Objectif Soins n° 209 du 01/10/2012

 

Qualité Gestion des risques

Anne-Lise Favier  

Fédérer des professionnels de santé issus d’horizons différents, des services et des actions autour d’un même intérêt, celui du patient, nécessite une organisation hors pair et une évaluation permanente des actions entreprises, dans l’intérêt des différents protagonistes. Comment cette évaluation est-elle menée ?

Si les réseaux de santé sont constitués entre professionnels de santé déjà évalués individuellement dans le cadre de l’EPP (Évaluation des pratiques professionnelles), ils n’en sont pas moins évalués en tant qu’entité à part entière, afin de garantir la qualité de leurs services et de leurs prestations. C’est non seulement une garantie pour les patients mais aussi un moyen de vérifier leurs conditions d’organisation, de fonctionnement et d’évaluation, conditions fixées par décret, et qui permet ensuite de poser les limites des crédits qui leur sont alloués, chaque année, dans le projet de loi de finances, de subventions des collectivités territoriales ou de l’Assurance maladie dont ils dépendent.

La circulaire DHOS/O3/DSS/Cnamts/2002/610 du 19 décembre 2002 pose les critères qualité et les conditions d’organisation, de fonctionnement et d’évaluation des réseaux de santé. On y retrouve ainsi des principes généraux communs concernant la structuration générale et la coordination dudit réseau dans le plus strict respect des droits des patients, mais aussi des mentions relatives au système d’information, en lien avec la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil).

Sur la qualité et l’évaluation, les réseaux sont tenus à une démarche d’amélioration de la prise en charge et doivent proposer à leurs membres des dispositifs et une démarche qualité, tout en s’engageant à une évaluation.

DÉONTOLOGIE

L’existence d’une charte réseau au sein de laquelle les professionnels s’engagent régit le respect des règles déontologiques. Tous les professionnels qui y adhèrent s’engagent à suivre les recommandations de bonnes pratiques et à mettre en commun les protocoles et référentiels de leur discipline. Ils ont aussi pour mission de se former au travail en réseau, ainsi qu’à des actions de prévention et à l’éducation thérapeutique du patient et de son entourage. Un médecin signataire d’une charte de réseau et impliqué activement dans la prise en charge de patients peut satisfaire à son obligation d’EPP en participant à des actions d’amélioration de la qualité des pratiques proposées par le réseau.

Le respect du droit des malades est encadré ainsi que leur droit à l’information et en termes de protection des données.

COMMENT SONT ÉVALUÉES LES ACTIONS MENÉES ?

Au départ d’un projet, le promoteur du réseau définit les besoins sanitaires constatés, les pathologies rencontrées ou les problèmes de santé spécifiques d’une population autour de laquelle va être monté un réseau. Il dresse une liste d’objectifs à atteindre, une autre des résultats escomptés et l’ensemble des modalités d’évaluation de ces résultats.

Concernant ce dernier point, ce sont les résultats des processus de prise en charge médicale et médico-sociale, ainsi que l’organisation et les coûts qui sont observés, pour être confrontés aux objectifs de départ.

Chaque professionnel s’engage en outre à assurer individuellement le suivi de son activité, dans le cadre de l’auto-évaluation.

Dans certains cas, le réseau peut organiser en son sein une cellule spécifique d’évaluation (avec membres extérieurs ou des experts), les Agences régionales de l’hospitalisation (ARH) et les Unions régionales des caisses d’Assurance maladie (Urcam) peuvent également proposer des outils ou demander au promoteur l’intervention d’un promoteur extérieur.

Chaque année, au 31 mars, le promoteur du réseau transmet aux différents financeurs un rapport d’activités relatif à l’année N-1, qui relate les résultats obtenus au regard des objectifs de départ. En outre, tous les trois ans, un rapport d’évaluation des procédures de financement et des actions du réseau doit être élaboré.

QUEL PRÉALABLE À L’ÉVALUATION ?

Selon la Haute Autorité de santé*, certaines questions doivent être envisagées avant toute tentative d’évaluation afin de définir son orientation et vérifier sa faisabilité. En termes de besoins : il faut les identifier pour fixer des objectifs qui seront ensuite atteints ou non, ce qui fera partie de l’évaluation. Il est nécessaire de choisir également le moment de l’évaluation. Il est tout à fait possible d’évaluer un réseau avant même son lancement, mais aussi tout au long de son existence, les deux évaluations reposant sur des bases différentes, l’une se fondant sur les objectifs à atteindre, l’autre se posant sur des observations plus concrètes une fois le réseau mis en place.

QUI ÉVALUE QUI ET QUOI ?

Dans un réseau, les processus de prise en charge des personnes ciblées peuvent être évalués, mais également les processus organisationnels. Dans chaque type, on pourra regarder à la fois les objectifs de type médical, mais également économique, sanitaire et social.

Classiquement, on distingue deux types d’évaluation :

• une évaluation externe, qui se veut généralement sommative, c’est-à-dire que c’est elle qui va déterminer si une action (au sein d’un réseau) sera maintenue, transformée ou stoppée. Les commanditaires de ce type d’évaluation sont souvent les tutelles, les financeurs ou encore les acteurs et usagers. Elle intervient périodiquement ;

• une évaluation interne ou “formative”, qui a pour objectif de fournir de l’information pour améliorer l’action en cours. Elle peut se répéter dans le temps, voire se réaliser en continu afin de permettre aux acteurs du réseau de se contrôler eux-mêmes et d’ajuster leurs comportements.

Les évaluateurs présentent des profils variés selon que l’on se place sur une évaluation interne ou externe, avec appels d’experts. Mais tous ont en commun un comité de pilotage, instance mixte et pluridisciplinaire, qui permet de réunir acteurs externes et internes ainsi qu’experts en évaluation.

LES FORCES EN PRÉSENCE

En termes humain, matériel et financier, l’évaluation nécessite des moyens qu’il convient de recenser avant le lancement de la démarche. Dans le cas de promoteurs qui financent un réseau, il n’est pas rare que ceux-ci proposent également le budget pour l’évaluation. Cela se fait donc en milieu fermé, le réseau étant évalué en interne, sans aide extérieure et sans contrat spécifique d’évaluation.

Il existe aussi le cas de réseaux qui demandent (et obtiennent) un financement extérieur : dans ce cas, le cadre d’évaluation est généralement posé par le financeur et est externalisé. Il est néanmoins possible, autre cas de figure, de “négocier” le cadre d’évaluation.

Concernant les moyens matériels, il faut regarder si le réseau est doté d’un système d’information permettant l’évaluation. Cela peut être une revue de la littérature générale (études épidémiologiques, cliniques, économiques, rapports d’évaluation d’autres réseaux, etc.), mais aussi des documents dits “historiques” de la mise en place du réseau (éléments fondateurs, analyse initiale) ainsi que des entretiens avec les responsables du réseau, ses financeurs, ses acteurs, ses partenaires. Bien sûr, les documents utilisés en routine, tels que le dossier du patient ou plus largement le dossier rempli par les professionnels (infirmier, médecin, assistance sociale), sont également utiles, sous couvert d’une vérification auprès de la Cnil des conditions dans lesquelles ils peuvent être exploités.

QUELS OBJECTIFS À L’ÉVALUATION ?

Évaluer pour la beauté du geste, non. L’évaluation d’un réseau de santé vise à atteindre différents desseins.

En premier lieu, celui de vérifier si le réseau a atteint ses objectifs : il faut donc pour cela que ceux-ci soient clairement posés et qu’il existe des indicateurs permettant d’en vérifier l’existence. Il peut par exemple s’agir de vérifier que le nombre de patients pris en charge correspond à celui prévu ou de voir que l’ensemble de la population touchée par le réseau a pu bénéficier de l’aide de ce réseau.

Second volet, la qualité des services. On peut en effet toucher toute une population, mais l’atteindre de manière insuffisante : il faut donc s’assurer que la qualité des services est en adéquation avec l’objectif de départ.

Troisième volet de ces objectifs : celui de la satisfaction des acteurs, celle qui scelle l’efficacité d’un travail en réseau.

Enfin, se pose la question de l’apport spécifique de l’organisation en réseau : les résultats obtenus sont–ils dus au réseau en lui-même ou à la qualité de la pratique individuelle des intervenants ? En d’autres termes, quel est le bénéfice d’une organisation en réseau versus une organisation classique ? Le réseau apporte-t-il une qualité de la prise en charge accrue ? Quid des coûts engendrés par cette organisation ? Ce sont différents paramètres qui peuvent être évalués.

NOTE

* La Haute Autorité de santé met à disposition sur son site Internet (www.has-sante.fr) un guide des principes d’évaluation dont la dernière partie présente des éléments de méthodologie pour l’évaluation selon un triptyque médical, économique et de satisfaction.

Histoire des réseaux de santé

L’existence des réseaux de santé n’est pas nouvelle, puisque, dès la loi du 10 septembre 1947 (portant sur la coopération), la notion de “réseaux coopératifs de santé” fait son apparition. À l’époque, ce sont des “sociétés de prise en charge pluridisciplinaire” répondant à des critères précis, qui se rapprochent d’ailleurs de la définition actuelle.

Plus près de nous, c’est l’ordonnance n° 96-346 du 24 avril 1996, portant réforme de l’hospitalisation publique et privée, qui a encouragé la constitution des réseaux de santé pour assurer une meilleure organisation du système de santé et améliorer l’orientation du patient. Ils ont notamment pour objectif de favoriser l’accès aux soins, la coordination, la continuité ou l’interdisciplinarité des prises en charge sanitaires, notamment dans le cas de certaines populations, pathologies ou activités sanitaires. Leurs actions se placent tant du point de vue de l’éducation à la santé que de la prévention, du diagnostic ou encore des soins. Ils sont parfois amenés à participer à des actions de santé publique. Constitués entre professionnels de santé libéraux, établissements de santé, médecins du travail, centres de santé mais aussi institutions sociales et médico-sociales, ces réseaux sont marqués par leurs actions ciblées autour du bénéfice apporté au patient.

Enfin, c’est la loi du 4 mars 2002, dite loi des droits des malades, qui a posé la définition actuelle des réseaux de santé en insistant sur leur interdisciplinarité et leur maillage multiprofessionnel centré sur le patient. Ils sont l’ultime évolution du système de santé, qui se veut moins cloisonné et plus ouvert à la coopération et la complémentarité entre structures sanitaires, établissements de santé publics et privés, secteur libéral et structures médico-sociales et sociales.

Les financements

Pour pouvoir fonctionner, les réseaux disposent de sources de financement multiples indexés sur leur évaluation dès que l’ARH et l’Urcam ont fait le constat de leur adéquation avec les besoins réels de la population.

Il peut s’agir :

• de financements pluriannuels sur crédits de l’Assurance maladie (Ondam) ;

• de subventions de l’État et des collectivités territoriales ;

• de financements conjoncturels sur le Fonds d’aide à la qualité des soins de ville (FAQSV) géré par l’Assurance maladie et les représentants des libéraux ;

• d’autres financements, à condition que la participation financière ne soit pas utilisée à des fins de promotion ou publicité.