Vous avez dit gestion “des” risques ? Non, gestion “du” risque ! - Objectif Soins & Management n° 206 du 01/05/2012 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 206 du 01/05/2012

 

Économie de la santé

Didier Jaffre  

VIGILANCE → Les notions de gestion des risques associés aux soins sont bien connues des professionnels. Elles renvoient à la sécurité des soins, basée sur le principe de ne pas nuire aux malades, et au risque iatrogénique. Or il en est une autre qui l’est moins et que les acteurs ont tendance à confondre : la gestion du risque. Mais alors, c’est quoi et c’est qui, la gestion du risque ?

Depuis 2010, les Agences régionales de santé (ARS) sont chargées d’élaborer et de mettre en œuvre un Programme pluriannuel régional de gestion du risque (PPRGDR) avec les services de l’Assurance maladie, qui doit décliner les actions des programmes nationaux de gestion du risque, issus des objectifs du contrat signé entre l’État (ministère de la santé) et l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (l’Uncam).

Ces objectifs de gestion du risque portent sur la prévention et l’information des assurés, l’évolution des pratiques et l’organisation des soins pour les professionnels et les établissements de santé.

LE CONCEPT DE GESTION DU RISQUE

Dérivé du monde de l’assurance et appliqué à celui de la santé et à l’Assurance maladie obligatoire, le “risque” correspond aux dépenses remboursées par l’assureur public et sa “gestion” désigne les actions mises en œuvre pour maîtriser ces dépenses. Cette notion peut être définie comme l’ensemble des actions mises en œuvre pour améliorer l’efficience du système de santé, c’est-à-dire le rapport entre sa qualité et son coût.

On peut identifier trois grandes dimensions dans la gestion du risque :

→ optimiser la réponse du système de soins aux besoins de santé ;

→ inciter la population à recourir de manière pertinente à la prévention et aux soins ;

→ ramener les professionnels à respecter les critères d’utilité et de qualité des soins ainsi que de modérations des coûts dans le cadre financier voté par le Parlement (le fameux Ondam, Objectif national des dépenses d’assurance maladie).

Dès lors, la gestion du risque regroupe différentes actions :

→ connaître le risque, c’est-à-dire les comportements des assurés, leurs dé­terminants, et les facteurs de coût du risque et de son évolution ;

→ prévenir les sinistres, en agissant sur le comportement des assurés ;

→ limiter l’aggravation des sinistres ;

→ réduire les coûts de la réparation des sinistres, en promouvant un recours aux soins plus pertinent et en maîtrisant les coûts de production des soins par des actions visant à infléchir les pratiques soignantes ;

→ fournir des services à l’assuré ou au fournisseur de prestations, par exemple en mettant à la disposition des médecins des profils de prescription leur permettant d’auto-évaluer leurs pratiques.

Ainsi, gérer le risque, c’est prévenir les maladies et limiter leur aggravation ; c’est promouvoir un juste recours aux soins ; c’est proposer une offre de soins adaptée en quantité et en qualité ; et c’est maîtriser le coût de ces soins. Autrement dit, les acteurs de la santé font de la gestion du risque tous les jours sans s’en rendre compte.

LES ACTEURS DE LA GESTION DU RISQUE

La loi HPST du 21 juillet 2009 prévoit que la coordination de la gestion du risque entre l’ARS et l’Assurance maladie soit assurée au sein d’une commission régionale de gestion du risque associant pleinement les services de l’ARS et de l’Assurance maladie dans l’atteinte des objectifs de gestion du risque. Ces actions doivent permettre de renforcer l’efficience du système de soins et ainsi contribuer au respect de l’Ondam voté par le Parlement dans le cadre des lois de financements de la Sécurité sociale.

La préparation, le suivi et l’évaluation du programme pluriannuel régional de gestion du risque sont effectués au sein de la commission régionale de gestion du risque. Présidée par le directeur général de l’ARS, elle comprend, outre son président, le directeur d’organisme ou de service, représentant, au niveau régional, de chaque régime d’assurance maladie dont la caisse nationale est membre de l’Uncam, ainsi que les directeurs des organismes et services d’assurance maladie du ressort de la région. Un représentant des organismes complémentaires d’assurance maladie désigné par l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire (Unocam) participe, selon l’ordre du jour, aux travaux de la commission.

Mais, en réalité, les véritables acteurs de la gestion du risque, ce sont les assurés eux-mêmes, c’est-à-dire les usagers du système de santé, et les professionnels de santé, qu’ils soient salariés ou libéraux et qui délivrent les soins. C’est sur eux que va reposer l’ensemble des actions visant à préserver le système de l’assurance maladie obligatoire français, et notamment son financement dans un contexte contraint. Afin de faire en sorte que les risques présentés par les assurés soient couverts par les cotisations assurantielles, c’est-à-dire l’équilibre entre les dépenses et les recettes de l’Assurance maladie.

LE PROGRAMME PLURIANNUEL RÉGIONAL DE GESTION DU RISQUE (LE PPRGDR)

La loi HPST précise que le PPRGDR comprend, outre les actions nationales définies par le contrat entre l’État et l’Uncam, des actions complémentaires tenant compte des spécificités régionales. Ces actions régionales complémentaires spécifiques sont élaborées et arrêtées par le directeur général de l’ARS, après concertation avec le représentant, au niveau régional, de chaque régime d’Assurance maladie dont la caisse nationale est membre de l’Uncam, et avec les organismes complémentaires. Le PPRGDR est révisé chaque année. Il est intégré au projet régional de santé et fait l’objet d’une contractualisation entre le directeur général de l’ARS et les directeurs des organismes et services d’assurance maladie de son ressort dont la caisse nationale est membre de l’Uncam. Les contrats pluriannuels de gestion des organismes d’assurance maladie déclinent, pour chaque organisme concerné, outre les programmes nationaux de gestion du risque, le programme pluriannuel régional de gestion du risque.

Le directeur général de l’ARS doit préparer, arrêter, évaluer et mettre en œuvre le PPRGDR. Il est composé de deux parties :

→ une première partie reprenant les programmes nationaux de gestion du risque élaborés conformément aux objectifs définis par le contrat conclu entre l’État et l’Uncam. Elle en précise, s’il y a lieu, les conditions de mise en œuvre, dans le respect des objectifs fixés à chaque agence dans son contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens par le conseil national de pilotage des ARS ;

→ une deuxième partie comprenant les actions régionales complémentaires spécifiques.

Les ARS sont destinataires chaque année des programmes nationaux de gestion du risque après leur examen par le conseil national de pilotage des ARS, en vue de leur intégration dans la première partie du PPRGDR.

Le PPRGDR est ainsi arrêté par le directeur de l’agence pour une durée de quatre ans. Il est intégré au projet régional de santé. Il fait l’objet chaque année d’une révision par avenants préparés, soumis à l’avis de la commission régionale de gestion du risque et arrêtés dans les mêmes conditions que le programme. Le contrat établi entre l’ARS et chaque organisme et service d’assurance maladie précise les engagements relatifs à la définition et à la mise en œuvre des mesures prévues par le PRS, reprend les dispositions du PPRGDR, précise les engagements relatifs à la définition et à la mise en œuvre des mesures prévues par le PPRGDR.

LA GESTION DU RISQUE AU SERVICE DE LA SAUVEGARDE DE L’ASSURANCE MALADIE ?

On peut s’interroger toutefois sur l’efficacité de l’ensemble des actions de gestion du risque menées depuis de nombreuses années par les organismes d’assurance maladie. Car force est de constater que l’Assurance maladie reste toujours déficitaire.

En fait, les actions de gestion du risque portent sur des point très particuliers, qui si elles peuvent permettre de réduire les dépenses et améliorer les pratiques, ne peuvent en aucun cas influer de manière considérable sur l’équilibre des comptes.

La véritable gestion du risque est celle que les acteurs mettent en œuvre dans leur exercice. Il serait beaucoup plus opportun de travailler sur la pertinence des actes, que ce soit à l’hôpital ou en libéral.

Les 10 programmes prioritaires nationaux de gestion du risque

• Le programme de régulation de la progression des dépenses de transports prescrits par les établissements de santé.

Il a pour objectif, d’une part, la régulation de la progression des dépenses de transports sanitaires prescrits en hôpital et, d’autre part, la redéfinition du modèle d’organisation du transport de malade (en développant notamment le transport partagé). Pour ce faire, les principaux leviers identifiés portent sur le dispositif de contractualisation avec les établissements et l’identification des pratiques de prescriptions non conformes.

• Le programme de prise en charge de l’insuffisance rénale chronique (IRC).

Il vise à améliorer les pratiques en matière de prévention et de prise en charge de l’IRC via la diffusion des recommandations nationales existantes, l’amélioration des organisations de prise en charge, notamment les freins organisationnels au développement de la dialyse hors centre, surtout la dialyse péritonéale et le développement de la greffe rénale.

• Le programme de régulation des dépenses des médicaments et dispositifs médicaux implantables de la liste en sus.

Il a pour objectif de favoriser un usage efficient des dispositifs concernés, de prévenir une croissance des dépenses supérieure à un taux national dans les établissements de santé et dont l’origine résiderait dans des pratiques de prescriptions non conformes aux référentiels et recommandations de la Haute Autorité en santé, de l’Institut national du cancer et de l’Afssaps (notamment les Référentiels de bon usage).

• Le programme de régulation de la progression des dépenses de prescriptions hospitalières médicamenteuses exécutées en ville (PHMEV).

Il vise l’amélioration de la régulation des dépenses de PHMEV en s’appuyant sur l’identification puis la contractualisation avec les établissements ciblés, caractérisés par un non-respect des bonnes pratiques et des évolutions importantes de leurs dépenses.

• Le programme imagerie médicale.

Il vise à favoriser un égal accès aux équipements lourds de la population par le développement soutenable de l’offre en équipements lourds, à éviter la réalisation d’actes d’imagerie conventionnelle non indiqués ou redondants par la mise en œuvre d’un plan d’accompagnement des médecins généralistes prescripteurs et des radiologues en secteur libéral d’une part, et des établissements de santé publics et assimilés (PSPH dont CLCC) d’autre part, sur les actes d’imagerie conventionnelle portant sur le crâne et/ou le massif facial quel que soit le nombre d’incidences, le thorax et l’abdomen sans préparation.

• Le programme de développement de la chirurgie ambulatoire.

Il a pour objectif de renforcer le développement de la chirurgie ambulatoire dans son ensemble en tant que chirurgie “qualifiée et substitutive” à la chirurgie en hospitalisation à temps complet.

• Les deux programmes Ehpad (Établissement pour personnes âgées dépendantes) “Efficience” et “Prescription”.

Ils ont pour objectif d’améliorer la coordination des professionnels de santé et la qualité de la prise en charge en Ehpad ; d’élaborer et de déployer des systèmes d’information pour permettre le suivi et l’analyse des dépenses de soins des Ehpad ; d’inciter à une gestion et une organisation plus efficientes de l’Ehpad et évaluer la qualité de la prise en charge et des soins ; de renforcer et diffuser les bonnes pratiques professionnelles en Ehpad ; d’inciter les Ehpad à contractualiser sur des objectifs d’amélioration de la prescription et de la coordination des soins ; d’aider les Ehpad à élaborer une liste préférentielle de médicaments efficiente.

• Le programme SSR (soins de suite et de réadaptation) qui vise à maîtriser l’évolution des dépenses dans le respect des taux d’évolution de l’Ondam, adapter l’offre SSR aux besoins, dans le respect des référentiels HAS ; préparer la réforme de financement (tarification à l’activité) ; mettre en œuvre la mise sous accord préalable prévue par la loi de financement de la Sécurité sociale 2011.

• Le programme permanence des soins ambulatoire (PDSA) et urgences.

Il a pour objectif l’amélioration de la prise en charge des demandes de soins non programmées lors des horaires de PDSA, de la qualité de l’accès aux soins des personnes qui cherchent un médecin aux heures de fermeture des cabinets médicaux ; d’accroître l’efficience du dispositif global dans un contexte de maîtrise de l’Ondam, via des dispositifs plus adaptés aux spécificités territoriales.

En savoir plus

Projet régional de santé de Bourgogne, arrêté le 29 février 2012 et consultable sur le site internet de l’ARS de Bourgogne : www.ars-bourgogne.fr