Des IDE « bulle » en chirurgie ambulatoire - Objectif Soins & Management n° 212 du 01/01/2013 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 212 du 01/01/2013

 

Maryse Le Mouillour

Sur le terrain

Joëlle Maraschin  

Accompagner l’augmentation de l’activité tout en préservant la qualité des soins : c’est le pari de la cadre de santé du service ambulatoire de la clinique chirurgicale de l’Orient (Lorient). À tour de rôle, les infirmières du service occupent le poste dit « bulle » et sont en charge des consultations infirmières et de la préparation des dossiers des futurs opérés. Une réorganisation conduite en concertation avec l’équipe.

Objectif Soins & Management : Depuis quand avez-vous mis en place des consultations infirmières au sein du service ambulatoire ?

Maryse Le Mouillour : Infirmière dans le service pendant de nombreuses années avant de devenir cadre, j’ai acquis une culture précise des besoins et de la prise en charge des patients en ambulatoire. Nous avons mis en place la consultation infirmière préopératoire dès l’ouverture du service de la clinique, en 1992. Nous étions alors deux IDE dans le service, une le matin, l’autre l’après-midi. Il n’y avait pas encore de cadre pour l’ambulatoire compte tenu du petit nombre de lits. C’est donc l’infirmière générale qui a confié aux deux IDE la mise en place de ce projet. Pour le mener à bien, nous nous sommes informées et avons consulté divers documents relatifs à la prise en charge ambulatoire. Cette pratique de consultation infirmière en chirurgie ambulatoire était alors peu courante, voire inexistante. Vingt ans après, les consultations sont toujours en place et le bilan est très positif sur le plan de la qualité de la prise en charge de nos patients.

O.S.&M. : En quoi consiste cette consultation infirmière ?

M. L.M. : La consultation infirmière se fait le même jour que la consultation anesthésique. Les patients bénéficient en premier lieu de la consultation d’anesthésie, puis ils sont dirigés vers l’infirmière. L’objectif est de leur fournir toutes les recommandations nécessaires à la préparation de leur journée opératoire. Il s’agit notamment de recommandations générales concernant l’hygiène et le jeûne préopératoires. Ils ne doivent ni fumer ni boire d’alcool, se présenter sans vernis à ongles, sans maquillage, savoir utiliser la tondeuse, prévoir un accompagnement pour leur sortie… Nous détaillons les règles d’hygiène à respecter pour limiter le risque infectieux et leur remettons un schéma de la zone à préparer ainsi que d’autres documents d’information. De plus, nous les invitons à poser les questions en cas d’éventuelles incompréhensions. Enfin, nous leur expliquons le déroulement de leur journée d’hospitalisation. Une consultation infirmière dure environ de 10 à 15 minutes. C’est l’infirmière qui dirige l’entretien, ce qui ne l’empêche pas d’être à l’écoute de son interlocuteur.

O.S.&M. : Quel est son apport pour la prise en charge ?

M. L.M. : Je pense que la consultation infirmière préopératoire est indispensable en ambulatoire. Plus le séjour est court et plus la qualité de la prise en charge doit être pointue. Nous avons pris conscience qu’anticiper l’intervention ou l’examen permettait une prise en charge optimale. C’est d’ailleurs un gain de temps à l’arrivée du patient. Car si ce travail d’explications n’est pas réalisé, un patient peut se présenter avec une préparation incomplète, mal faite, voire inadaptée. Au-delà de la charge de travail supplémentaire pour l’équipe, cela peut retarder ou même déplacer l’intervention. Sans ce travail préparatoire, l’effectif soignant devrait sans doute être supérieur à ce qu’il est actuellement. La consultation infirmière permet aussi de dédramatiser l’hospitalisation à venir pour nos patients. Il ne suffit pas de remettre des documents, encore faut-il les leur expliquer et laisser un espace-temps pour les éventuelles questions. Lorsque nous recevons des enfants en consultation infirmière, ce premier contact avec le service est aussi très important pour rassurer l’enfant. Qui plus est, l’obtention des informations légales concernant l’autorisation d’opérer par les deux parents peut quelquefois être très compliquée. Un complément d’explications de la part de l’infirmière est alors nécessaire. Enfin, la consultation infirmière sert aussi à vérifier l’éligibilité d’un patient à l’ambulatoire. Dans certains cas, une sortie au jour opératoire semble délicate en raison de l’isolement de la personne ou d’autres problématiques. Pour le patient, le dialogue avec l’infirmière est parfois plus aisé qu’avec le médecin. Ce contact infirmier en pré-hospitalier peut ainsi révéler des difficultés qui auraient échappé au corps médical. Et, pour la pratique soignante, j’ajouterai que cette fonction éducative auprès des patients est très valorisante.

O.S.&M. : Vous avez réorganisé votre service en choisissant de confier ces consultations à des IDE référentes, les IDE « bulle ». Pour quelles raisons ?

M. L.M. : Les consultations infirmières étaient jusqu’alors assurées par les infirmières « en soins » qui recevaient les futurs opérés tout au long de leur journée de travail. Au fur et à mesure de l’augmentation de l’activité, il a été indispensable de réfléchir à une nouvelle organisation. En effet, les infirmières se trouvaient parasitées par toutes les tâches indirectes que sont la préparation des dossiers, l’appel du lendemain ainsi que notre consultation infirmière. Nous avons donc créé un poste dédié à ces trois tâches, le poste « bulle ». Cette fonction IDE « bulle » permet aux infirmières en soins d’être au plus près des patients mais aussi de prendre plus de patients en charge. Le bureau infirmier dans lequel travaillent les IDE « bulle » est vitré, d’où le terme « bulle ». Les six infirmières du service tournent sur ce poste. Au regard de l’horaire de journée et du travail du bureau, la fonction bulle est une agréable bien qu’intense variante du métier d’infirmière en chirurgie ambulatoire.

O.S.&M. : Cette réorganisation a-t-elle permis d’accompagner l’augmentation de l’activité ?

M. L.M. : L’activité ambulatoire de la clinique s’est effectivement beaucoup développée ces cinq dernières années. Nous sommes passés de 10 lits à l’ouverture du service à 28 lits aujourd’hui. Malgré une activité chirurgicale nécessitant une surveillance postopératoire plus longue, le turn-over des patients est important. Nous pouvons ainsi accueillir jusqu’à 45 patients/jour. Les salons de présortie que nous venons de mettre en place permettent de réutiliser quelques lits deux ou trois fois dans la même journée pour certains types de prise en charge. Grâce au dispositif IDE bulle, tout est préparé et anticipé. Les aléas susceptibles de perturber les entrées sont évités, ce qui permet une augmentation du nombre de patients accueillis.

O.S.&M. : Quels sont les prérequis pour occuper le poste d’IDE bulle ?

M. L.M. : Il faut avant tout une bonne expérience des soins en chirurgie, et de l’ambulatoire en particulier, une connaissance de la personne soignée, de la réactivité, de la rigueur et un sens de l’organisation. Tout va très vite en ambulatoire, il faut verrouiller la sécurité pour assurer la qualité des soins. Les pathologies sont très diverses, les protocoles différents. Pour toutes ces raisons, aucune des titulaires du service n’est infirmière junior. Toutes ont acquis une expérience de la prise en charge de l’opéré dans les autres unités de soins en chirurgie. La culture de l’ambulatoire, différente de celle de l’hospitalisation complète, me semble également indispensable pour assurer ce travail spécifique de l’infirmière bulle.

DU CÔTÉ DE L’ÉQUIPE INFIRMIÈRE

Maryse Tanguy est infirmière dans le service de chirurgie ambulatoire de la clinique depuis cinq ans. Elle nous livre son ressenti sur le poste d’IDE bulle.

Pour que la création de ce poste soit bien vécue par l’équipe, il faut effectivement que chacune d’entre nous puisse l’occuper à tour de rôle. Cette rotation permet à chaque infirmière d’être opérationnelle sur le poste, une nécessité en cas d’absence et pour les congés. Le fait de tourner sur ce poste a aussi un autre avantage : l’IDE bulle connaît les besoins de l’IDE en soins et sait les anticiper. S’agissant de la consultation infirmière, nous sommes toutes conscientes qu’elle fait partie intégrante de la prise en charge en ambulatoire. Pour nous, soignantes, c’est aussi un autre rapport avec le patient puisque nous sommes alors vraiment dans un rôle d’éducation et d’information. À côté des consultations, l’IDE bulle consacre une grande partie de sa journée à la préparation des dossiers. C’est de fait un poste qui nécessite beaucoup de concentration et d’organisation.