre et cinq heures du matin, avant la découverte du corps de Lucien, à six heures, ce dernier prenait une collation dans sa chambre tandis que Marcel dormait dans la sienne.
Aussi, l’EURL Les Opalines, tenue d’une l’obligation de surveiller les pensionnaires qui lui étaient confiés pour éviter qu’ils ne s’exposent à des dangers ou y exposent autrui, n’a commis aucune faute ayant joué un rôle causal dans la survenance du dommage.
Lors d’une intervention chirurgicale, un patient a souffert d’une compression de la partie haute du plexus brachial générant sa paralysie. On a noté au réveil une paralysie presque complète du membre supérieur gauche.
Lors de l’installation du patient sur la table opératoire, les précautions d’usage, par la pose d’épaulières, ont été prises afin qu’il ne glisse pas vers le bas lors de son inclinaison et qu’il puisse basculer, en rotation droite ou gauche, lors de manœuvres en position dite de Trendelenburg.
Ces précautions ont été insuffisantes faute d’une installation adéquate et d’un bon positionnement des deux épaulières, alors que c’est lors d’une de ces manœuvres que le patient a dû, vraisemblablement, glisser vers la gauche, une épaulière venant comprimer la partie haute du plexus brachial, et générant sa paralysie.
L’expert exclut qu’il puisse s’agir d’un aléa thérapeutique. La responsabilité de l’établissement est reconnue pour :
→ un manque de précautions des infirmiers dans l’installation ;
→ une surveillance insuffisante de l’équipe chirurgicale et anesthésique, qui n’a pas diagnostiqué, pendant l’intervention, le glissement du patient.
L’enfant Onais, alors âgé de 16 mois, atteint de vomissements, de diarrhée et de déshydratation depuis la veille, a été admis au service des urgences du Centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen le 29 mai 2007 à 20 heures. Une perfusion de sérum glucosé par cathéter veineux a été posée au dos de sa main gauche.
Le lendemain matin, il a été constaté que le liquide de perfusion s’était diffusé dans le bras, provoquant un syndrome de loge constituant une menace pour la vitalité et la fonction de ce membre et qui a nécessité le transfert immédiat de l’enfant dans le service de chirurgie pédiatrique pour une opération de décompression-aponévrotomie.
La cicatrice cutanée sur la face dorsale de la main gauche est restée inesthétique, de type chéloïde débordant sur l’avant-bras gauche avec développement d’une bride au niveau de la face antérieure du coude gauche.
L’intervention chirurgicale réalisée en urgence a été rendue nécessaire en raison d’un manquement dans l’exécution des soins infirmiers résultant de l’absence de constatation plus précoce de la diffusion de la perfusion. Or il s’agit d’un incident fréquent en matière pédiatrique et qui nécessite un protocole de surveillance particulier.
Ce manquement dans les soins infirmiers est une faute qui engage la responsabilité du CHU de Caen.