Objectif Soins n° 211 du 01/12/2012

 

Économie de la santé

Didier Jaffre  

L’un des principaux enjeux liés à la création des ARS consistait à accompagner le décloisonnement des secteurs sanitaires et médico-sociaux afin de favoriser la logique de parcours de vie et de santé des citoyens. Pourtant, deux ans et demi après leur création, les logiques sectorielles subsistent encore.

Les logiques sectorielles sont tenaces, ce qui est particulièrement vrai pour les outils réglementaires à la disposition des Agences régionales de santé (ARS), que ce soient les trois schémas régionaux (prévention, organisation des soins hospitaliers et ambulatoires, organisation médico-sociale), mais également les contrats négociés et conclus entre les agences et les partenaires de la santé. Pourtant, rien n’interdit de conclure des contrats intersectoriels et/ou régionaux. Par contractualisation régionale, il convient d’entendre la possibilité pour l’agence de contractualiser avec un partenaire unique, lui-même en responsabilité d’un certain nombre d’établissements et de services, quelles que soient les activités exer­cées et leur localisation sur le territoire bourguignon. Cela revient donc à sortir de la logique sectorielle existante aujourd’hui et de répondre ainsi à l’une des finalités de la mise en place des ARS : le décloisonnement de chacun des secteurs d’activité.

QU’EST-CE QUE LA CONTRACTUALISATION ?

Un outil de déclinaison du projet régional de santé

La contractualisation est un outil de déclinaison du Projet régional de santé (PRS) pour permettre la mise en œuvre opérationnelle des orientations régionales sur le territoire. En ce sens, elle est :

• un outil de restructuration de l’offre. Ainsi, elle permet de positionner chacun des acteurs dans l’offre régionale, de faire évoluer l’offre du gestionnaire en fonction des besoins identifiés sur le territoire, de développer des synergies avec les autres acteurs du territoire ;

• un outil d’aide à la réduction des disparités inter-établissements, interdépartementales.

Un outil de dialogue de gestion

La contractualisation constitue le support principal du dialogue entre les partenaires et l’ARS. Elle permet d’engager des discussions sur les missions et projets envisagés par la structure en lien avec les priorités stratégiques de l’ARS.

Un outil de pilotage interne pour les partenaires

Ici, la contractualisation donne une visibilité pluri-annuelle sur les axes prioritaires et les objectifs cibles de l’établissement. Son contenu assure une lisibilité pour le management des ressources humaines et financières. L’objectif est la pérennité, la mutualisation, la maîtrise des moyens, dans un souci de qualité, d’efficience et d’optimisation des ressources.

LA FINALITÉ DE LA CONTRACTUALISATION RÉGIONALE

La finalité de la contractualisation régionale passe par quatre étapes fondamentales :

• décliner une politique régionale cohérente avec les acteurs identifiés comme “régionaux”,

• décloisonner l’approche par secteur d’activité pour proposer une stratégie régionale pour chacun des partenaires,

• réduire considérablement le nombre d’interlocuteurs de l’agence et optimiser les relations,

• avoir une vision consolidée des moyens financiers alloués aux partenaires et engager une politique de redéploiement et/ou de fongibilité des enveloppes pour porter des actions innovantes.

LA CONTRACTUALISATION AUJOURD’HUI

Le législateur n’a pas souhaité donner la même impulsion en matière de contractualisation sur le champ sanitaire que sur le champ médico-social.

• Sur le champ sanitaire, et plus spécifiquement sur le secteur hospitalier, la contractualisation est une obligation réglementaire imposée à tous les titulaires d’une autorisation. Il en est devenu de même très récemment sur le secteur ambulatoire. Des guides nationaux méthodologiques ont été rédigés et publiés en 2012 pour venir appuyer les démarches contractuelles régionales, l’un sur l’hospitalier, l’autre sur l’ambulatoire.

• Sur le champ de la prévention, la contractualisation est historiquement présente par l’existence de conventions annuelles de financement. Les ARS s’orientent petit à petit également vers des CPOM (Contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens).

• Sur le champ médico-social, la “contractualisation” n’est en revanche pas obligatoire et résulte encore d’initiatives locales. Sur le secteur des personnes âgées, elle se traduit cependant par l’obligation de signer une convention tripartite depuis le 1er janvier 2001. Aucune obligation ne régit cependant le secteur du handicap.

LA FAISABILITÉ DE LA CONTRACTUALISATION RÉGIONALE

La contractualisation régionale est complexe, puisqu’elle implique pour l’ARS un décloisonnement des secteurs, une vision régionale et transversale de la politique à porter afin de la rendre opérationnelle. La démarche est probablement plus complexe du côté des institutionnels que du côté des partenaires. Elle implique de revoir nos modalités de gouvernance au sein de l’ARS, de réaffirmer les rôles et missions de chacun, mais également d’affiner le travail de déclinaison de la stratégie de l’agence, notamment sur le secteur médico-social, afin qu’une même politique soit déclinée de façon identique sur chacun des territoires de santé. Elle implique en ce sens de mettre en œuvre très concrètement le “décloisonnement” annoncé comme prioritaire à la mise en place des ARS.

Du côté des conseils généraux, elle va impliquer une démarche concertée avec chacun des départements concernés pour aboutir à un contrat régionalisé. Un état des lieux des acteurs à associer et des CPOM en cours sera indispensable, d’autant que de nombreux partenaires du secteur médico-social sont d’ores et déjà engagés dans un CPOM, et l’ensemble des partenaires du secteur sanitaire disposera sous peu d’un CPOM les engageant sur les cinq années à venir. La contractualisation sur le champ médico-social est par ailleurs non obligatoire. Il convient donc de cibler les partenaires, recenser le nombre et la nature des établissements et services avec lesquels un contrat régional pourra être envisagé. Un calendrier de priorité devra être proposé. Elle implique également qu’une procédure méthodologique régionale soit proposée, tant en interne qu’en externe, la gouvernance associée revue, intégrant l’ensemble de ces contraintes.

Enfin, et très logiquement, les priorités stratégiques issues du PRS doivent être clairement proposées et affichées.

CONCLUSION

Si l’on dresse un bilan de la contractualisation conduite jusqu’à aujourd’hui, nous pouvons constater plusieurs choses :

• tous les partenaires financés par les ARS sur le secteur sanitaire (prévention, ambulatoire ou hospitalier) sont concernés par une démarche de contractualisation, quelle qu’elle soit, ou vont entrer prochainement dans une démarche de ce type ;

• les établissements et services du secteur médico-social, compte tenu de leur nombre et de l’absence de régulation nationale sur le sujet, sont encore peu à disposer d’un CPOM : une approche régionalisée apparaît pertinente et intéressante à organiser.

Plusieurs types de partenaires – dont il conviendra de faire le recensement par région – sont potentiellement concernés :

• CPOM intersectoriel : établissements de santé qui ont un ou plusieurs services médico-sociaux ;

• CPOM régional : les associations à but non lucratif présentes sur plusieurs départements, les groupes privés d’Ehpad ;

• CPOM régional et intersectoriel : partenaires présents sur plusieurs départements et sur plusieurs secteurs.

Cette démarche de contrat régional implique de :

• identifier les partenaires concernés ou en attente ;

• la nécessité d’avoir des outils robustes, notamment en termes financiers, pour avoir une vision globale ;

• un changement complet de culture sur le secteur médico-social.

Surtout, c’est également un moyen d’affirmer le rôle de l’ARS et de mettre en œuvre le décloisonnement et le PRS. Du coup, à quand les CPOM interrégionaux intersectoriels ?

[Tous mes remerciements à Madame Ivanka Victoire, adjointe au responsable du département appui à la performance au sein de la direction de l’offre de soins et de l’autonomie de l’ARS de Bourgogne, qui a très largement contribué à l’écriture de cet article.

LES CONTRATS

DANS LE SECTEUR MEDICO-SOCIAL

Force est de constater la multiplicité et la diversité des acteurs composant le secteur médico-social. Cette hétérogénéité s’explique également par la nature des financements perçus par les partenaires, puisque les conseils généraux co-financent un certain nombre d’établissements. Dans ce cas précis, un troisième acteur est à intégrer dans la démarche contractuelle régionalisée. Le CPOM permet de fixer une dotation globalisée sur cinq ans, commune à plusieurs Établissement et service médico-social (ESMS) gérés par un même gestionnaire, le contrôle budgétaire n’intervenant plus a priori mais a posteriori via l’étude annuelle des comptes administratifs. La plupart des CPOM signés à ce jour l’ont été avant la création des ARS, sur la base de schémas départementaux, et rédigés en étroite collaboration avec les conseils généraux. Ils présentent ainsi une certaine hétérogénéité quant au contenu même contractuel, ainsi que sur les dates de début et d’échéance de contrat très divers. Il convient de préciser qu’un travail d’harmonisation des pratiques départementales a été amorcé depuis la mise en place des ARS. Mais il reste à généraliser l’utilisation de tableaux de bord de suivi de l’ensemble de la démarche contractuelle. Les raisons de cette hétérogénéité peuvent être résumées ainsi : l’absence de directive nationale ; la gouvernance : une contractualisation historiquement pilotée au niveau départemental ; la multitude d’acteurs couvrant des prises en charge très diverses ; l’existence des conventions tripartites sur le secteur des personnes âgées.

DANS LE SECTEUR HOSPITALIER

La démarche, cadrée par le niveau national, est beaucoup plus claire. Un guide méthodologique a été élaboré et publié en 2012 par le biais d’une circulaire. Ainsi, sur le secteur hospitalier, les ARS disposent de six mois à compter de la date de publication de leur PRS pour contractualiser avec tous les titulaires d’autorisation d’activité de soins, et ce, pour une durée maximale de cinq ans. Sont concernés les établissements de santé publics et privés, les laboratoires autorisés à pratiquer l’aide médicale à la procréation et le dépistage prénatal, les centres de radiothérapie et les titulaires d’équipements lourds.

DANS LE SECTEUR AMBULATOIRE

Les structures d’exercice regroupé devront disposer d’un CPOM d’ici la fin de l’année 2012 : les maisons de santé pluriprofessionnelles, les maisons médicales de garde, les réseaux de santé et autres dispositifs ambulatoires. Un guide méthodologique national vient d’être publié et a servi à cadrer tant l’organisation que le contenu même du document.

DANS LE SECTEUR DE LA PRÉVENTION

Sont concernées ici toutes les dimensions du champ de la prévention. La notion de CPOM vient petit à petit remplacer celle des conventions annuelles de financement existantes jusqu’alors. Aucun guide national n’a pour le moment été publié sur ces domaines d’activité. La trame type proposée sur le champ médico-social est utilisée pour travailler avec les partenaires.