Objectif Soins n° 207 du 01/06/2012

 

Recherche et formation

Marielle Boissart  

PROFESSIONNALISATION → Le référentiel de formation infirmière place l’approche par compétences au cœur du dispositif de formation. Au sein de ce dispositif, un outil innovant tient une place prépondérante en tant qu’outil de mesure de progression des compétences de l’étudiant. Il s’agit du portfolio. Cet outil a-t-il seulement cette vocation ?

Selon les approches francophones, la professionnalisation « se fait dans l’action, par la production de façons de faire souvent peu scientifiques (production de la professionnalité en actes versus formation scientifique de la professionnalité) »(1). La professionnalisation se veut alors être un processus de négociation identitaire entre le sujet et son environnement. Le sujet se construit identitairement selon l’identité sociale (“jeu” mis en place par le sujet portant sur sa place et son rôle dans l’environnement). Ce jeu repose sur une stratégie de mise en reconnaissance de soi et au niveau méso, voire macro, sur la reconnaissance attribuée par l’environnement du fait de la réussite émanant de process d’action. Néanmoins, ce n’est pas sans compter sur une double tension générée par le propre projet de soi sur soi et le projet d’autrui sur soi.

La professionnalisation se veut ainsi le produit évolutif et transactionnel entre l’intention sociale posée par l’organisation et un jeu identitaire reposant à la fois sur la mise en reconnaissance de soi et la reconnaissance par l’environnement attribuant le statut de compétent et de professionnel à l’individu.

RAPPEL SUR LES COMPÉTENCES

Pour R. Wittorski(2), « la compétence est produite par un individu ou un collectif dans une situation donnée et elle est nommée/reconnue socialement. Elle correspond à la mobilisation dans l’action d’un certain nombre de savoirs combinés de façon spécifique en fonction du cadre de perception que se construit l’acteur de la situation »(2). Selon le même auteur, la notion de compétence se situe à l’intersection de trois champs. Les compétences s’élaborent et évoluent dans ces trois champs :

→ biographie et parcours de socialisation ;

→ expérience professionnelle ;

→ formation.

La compétence est le processus générateur du produit fini qu’est la performance.

La compétence est évolutive et fortement empreinte de l’histoire personnelle de l’individu, de son parcours professionnel et de formation. Elle est mobilisée en vue d’atteindre un résultat qui définit un niveau de performance. Les compétences se différencient aussi par le fait qu’elles peuvent être individuelles (produites et mobilisées seules en interaction avec l’environnement), collectives en situation (coproduites) et partagées (transmises d’un individu à un autre). Par ailleurs, les psychologues du travail et ergonomes désignent une autre caractéristique des compétences : les « compétences incorporées à l’action »(3). Elles sont mobilisées dans des situations de travail déjà connues par l’acteur. La compétence est aussi un “savoir agir” reconnu socialement. Elle dépend d’une appréciation sociale. En outre, la psychologie cognitive détermine que la compétence correspond à l’explicitation sociale d’une conduite ou d’un constat de performance. Nous pouvons donc définir la compétence comme un ensemble de savoir-faire conceptualisés dont le niveau de maîtrise ne peut être atteint que par une combinatoire de savoirs, de savoirs pratiques, de savoirs comportementaux et d’opérations mentales. Elle repose sur un savoir agir en situation complexe. L’évaluation des compétences consiste à :

→ mesurer le savoir agir, production d’un résultat en situation réelle. Cette évaluation se fait notamment à l’aide des critères et des indicateurs du portfolio ;

→ mesurer le savoir pour agir, expliciter et argumenter son action dans un positionnement réflexif.

C’est l’objet de l’analyse des pratiques professionnelles, rubrique présente au sein du portfolio.

DÉTOUR CONCEPTUEL

Son acception est celle d’un porte-documents. Il revêt à la fois la fonction d’outil, mais aussi de démarche. L’outil peut posséder une propriété d’apprentissage, de présentation et d’évaluation. L’outil d’apprentissage peut collationner des travaux en relation avec une compétence. Ces derniers seront les témoins de la progression de l’étudiant. Ainsi, un diagnostic des besoins d’apprentissage peut être posé avec les forces et les faiblesses de l’étudiant. Dans un portfolio d’apprentissage, « l’étudiant commente les moyens mis en œuvre pour réaliser ses travaux »(4).

Nous sommes donc dans le concept d’auto-évaluation basé sur un outil de réflexion, un outil d’analyse de la pratique soignante. Il peut s’agir aussi d’un outil de présentation de travaux choisis par l’apprenant qu’il doit argumenter afin d’exercer un regard critique et d’expliciter son chemin parcouru. L’outil d’évaluation permet, quant à lui, dans le cadre d’une démarche sommative, d’évaluer le niveau des compétences atteint en fonction des compétences attendues dans le référentiel. Il peut aussi être appréhendé dans sa fonction de démarche.

Ici, le portfolio invite l’étudiant à réfléchir sur son processus d’apprentissage en dégageant le cheminement poursuivi. Il doit mesurer avec réalisme ses points forts et ceux à améliorer pour élaborer des stratégies d’amélioration. Il peut être, dans ce cas, un outil permettant le développement personnel et professionnel de l’étudiant. C’est une approche très constructive, notamment si l’étudiant continue de fonctionner ainsi dans sa vie professionnelle.

Pour nous, le dessein du portfolio dans la formation infirmière doit s’inscrire principalement dans les logiques d’outil d’apprentissage, d’évaluation et de démarche. Ainsi, « le portfolio prend deux orientations : l’une comme soutien à l’apprentissage, et l’autre comme outil d’appréciation au terme d’une période prédéfinie »(5).

Ce portfolio a aussi le mérite d’aboutir à la formalisation langagière et écrite de l’étudiant sur ses apprentissages et sur sa pratique. L’auto-évaluation est ainsi privilégiée avec une prise de conscience des pratiques. Cette auto-évaluation a pour avantage d’amener à une meilleure estime de soi. Le tuteur endosse un rôle central dans l’accompagnement de l’étudiant et dans le fait de faire vivre ce portfolio de manière concertée avec lui. C’est grâce aux échanges nombreux et réguliers que le tuteur va permettre à l’étudiant d’identifier les savoirs et les valeurs professionnelles l’aidant à sa construction professionnelle. Le portfolio en est le support écrit grâce à l’analyse des situations de soins significatives de la pratique soignante, mais aussi grâce à la formalisation de la progression de l’étudiant sur la feuille d’évaluation des compétences. Le portfolio n’est pas l’apanage du tuteur seul, mais c’est lui qui collecte l’ensemble des informations transmises par les professionnels de proximité, responsables de l’encadrement au quotidien de l’étudiant.

En lien avec les théories de l’apprentissage, le portfolio s’insère indéniablement dans une approche cognitiviste et constructiviste. Cet outil met effectivement l’accent sur la démarche d’apprentissage et sur la démarche réflexive de l’étudiant. Le tuteur a pour rôle de proposer à l’étudiant des situations professionnelles apprenantes qui vont contribuer à construire des situations permettant l’apparition de conflits cognitifs. La connaissance émerge ainsi de l’équilibration des structures cognitives en écho aux sollicitations des objets dans l’environnement. La connaissance est aussi le fruit des interactions de l’environnement. Le tuteur doit alors solliciter l’étudiant dans sa zone proximale de développement, en interaction avec l’équipe soignante, pour assurer des prises en soins de qualité qu’il pourra reconduire seul plus tard. Le portfolio comporte les deux aspects du contrôle et de l’évaluation. La validation des actes, par exemple, découle de l’acquisition de la capacité à réaliser tel acte en référence à une pratique normée.

Mais le sens est interrogé en plus : cet acte est-il réalisé avec le consentement du patient ? Pourquoi cet acte est-il réalisé ? C’est là que se situe le rôle du cadre formateur et du tuteur. En effet, la notion d’acte est réductrice, elle ne met pas en valeur toutes les dimensions du soin (relationnelle, sociale, environnementale…). Or ce sont ces aspects qui vont être décortiqués pour que l’étudiant puisse ensuite transposer cet acte à une autre situation. Ce qui est certain, c’est que l’étudiant comprendra l’évaluation s’il en a intégré les différents critères qui d’abord sont vécus en extériorité et qui lui permettent de savoir effectivement s’il sait quelque chose. De surcroît, ce portfolio sert de fondation à l’élaboration des compétences de l’étudiant, à la seule condition qu’il soit articulé et finalisé au sein d’un dispositif de formation dont les visées sont partagées par l’ensemble des acteurs de la formation. C’est un outil qui permet de faire lien entre le temps de l’expérience et le temps de l’analyse. C’est à cette condition que l’expérience de l’étudiant, « réfléchie, relue, redite, analysée, problématisée »(6), peut être porteuse d’apprentissage.

UN OUTIL STRATÉGIQUE AU SERVICE DE PLUSIEURS ACTEURS

« Un portfolio est une collection organisée et cumulative de travaux et de réflexions d’un étudiant, qui rassemble des informations sur les compétences qu’il a développées au cours d’une période plus ou moins longue d’apprentissage. »(7) Dans la logique de la formation infirmière actuelle, il s’agit d’un outil qui appartient à l’étudiant. L’étudiant est responsable de sa tenue. Il est centré sur le développement des compétences, des activités et des actes infirmiers.

Le portfolio apparaît comme un objet médiateur représentant concrètement le partenariat stages/Ifsi. Il se présente sous forme de classeur. Chaque étudiant possède le sien et le suit tout au long de sa formation. Son parcours de formation est y retracé ainsi que ses acquisitions. C’est un outil qui engage l’étudiant dans son processus d’apprentissage puisque tous les éléments constitutifs de son apprentissage y sont tracés. Ce classeur constitue en quelque sorte la “carte d’identité” de l’étudiant, il est le témoin de son cheminement. Et, surtout, c’est le document principal de certification. En effet, en lien avec l’arrêté du 31 juillet 2009, relatif au diplôme d’État infirmier, titre 3, article 55, il est stipulé que « le formateur de l’institut de formation, référent du suivi pédagogique de l’étudiant, prend connaissance des indications apportées sur le portfolio et propose à la commission d’attribution des crédits de formation définie à l’article 59 la validation du stage ».

Nous comprenons là toute l’importance à attribuer à ce document par l’étudiant. Il va également servir de document de référence au jury régional qui se prononcera sur la délivrance du diplôme d’État. Par ailleurs, ce classeur est aussi un guide pour l’ensemble des professionnels des terrains de stage jouant un rôle dans l’encadrement de l’étudiant.

LES OBJECTIFS DU PORTFOLIO

Pour l’étudiant

→ L’impliquer dans son processus d’apprentissage pendant tout son cursus de formation grâce à une auto-évaluation de sa progression.

→ Favoriser une analyse réflexive sur ses stratégies d’apprentissage et ses pratiques professionnelles.

Pour le tuteur

→ Réaliser un bilan des acquisitions antérieures afin de mettre en place un encadrement personnalisé et favoriser les conditions d’apprentissage.

→ Rendre lisible la progression et les acquisitions de l’étudiant.

Pour le cadre référent de suivi pédagogique

→ Réaliser le bilan des acquisitions pour proposer la validation des European Credits Transfer System (ECTS) en Commission d’attribution des crédits (Cac).

→ Réorienter le parcours de stage.

Ainsi conçu, le portfolio joue le rôle de pivot pour le processus d’apprentissage de l’étudiant. Ce processus se construit grâce à une supervision interactive et permanente des différents acteurs.

LES MODALITÉS D’UTILISATION

À l’Ifsi, l’étudiant remplit les éléments sur le cursus de sa formation et peut également commencer à élaborer ses objectifs de stage grâce aux livrets d’accueil des stages présentant leur offre de stage (s’ils sont recensés à l’Ifsi). Le portfolio est présenté et commenté par l’étudiant aux professionnels des terrains de stages.

Réalisé par le tuteur en présence de l’étudiant et en présence ou non des professionnels de proximité ou après avoir fait le bilan avec eux de la progression de l’étudiant, ce bilan de mi-stage garde un intérêt certain pour vérifier l’atteinte des objectifs de l’étudiant (personnels et institutionnels), évaluer sa capacité à construire sa compétence. Il est également un support de l’évaluation finale : il permet de renseigner les différents documents à l’issue du stage à partir d’une traçabilité continue et fiable. Parmi les outils proposés à l’élaboration de ce bilan de mi-stage, peuvent être retrouvés la photocopie du parcours des acquisitions de compétence de l’étudiant (le porfolio), des outils créés par le service, etc.

D’après le guide(8) pour les professionnels des terrains de stage accueillant des étudiants en soins infirmiers élaboré par l’Agence régionale de santé (ARS) Bourgogne, il est recommandé avant l’entretien de demander à l’étudiant de renseigner la page “Analyse des pratiques”, et de se renseigner auprès des professionnels de proximité ayant travaillé directement avec l’étudiant. Lors de cet entretien, le portfolio et les feuilles du dossier d’évaluation doivent être remplis simultanément : l’étudiant remplit le portfolio et le tuteur remplit le document synthèse du stage intitulé “Synthèse par le tuteur des acquisitions des compétences en stage” ainsi que “le bilan de stage” sur la feuille indépendante et sur le portfolio. Le tuteur s’assure ensuite que les documents remplis sont en cohérence. Au regard de notre pratique, les conseils suivants pour remplir ces documents peuvent être dispensés :

→ remplir les documents au stylo-bille ;

→ cocher “non pratiqué” si le critère est non évaluable ;

→ remplir dans le portfolio toutes les cases des critères de la compétence ;

→ n’inscrire aucune croix entre les cases ;

→ n’inscrire aucune rature ni aucune trace de correcteur sur le portfolio, ni sur les feuilles d’acquisition des compétences et de bilan de stage (en cas d’erreur raturer et signer au regard de la rature) ;

→ n’inscrire qu’une croix par case ;

→ écrire le nom entier du tuteur sur la première page de l’évaluation de la Compétence 1 du portfolio ;

→ apposer les initiales du tuteur sur chaque feuille d’évaluation des compétences du portfolio avec le tampon du service.

De plus, il apparaît intéressant de clarifier les termes suivants :

→ non pratiqué : acte non réalisé ;

→ non acquis : acte réalisé mais non conforme aux bonnes pratiques ;

→ à améliorer : acte effectué mais la réalisation n’est possible qu’en présence du professionnel qui guide le geste dans sa réalisation ;

→ acquis : le soin est confié à l’étudiant, il le réalise seul.

Malgré le vocable utilisé dans ce portfolio, à la lumière des auteurs ayant éclairé de leurs regards la notion de compétence, il en ressort que celle-ci n’est pas acquise définitivement, elle est en perpétuel développement. Elle doit donc être réinterrogée à chaque situation professionnelle et tout au long de la formation. Ce questionnement favorise d’ailleurs le transfert dans des situations professionnelles de plus en plus complexes. C’est la raison pour laquelle une compétence peut être acquise dès le premier stage : acquis n’est pas synonyme d’expertise, les stages suivants permettront de renforcer et/ou de confirmer ces premières acquisitions. A contrario, acquis n’est pas forcément définitif : lors d’un stage suivant, une compétence qui était acquise peut ne plus l’être en fonction du contexte de soin et de l’accroissement des exigences du niveau de formation tout au long des six semestres.

Au retour du stage, l’étudiant remet au cadre formateur référent de son suivi pédagogique les différents documents :

→ la feuille d’acquisition des compétences,

→ la feuille bilan de stage,

→ son portfolio dans lequel se trouvent son parcours d’acquisition des compétences et deux analyses de pratiques qu’il a rédigées.

À partir de ces documents, le cadre formateur référent de suivi pédagogique renseigne la feuille du dossier d’évaluation “Synthèse de stage” et propose à la Cac l’attribution des crédits correspondants au stage ou un réajustement du parcours de l’étudiant.

Chaque semestre, ce formateur fait le bilan des acquisitions. Il conseille l’étudiant et le guide pour la suite de son parcours. Il est ainsi amené à personnaliser le parcours de stage au vu des éléments contenus dans le portfolio.

En conclusion de cette partie relative à l’aspect stratégique du portfolio, nous pouvons dire qu’il est le lien entre l’étudiant et le tuteur de stage, l’étudiant et le cadre de santé formateur référent de stage, l’étudiant et le formateur responsable du suivi pédagogique, l’étudiant et le jury d’attribution des ECTS, l’étudiant et sa professionnalisation.

DE LA THÉORIE à LA PRATIQUE

D’après une enquête que nous avons menée auprès de différents acteurs de la formation infirmière (étudiants, directeurs de soins d’établissements de santé, maîtres de stages, tuteurs, professionnels de proximité, directeurs de soins d’Ifsi, cadres de santé formateurs, professeurs universitaires), dans la région Paca et instrumentée par des entretiens semi-directifs, à N+1, le portfolio ressort encore comme un outil controversé.

La fonction d’outil d’évaluation prévaut dans tous les discours. La fonction de démarche inhérente à un outil de présentation n’est pas envisagée. La sélection de travaux réalisés, argumentés et choisis par l’étudiant lui permettrait pourtant d’exercer un regard critique et d’expliciter son chemin parcouru. Il n’est pas appréhendé dans sa fonction de démarche qui invite l’étudiant à réfléchir sur ses points forts, ses points à améliorer et ses stratégies d’apprentissage en faisant alors un outil d’apprentissage. Les fonctions de développement personnel et professionnel sont inexistantes, même si un directeur de soins d’Ifsi les revendique fortement. Nous sommes donc loin de la vision de J. Arter et V. Spandel(5) catégorisant le portfolio comme soutien à l’apprentissage et outil d’appréciation. Il n’en demeure pas moins que les acteurs investissent ce portfolio dans les échanges qu’il entraîne entre l’étudiant et les tuteurs, voire les maîtres de stages. L’accent sur la démarche d’apprentissage et la démarche réflexive de l’étudiant propres aux approches cognitivistes et socio-constructivistes existe pour une minorité des acteurs. Les deux fonctions de contrôle et d’évaluation, avec tout de même une auto-évaluation, sont très prégnantes.

Les parcours personnalisés ressortent parfaitement comme des moyens de la professionnalisation. C’est grâce à l’étude précise du portfolio confrontée au projet professionnel de l’étudiant que les acteurs des Ifsi parviennent à proposer des conditions de formation extrêmement ciblées pour les besoins d’apprentissage de chaque étudiant. La posture réflexive, quant à elle, fait l’unanimité. Sollicitée dans l’analyse des pratiques, dans les écritures du portfolio, elle permet de questionner l’expérience de l’étudiant et de mettre en exergue le “pouvoir” de l’action. D’après ces résultats, le portfolio existe de manière prépondérante en tant qu’outil d’évaluation. En référence aux conceptions de R. Bibeau(9), le portfolio répond à « une collection d’œuvres propre à refléter le talent de son auteur, un cartable des investissements et des documents afférents, une collection des travaux d’un étudiant qui fait foi de ses compétences en conservant des traces pertinentes de ses réalisations »(9). Il découle ainsi de ces constats que la fonction de portfolio de développement professionnel n’apparaît pas réellement au sens canadien du terme. Pour développer la professionnalisation, le développement des compétences et le développement professionnel vont de pair. Or le développement professionnel concerne la transformation des personnes en situation professionnelle. C’est une situation dynamique qui émane des dispositifs de professionnalisation proposés. Ce développement professionnel existe seulement si l’individu s’y engage. Nous entendons par là qu’il ne peut y avoir développement professionnel seulement si l’individu est disposé à apprendre et à se développer (motivations, intentions, image de soi, projet professionnel, etc.). Il peut être considéré comme une transaction identitaire ayant pour enjeu la prescription et l’attribution de compétences. Permettre à l’étudiant de faire évoluer son portfolio, de le faire vivre au gré des apprentissages apparaît alors comme un enjeu majeur de sa propre professionnalisation.

À l’ère des technologies de l’information et de la communication, la formation initiale des infirmiers envisage aussi un outil innovant qui stimule la réflexion et la formation : le portfolio électronique. Il permettrait à l’étudiant de se définir à titre de professionnel et d’articuler clairement sa vision de soignant. Des questions cruciales se posent alors en termes d’avantages et de défis pour la formation. Quelle place ce type de portfolio peut-il occuper dans les apprentissages ? Quelle en sera la démarche d’utilisation et d’analyse ? Quid de la confidentialité, de la sécurité et des droits d’auteurs ? Quoi qu’il en soit, pour se frayer un chemin vers le processus de professionnalisation, l’étudiant n’a-t-il pas tout à gagner à se positionner en tant qu’auteur de ses apprentissages et donc concepteur de son portfolio ?

NOTES

(1) Wittorski R. Professionnalisation et développement professionnel. Paris : L’Harmattan. (2007).

(2) Wittorski R. “De la fabrication des compétences”. Éducation permanente, n° 135, (1998, février). 57-69.

(3) Leplat J. “À propos des compétences incorporées”. Éducation permanente, vol. 12, n° 2, (1995). 101 – 115.

(4) Ministère de l’Éducation du Québec (MEQ). Portfolio sur support numérique. Direction des ressources didactiques. (mai 2002)

(5) Arter J., Spandel V. Using portfolios of student work in instruction and assessment. Educational Measurement : Issues and Practice, vol. 11, n° 1, (1992). 36-44.

(6) Geay A. “L’alternance comme processus de professionnalisation : implications didactiques”. Éducation permanente, n° 172, (2007). 27-38.

(7) Nacache N., Samson L., Jouquan J. “Le portfolio en éducation des sciences de la santé : un outil d’apprentissage, de développement personnel et d’évaluation”. Revue internationale francophone d’éducation médicale, vol. 7, n° 2, (sd). 110-127.

(8) ARS Bourgogne. Guide 2e partie pour les professionnels des terrains de stage accueillant des étudiants en soins infirmiers, Programme 2009. (Août 2010). Consulté le 07/03/2010 sur www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/partie_2_GUIDE_ encadrement_etudiants_infirmiers.pdf (adresse raccourcie : petitlien.fr/5y2n).

(9) Bibeau Robert. Cent références pour le portfolio numérique. (2006). Consulté le 07/09/2010 sur www.robertbibeau.ca/portfolio.html.

BIBLIOGRAPHIE

→ Bélair L.-M. “L’apport du portfolio dans l’évaluation des compétences. Questions vives : évaluation et formation”, Les sciences de l’éducation en question, vol. 1, n° 1, (2002). 17-37. → Bibeau R. Portfolio sur support numérique. Ministère de l’Éducation du Québec. Montréal . 55 pages. (2002).

SITOGRAPHIE

→ Desjardins R. Le portfolio de développement professionnel. (2004). Consulté le 07/09/2010 sur www.umoncton.ca/leprof/accueil. → Portfolio numérique. Notion de portfolio. Dossier archivé le 17/09/2009. Consulté le 21/12/2009 sur http://eduscol.education.fr/dossier/ archives/portfolionumerique/notion-de-portfolio/le-portfolio-en-education-et-en-formation (adresse raccourcie : petitlien.fr/5y2a).