La plus-value du Master - Objectif Soins & Management n° 212 du 01/01/2013 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 212 du 01/01/2013

 

Recherche Formation

Sylvaine Vanier*   Marie-Pierre Beaudet**  

Un Master sciences de l’éducation, spécialité éducation et formation, parcours formateurs de professionnels de santé (M2), est accessible aux cadres désirant maîtriser l’évolution des métiers dans le secteur de la santé. Les auteurs ont intégré ce Master en 2010.

Le choix de cette formation s’inscrivait dans un besoin que nous ressentions d’améliorer notre expertise, d’assurer un meilleur accompagnement pédagogique des étudiants en soins infirmiers avec le nouveau référentiel de formation et donc de légitimer notre fonction. Cette formation dispensée par l’université Paris V (Descartes) nous a permis de voir différemment notre travail quotidien et de prendre du recul. Nous avons également posé un autre regard sur les étudiants en soins infirmiers et sur notre fonction de cadre de santé formateur.

Ainsi, nous avons pu accompagner les étudiants en formation, en développant une posture réflexive et en prenant la parole avec une plus grande facilité.

LES OBJECTIFS ET LE CONTENU DE CETTE FORMATION

Le parcours « formateurs de professionnels de santé » accueille chaque année une vingtaine d’étudiants.

Les apprentissages

À l’issue de la formation, les étudiants maîtrisent les enjeux clés de la mutation du système de santé et peuvent concevoir des environnements d’apprentissage pour accompagner les évolutions en cours concernant la formation de professionnels de santé : adaptation et modularité des contenus de formation, articulation des contenus théoriques et des expériences pratiques. Ils sont capables d’organiser des parcours innovants de formation : gestion des stages, accompagnement des étudiants, recours au e-learning, lien et partenariat avec les secteurs éducatif, social et médical. Ils peuvent mettre en place des dispositifs de veille et développer des études prospectives pour mesurer les conséquences des évolutions de la santé publique sur la formation des professionnels de santé : nouveaux acteurs, aménagement de passerelles et de nouveaux parcours de formation.

Vers la thèse ?

À l’issue du M2, les étudiants peuvent poursuivre en thèse ou mettre en pratique l’expertise acquise sur les terrains de la formation (conception, analyse, conseil et évaluation des pratiques d’éducation et de formation). Ce parcours de Master s’adresse à des professionnels en cours d’activité. Les emplois du temps ont donc été aménagés en conséquence. Chaque semestre comporte douze journées de cours regroupés par séries de deux journées. Les étudiants doivent également assister à un séminaire de recherche hebdomadaire de deux heures. Les contenus sont variés : méthodes de recherche (démarche générale, entretiens, observations); travail du soignant en contexte hospitalier ; « evidence-based practices » (logiques, usages, limites, dans le champ de la santé mentale); nouveaux enjeux des systèmes de santé ; évolution des modèles de formation dans les métiers du soin ; évolution des métiers dans le champ de la santé mentale. Sans compter les spécificités des métiers : nature, contraintes, évolution, prospective, organisation, et des formations (professionnelles, alternées, initiales, continues). Ce Master repose pour beaucoup sur la recherche par le rattachement de l’équipe pédagogique à trois laboratoires de recherche de haut niveau : Éducation et apprentissage (EDA) ; le Centre de recherche sur les liens sociaux (CERLIS) et le Centre de recherche, médecine, sciences, santé, santé mentale, société (CERMES 3). Ce parcours de Master vise à accompagner les professionnels qui souhaitent modifier leur situation et leurs conditions de travail en accédant à des responsabilités nouvelles. Il valorise leur pratique habituelle, forme à la recherche pour envisager un parcours de thèse et les inscrit dans une démarche réflexive.

LES BÉNÉFICES DU MASTER

La mise à distance de nos pratiques professionnelles et l’acquisition de connaissances ont favorisé une prise de conscience de ce qui se joue dans la formation entre formateur et étudiant. Nous avons pu nous questionner sur notre propre rapport au savoir. La réflexion sur nos pratiques pédagogiques nous conduit à faire évoluer notre posture de formateur. Les séminaires abordant les différents aspects de la santé (organisation hospitalière, santé mentale, Evidence Based Medecine) ont permis d’enrichir nos pratiques pédagogiques.

Les enjeux

La conférence avec un enseignant-chercheur de l’université de Namur (Belgique) nous a fait comprendre l’importance de la préparation et de l’encadrement en stage des étudiants infirmiers. Être accompagné est valorisant. Les étudiants se retrouvent parfois seuls pour effectuer des toilettes, ils sont confrontés à la douleur, à la vieillesse, à la fin de vie, à l’incertitude, aux odeurs, aux soins des personnes du même âge. Nous nous sommes interrogées sur ce que cela signifie pour nous que de « plonger » les étudiants dans cet univers de l’hôpital. Nous avons mené une réflexion sur leur accompagnement en stage. Nous avons aussi compris l’enjeu de leur réorientation. Il serait intéressant de réfléchir à un dispositif pour les étudiants en difficulté afin de leur permettre de travailler sur de nouveaux projets de formation. Avoir réalisé un mémoire facilite l’accompagnement des étudiants que nous formons. Nous pouvons ainsi les placer dans de meilleures conditions de réflexion en les initiant à la recherche et mieux les comprendre dans leurs difficultés.

À la frontière entre le soin et le psychique

L’unité d’enseignement « recherches cliniques en éducation et formation : perspectives cliniques et psychanalytiques » a permis, à partir de repères historiques et conceptuels sur les liens entre l’éducation et les approches cliniques d’orientation psychanalytique dans leurs différents courants, d’interroger les pratiques formatives, éducatives et pédagogiques qui impliquent des individus, des groupes et des institutions dans des situations ordinaires ou extrêmes. À partir des théories sur l’inconscient psychique, nous avons abordé les processus subjectifs et intersubjectifs liés à la transmission et à l’appropriation des savoirs chez des sujets enfants, adolescents, adultes, des familles ou des équipes de professionnels. De nombreux textes étudiés en sociologie, anthropologie, clinique vont pouvoir être partagés et exploités par les étudiants.

Il est important de travailler sur des séquences filmées avec eux, pour qu’ils comprennent ce qui se déroule dans une activité donnée.

Nous avons gardé un lien avec les enseignants universitaires, sommes invitées aux journées d’études inscrites dans l’axe thématique prioritaire « apprendre, savoir, transmettre ». Dans une optique interdisciplinaire, cela nous invite à mettre en évidence les liens établis entre le champ éducatif et les recherches cliniques.

LES DIFFICULTÉS RENCONTRÉES

Ce va-et-vient entre le statut de formateur et celui d’étudiant est à la fois inconfortable et enrichissant. Le mémoire à réaliser représente un travail colossal mais, lorsqu’il est achevé, nous en tirons une grande satisfaction personnelle et professionnelle. La reprise d’études est toujours un bouleversement. Le rythme de vie est forcément affecté car il faut consacrer du temps chez soi à la préparation des différents projets. Suivre une formation signifie aussi vivre une période de réflexion et de maturation professionnelle qui peut parfois déborder sur la sphère privée.

CONCLUSION

Nous avons partagé nos connaissances et expériences avec les autres étudiants de la promotion, dont certains sont issus de milieux professionnels différents. Nous avons bénéficié, tout au long de l’année, d’un réel soutien et accompagnement de la part des enseignants universitaires. Nous pensons que cette formation constitue une approche incontournable du métier de formateur. Les sciences de l’éducation sont appréciables en formation continue car cela permet de s’enrichir et de prendre de la distance. Il serait intéressant d’envisager de poursuivre ce cursus par une thèse, afin de parachever ce parcours universitaire.

En attendant, l’obtention du Master valorise notre pratique professionnelle et la consolide. Cela accrédite notre participation en tant que professionnels engagés dans les réformes en cours du domaine de la santé.

Nos démarches

Nous sommes titulaires d’un baccalauréat, d’un diplôme d’infirmière et de cadre de santé. Nous avons présenté un dossier VAE (validation des acquis de l’expérience) pour entrer à l’université. Nous nous formons sur notre temps personnel car nous sommes persuadées que se former tout au long de notre vie est indispensable pour améliorer nos pratiques. Pour intégrer ce M2, l’une est titulaire d’une maîtrise et l’autre d’un M1.

LE PLUS POUR LES AUTEURS

Nous avons le sentiment que la formation continue universitaire concerne tous les adultes qui ont quitté la formation initiale et souhaitent reprendre leurs études. Elle s’adresse aux individus très motivés par la reprise d’études prêts à sacrifier de leur temps personnel pour le plaisir d’apprendre et de réinvestir sur leur lieu d’exercice. Cette formation continue universitaire représente une grande variété de disciplines et permet d’étendre ses connaissances en sociologie, anthropologie, clinique. Des intervenants extérieurs viennent enrichir nos savoirs et nous font profiter de leur expérience vécue. La valeur ajoutée de ce master se trouve dans le fait qu’il est bien adapté à des professionnels en activité. Il a lieu sous forme de séminaire, deux jours par mois, le mardi et le mercredi, de septembre à juin.

À Paris Descartes, nous bénéficions d’un accueil et accompagnement tout au long de la scolarité. Nous profitons des nouvelles technologies de l’information, car notre messagerie étudiante est accessible partout. Les bibliothèques et les outils multimédia comme les revues en ligne sont un plus.

COMMENT UTILISER CES ACQUIS ?

→ DANS LE CADRE DE L’UE 3.2 S 3 : PROJETS DE SOINS INFIRMIERS, COMPÉTENCE 2

Les objectifs sont de négocier un projet de soins et d’en établir les conditions de mises en œuvre et de suivi dans le cadre de la pluriprofessionnalité. Un des éléments de contenu est la négociation dans le cadre du projet de soins et le contrat de soins, alliance thérapeutique et temporalité. Pour aborder ce thème de négociation, nous avons pris le texte étudié en Master « L’Hôpital et son ordre négocié », extrait de l’article d’Anselm Strauss La Trame de la négociation, sociologie qualitative et interactionnisme. Strauss y décrit le fonctionnement de l’hôpital selon le concept d’« ordre négocié ». Les règles sont en permanence rediscutées. Même celles sur lesquelles on s’était mis d’accord peuvent changer. L’état des négociations est constamment en mouvement, les acteurs prennent part à la négociation selon les enjeux de carrière.

→ DANS L’UE 3.3 S 3 : RÔLES INFIRMIERS ORGANISATION DU TRAVAIL ET INTERPROFESSIONNALITÉ, COMPÉTENCE 9

Un des objectifs est de situer la profession d’infirmier dans son histoire et dans son rôle aujourd’hui. Un des éléments de contenu est l’histoire, organisation et représentation de la profession d’infirmière. Pour illustrer ce contenu, nous avons sélectionné un autre texte étudié en Master : « Héritages », issu de L’Hôpital dans la France du XXe siècle, de Christian Chevandier. Nous y trouvons les histoires de vie de Marie, infirmière en 1887, la journée d’Yvonne, infirmière en 1940, et la journée de Fabien, agent de service en 1976, dans un hôpital de la banlieue lyonnaise. Les horaires, la tenue, le travail, le parcours des études : tout cela évolue au fil des périodes.

→ DANS L’UE 3.4 S 4 : INITIATION À LA DÉMARCHE DE RECHERCHE, COMPÉTENCE 8

Les apports que nous avons tirés sur l’Evidence Base Nursing ont eu pour effet d’accompagner avec plus d’aisance les étudiants infirmiers.

→ PÉDAGOGIE

Le travail du soignant en contexte hospitalier nous a familiarisées avec une nouvelle méthode : le « Focus Group ». Ainsi, nous pouvons diversifier les méthodes pédagogiques. Les apports de l’université de Namur nous ont permis d’affiner notre suivi pédagogique.