L’hôpital a-t-il gagné en productivité ? Une récente étude de la Dress a défini un indicateur de productivité et analysé la productivité des hôpitaux. Décryptage.
La Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) du ministère de la santé vient de publier une étude sur les évolutions récentes de la productivité hospitalière dans le secteur public. À partir des données d’activité de court séjour (médecine, chirurgie, obstétrique) issues du PMSI (Programme de médicalisation du système d’information), les auteurs définissent un indicateur de productivité globale construit à partir d’une fonction de production dans le secteur public hospitalier.
Cette étude conclut à une hausse de la productivité hospitalière en court séjour entre 2003 et 2007 ainsi qu’à une réduction des écarts de productivité entre les hôpitaux publics. Les éléments qui suivent reprennent les résultats obtenus par les auteurs ; pour plus de détails, et notamment les modèles économiques et les hypothèses utilisées, les lecteurs se reporteront à l’étude
Les centres hospitaliers régionaux semblent avoir une productivité inférieure à celle des autres hôpitaux. En revanche, le fait qu’ils aient plusieurs sites est favorable pour leur productivité.
Par ailleurs, il semble que la productivité dépende de la spécialisation, tant en termes de disciplines qu’en termes de mode de prise en charge. Par exemple, les établissements qui ont développé une activité ambulatoire sont les plus productifs. Plus la part de l’activité de médecine est importante, plus la productivité est faible, à l’inverse de la chirurgie et de l’obstétrique qui sont plus “rentables”.
Enfin, la taille de l’hôpital semble avoir une influence sur sa productivité. L’existence de rendements d’échelle semble ainsi vérifiée : ils sont positifs pour les petits hôpitaux et négatifs pour les grands établissements. Pour les auteurs, la taille optimale d’un hôpital se situe entre 800 et 850 lits de court séjour.
Les auteurs montrent que la productivité, c’est-à-dire la part de l’activité qui n’est pas expliquée par des facteurs observables des hôpitaux, augmente de manière continue de 2003 à 2007, entre 8,7 % et 11,1 %, soit un taux d’évolution annuelle entre 2,2 % et 2,8 %. Moins d’un tiers de la hausse d’activité par lit est lié à une hausse du personnel par lit ; la part de places dans le nombre de lits et places explique entre 1,6 et 5,4 % de la hausse d’activité par lit ; la réduction du nombre de lits joue en sens contraire ; la baisse de la part de lits installés en chirurgie a joué à la baisse ; et, enfin, entre 63 % et 80 % de la hausse de l’activité par lit est imputable à la seule hausse de la productivité globale apparente.
L’augmentation de la productivité peut résulter du progrès médical, d’une meilleure gestion ou d’une modification de l’organisation des soins. Elle peut également être liée à des améliorations de codage de l’activité dans le cadre du passage à la tarification à l’activité. Or les auteurs, en isolant cet effet, montrent que la hausse de la productivité est bien due à un effet volume et non à un effet structure.
Les auteurs observent que la distribution des productivités relatives semble se translater dans le temps, traduisant un mouvement d’ensemble sur la période : sur les 406 établissements de l’échantillon, seuls 61 voient leur productivité décroître (généralement des établissements de taille moyenne qui avaient déjà une forte productivité au départ). Par ailleurs, les différences de productivité entre hôpitaux tendent à se réduire. Ce qui s’explique par le fait que les établissements les moins productifs ont vu leur productivité augmenter plus que ceux qui avaient une productivité plus importante. Pour les auteurs, l’évolution de la productivité n’est donc pas due au progrès technique, car même les hôpitaux les moins productifs ont fait des efforts pour améliorer leur productivité. En guise de conclusion, les auteurs tirent les résultats suivants de leurs différentes modélisations :
• il existe une taille optimale pour atteindre les niveaux de productivité les plus élevés ;
• à taille identique, les hôpitaux ayant une activité de chirurgie et/ou d’obstétrique, et/ou une activité ambulatoire sont plus productifs ;
• l’ensemble des hôpitaux sur les dix dernières années ont connu une croissance marquée de leur productivité.
Ces résultats devraient être appréhendés avec discernement par les autorités en charge des établissements de santé, à savoir les agences régionales de santé (ARS). En premier lieu, il y a lieu de s’interroger sur les opérations d’investissements hospitaliers à venir sur la taille optimale à construire, tout en sachant cependant qu’une partie des opérations ont été réalisées dans le cadre des plans hôpital 2007 et 2012, et qu’elles sont loin de correspondre à la taille optimale de 800 lits MCO décrite par les auteurs, en étant soit très en dessous, soit très au-dessus. Le deuxième enseignement vient apporter des arguments aux défenseurs des hôpitaux de proximité, qui, généralement, ont perdu leur service de chirurgie et d’obstétrique. L’étude montre que ces établissements ne peuvent pas être productifs, ce qui renvoie également à la tarification à l’activité qui n’est pas adaptée pour ces établissements. Enfin, contrairement aux idées reçues, l’hôpital public a amélioré sa productivité au cours des dernières années, ce qui montre ses capacités d’adaptation et de gestion.
* Nicolas Studer, “Quelles évolutions récentes de la productivité hospitalière dans le secteur public ?”, Drees, série étude et recherche, document de travail, n° 114, mars 2012.
→ Une entreprise, comme le sont les établissements de santé, doit constamment attaquer ou se défendre pour rester présente sur le marché. Deux possibilités s’ouvrent à elle : la croissance interne (accroître sa capacité de production) et/ou la croissance externe (acquérir de nouvelles entreprises). Le processus de concentration traduit la mise en œuvre de ces deux stratégies : c’est le “processus” qui tend à accroître la taille absolue ou l’importance relative de certaines unités au sein de l’ensemble auquel elles appartiennent. La concentration permet aux firmes d’atteindre une masse critique ou une taille optimale qui leur assure le maximum d’efficacité économique. Toutefois, les travaux empiriques montrent que la relation entre la taille d’une entreprise et ses coûts de production n’est pas stable : si l’augmentation de la taille permet de diminuer une partie des coûts de production, en revanche, des surcoûts apparaissent en termes d’organisation et de gestion (coûts de transport, de stockage…). Car les avantages de la concentration reposent sur la présence d’économies d’échelle.
→ On parle d’économies d’échelle lorsque le coût moyen d’une firme diminue avec l’accroissement de sa taille jusqu’à un certain seuil, et de déséconomies d’échelle lorsque le coût croît à nouveau après ce seuil. L’efficience est alors à son maximum quand la firme a atteint ce seuil, c’est-à-dire la taille critique. En présence d’économies d’échelle, la quantité produite d’un bien croît proportionnellement plus vite que la quantité de facteurs de production (rendements d’échelle croissants), c’est-à-dire que les coûts unitaires de production du bien produit diminuent.
→ Plusieurs types d’économies d’échelle peuvent être distinguées : les économies d’établissement qui concernent les relations entre les coûts et la taille des unités techniques de production ou de vente ; les économies de firmes qui concernent les relations entre les coûts et la taille des unités juridiques ; les économies intra-établissements ; et les économies interétablissements. Parmi ces économies, on peut également distinguer les économies réelles qui traduisent la diminution des quantités de facteurs par bien produit en fonction de la taille de la firme, et les économies monétaires qui traduisent la baisse des prix de revient des facteurs de production du fait de l’augmentation de la taille.
→ À l’inverse, l’apparition de déséconomies d’échelle s’explique par l’épuisement des facteurs techniques, les difficultés de gestion, la dégradation des relations de travail, la hausse des coûts de vente et de distribution. Il convient alors aux firmes de s’adapter rapidement et de prendre les mesures nécessaires pour faire disparaître des déséconomies d’échelle.
→ La concentration industrielle semble donc, par l’intermédiaire des économies d’échelle, permettre d’accroître l’efficacité économique d’une firme, du moins jusqu’à un certain seuil (taille critique). Mais qu’en est-il appliqué aux établissements de santé ?