RECONNAISSANCE → Le 5e Congrès du Sidiief a été l’occasion de nombreux échanges sur les collaborations professionnelles. L’idée peut-elle s’implanter durablement sans une complète réorganisation de nos formations et du financement de nos systèmes de santé ?
« Historiquement, les différentes professions de la santé ont évolué et travaillé en silos, isolément les unes des autres, et souvent en compétition. Partout, ce modèle est révolu de l’Afrique à l’Amérique en passant par l’Europe et sans doute tout autant par l’Asie », affirme le Dr Pelletier, président des médecins francophones du Canada, en clôture du symposium consacré aux nouvelles collaborations interprofessionnelles.
Si le principe est aujourd’hui acquis, les collaborations interprofessionnelles concrètes reposent sur des initiatives qui peinent à se généraliser et à être reconnues. Même au Québec, souvent désigné comme « l’eldorado de la collaboration », Mme Desrosiers, présidente du Secrétariat international des infirmières et infirmiers de l’espace francophone (Sidiief), regrette que l’infirmière praticienne n’ait toujours aucune reconnaissance légale de son activité diagnostique alors qu’elle peut prescrire des médicaments et détecter des complications dans le cadre des maladies chroniques. « C’est toujours le parcours du combattant », déplore-t-elle. Pour Yves Robert, président de la Fédération des ordres des médecins du Canada (FMRAC) et favorable à cette évolution, « au-delà d’une volonté politique de la direction du collège des médecins [du Québec], il faut que la profession médicale suive. C’est comme dans une armée, le général ne peut pas être seul à faire la guerre sans une armée derrière ».
Quelles sont donc les conditions qui pourraient permettre que l’idée, admise depuis une dizaine d’années, s’impose enfin dans les faits et se déploie, notamment dans les soins de santé primaire où le rôle de l’infirmière est essentiel ? D’abord, une formation commune à tous les personnels de santé est une nécessité que l’expérience de la faculté de médecine et de biologie de Lausanne, en collaboration avec l’Institut universitaire de formation et recherche en soins (IUFRS), a démontrée. Des étudiants en soins infirmiers, en médecine, en physiothérapie, ainsi que des techniciens en radiologie médicale et des sages-femmes, réunis en groupe de travail collaboratif d’une dizaine d’étudiants, partagent leurs analyses autour d’une même situation clinique. Ensuite, il convient de s’interroger sur le mode de rémunération des soignants, « plus déterminant sur les comportements que les sentiments corporatistes », d’après Mme Desrosiers. « Si le paiement à l’acte pour les médecins avait sa pertinence il y a quarante ans, au moment de l’implantation des systèmes d’assurance maladie parce qu’on traitait des maladies aiguës qui étaient courtes dans le temps, cela devient de moins en moins opportun, compte tenu de l’évolution des technologies et des suivis qui sont de plus en plus multidisciplinaires. Qu’il y ait une évolution dans le mode de rémunération des soignants et une réorganisation du système de santé paraît inévitable », constate le Dr Robert.
En France, quelques expérimentations engagées en 2003
Tout comme les États généraux de la santé de 1998 et de 1999 avaient permis, en France, l’expression d’un débat ouvert et démocratique avec les usagers, souhaitons que les États généraux de l’organisation de la santé
(1) “Coopération des professions de santé : le transfert de tâches et de compétences”, rapport d’étape présenté par le professeur Yvon Berland, octobre 2003.
(2) “Rapport relatif aux métiers en santé de niveau intermédiaire. Professionnels d’aujourd’hui et nouveaux métiers : des pistes pour avancer”, Laurent Hénart, Yvon Berland, Danielle Cadet, janvier 2011.
(3) États généraux de l’organisation de la santé (Égos). Synthèse des travaux des deux journées nationales (8 février et 9 avril 2008), Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins (DHOS). Observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS).