Un Ifsi impliqué en santé publique - Objectif Soins & Management n° 213 du 01/02/2013 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 213 du 01/02/2013

 

Promotion de la santé

Marie-Christine Paliès  

L’équipe pédagogique de l’Ifsi de Mayenne s’est mobilisée autour des compétences issues du nouveau référentiel afin de favoriser l’implication des étudiants. L’équipe intègre ainsi les éléments du programme régional de santé 2012, qui a confirmé, dans sa phase diagnostique, des particularités identifiées sur le territoire Mayennais.

Fort d’une tradition d’ouverture, d’une culture aiguë du soin relationnel, l’Ifsi de Mayenne est d’ores et déjà impliqué dans le territoire de santé de la Haute Mayenne. D’une dimension “moyenne” (60 étudiants par promotion), il s’adosse à un centre hospitalier et rayonne sur un territoire de santé dont les principales caractéristiques sont le vieillissement très important de la population en secteur rural (26 Ehpad, 5 Ssiad, 1 HAD), et des problématiques de santé publique majeures (santé mentale, alcoolisme, chutes des personnes âgées de plus de 65 ans, maladies chroniques et cancers).

Le Programme régional de santé 2012 (PRS) a confirmé, dans sa phase diagnostique, ces particularités identifiées sur le territoire Mayennais, notamment la consommation excessive d’alcool, le nombre élevé de chutes des personnes âgées, le vieillissement de la population et le nombre important des suicides et accidents de la route par rapport à la moyenne nationale.

LE DIAGNOSTIC DU PRS 2012

Le PRS 2012 a identifié, dans sa phase diagnostique, un certain nombre de particularités relatives au territoire mayennais.

Une consommation excessive d’alcool

Selon le PRS 2012, le constat est sans appel : « Un tiers des personnes âgées de plus de 18 ans présente une consommation à risque d’alcool (trois fois plus élevée chez l’homme que chez la femme), même si la consommation par habitant a diminué de plus de 10 % en cinq ans et que l’on note un recul très important de la mortalité directement liée à cette consommation (40 à 50 % en vingt ans). La situation régionale est nettement défavorable, liée à la surmortalité par accidents de la circulation et par suicide, la surmorbidité des hommes pour de nombreuses affections, et des habitudes régionales d’alcoolisation excessive qui perdurent dans les jeunes générations, avec une expérimentation précoce d’alcool très préoccupante. Bien que le risque alcool/addictions ait été activement suivi dans la région, la Conférence régionale de santé a souligné que des marges de progrès existent en matière de promotion de la santé, prévention, d’accès aux soins, de maintien dans l’emploi et de réinsertion. Ce thème reste donc l’une des priorités pour la politique de santé de la région. »(1)

Chute des personnes âgées

Le PRS 2012, toujours dans la phase diagnostique, a relevé un nombre supérieur à la moyenne nationale de chutes des personnes âgées de plus de 65 ans, qu’il analyse ainsi : dans les « accidents de la vie courante, deux populations sont particulièrement touchées. Il s’agit des jeunes, notamment les garçons, et des personnes âgées, notamment les femmes, la moitié par chute ou suffocation chez des plus de 75 ans. La mortalité est importante mais en diminution (baisse d’environ 50 % de la mortalité par chute en vingt ans) et représente 1 070 décès par an (2005-2007) »(2).

Quelle population en 2030 ?

En 2030, donc demain, en Mayenne, une personne sur trois devrait avoir plus de 60 ans. Et, forcément, cela a une incidence réelle sur la prise en charge de pathologies associées à l’âge.

Suicides et accidents de la route

Les suicides et accidents de la route sont une source d’inquiétude, notamment pour les jeunes. « Le nombre d’accidents et de victimes d’accidents de la circulation a connu une baisse marquée dans la région comme en France, depuis 2000 : 500 décès à trente jours en 2000 et 240 en 2008. Cependant, la situation régionale reste défavorable, notamment pour les 15-24 ans (surmortalité d’environ 20 %). »(3)

Difficulté d’accès aux soins

La difficulté d’accès aux soins repérée et soulignée par le PRS (paupérisation de la population médicale, notamment en milieu rural), encourage à travers différents objectifs à :

• améliorer l’information de la personne et de l’aidant ;

• intégrer une dimension préventive et de promotion de la santé dans les actions menées.

L’INTÉGRATION DES SAVOIRS

Le nouveau référentiel (arrêté du 21 avril 2007 modifié) conduisant à la profession d’infirmier affiche clairement à travers les contenus d’enseignement, les compétences à acquérir, une volonté de former des professionnels centrés sur la prise en charge globale de la personne.

Le référentiel comme enjeu majeur

Il donne des moyens aux étudiants pour comprendre les enjeux de la santé à travers différents prismes : psychologie, sociologie, anthropologie, psychosomatique, éthique, relationnel, mais aussi prévention, éducation, accompagnement, réseau et coordination…

Ainsi, le nouveau référentiel sera, à terme, le programme permettant d’instituer un profil d’infirmier pour qui “l’autour du soin”, la promotion de la santé, sera aussi important que le soin lui-même.

Le rôle des formateurs

Qu’en serait-il de tous ces savoirs et savoirs-faire, travaillés dans chaque unité d’enseignement, déclinés dans dix compétences, éprouvés par la clinique et les stages, s’ils cohabitaient seulement et ne produisaient pas un “savoir être” infirmier garant d’une certaine unicité ?

L’enjeu du nouveau référentiel se situe à ce point de jonction, de lien, de définition du projet. C’est à l’équipe de formateurs que revient le souci de tisser une trame pédagogique suffisamment solide pour permettre aux étudiants de s’approprier une identité.

COMPÉTENCE 5 : UNE AMBITION INSTITUTIONNELLE

En ce qui concerne la compétence 5, l’enjeu est à la mesure des ambitions institutionnelles : initier et mettre en œuvre des soins éducatifs et préventifs !

Certains pays européens, dans la foulée des Anglo-saxons, ont élargi les horizons de la prévention et de l’éducation à la santé, question de coût, humain comme financier.

La prochaine décennie pourrait permettre de modifier sensiblement le paysage de la santé en France, jusque-là quelque peu figé sur des schémas hospitalo-centriques et curatifs.

Les Programmes de santé, nationaux, régionaux, territoriaux, encouragent les professionnels de la santé et du médico-social à s’investir sur ce volet préventif et éducatif, et soulignent le besoin de formation.

Les instituts avaient jusque-là donné des enseignements de santé publique et de soins éducatifs au sein de modules dédiés, lors d’un temps circonscrit du cursus.

La nouveauté ne réside pas tant dans l’augmentation du temps imparti à l’éducation à la santé (deux unités de santé publique et trois unités de soins éducatifs) que dans l’aspect progressif et continu de ces enseignements dans le nouveau référentiel. À l’instar d’un processus éducatif, les enseignements sont déployés sur trois semestres, permettant une appropriation des savoirs par paliers, des allers-retours sur la clinique, des questionnements et une production de groupe concrète.

La réalisation de l’action est importante, car elle finalise le travail théorique et les productions écrites réalisées en amont?; elle est aussi un élément précurseur de l’appropriation de la notion de travail en équipe, comme une appropriation professionnelle.

UNE ACTION DE SANTÉ PUBLIQUE INTÉGRANT UNE DIMENSION ÉDUCATIVE

L’équipe pédagogique a élaboré une méthodologie des enseignements de la compétence 5 qui permet :

• d’assurer l’ensemble des enseignements théoriques, en respectant la chronologie initiée dans le nouveau programme. Les programmes du nouveau référentiel permettent d’aborder l’ensemble des connaissances dans un temps logique ;

• de mettre en œuvre dès le début de la formation une dynamique de groupe par la constitution de groupes restreints (6/8 étudiants). L’unité (1.1) de psycho-sociologie aborde la thématique de la dynamique de groupe. La mise au travail concrète de groupe restreint, constitué de manière aléatoire, procède de cette dynamique. Les groupes constitués vont apprendre à se connaître, échangent sur leur représentation du soin, de la santé et de la prévention lors d’un premier temps de TD sur le semestre 2 et poursuivent ces échanges jusqu’au semestre 4 : l’élaboration du projet est un constitutif d’équipe ;

• de sensibiliser ces groupes à des thématiques de santé, à travers un premier travail de recherche donnant lieu à un écrit. La notion de prévention s’aborde par étapes réflexives, autour de thématiques sensibles, en phase avec le PRS, ce qui permet l’association Projet Ifsi/Projets locaux et besoins du territoire ;

• d’évoluer vers un questionnement sur les besoins de santé d’un type de population, en regard de la thématique de santé précédemment explorée ;

• de maîtriser la méthodologie de recherche en santé publique, par la constitution d’un document ciblant une problématique de santé publique ciblée, en regard de l’évolution des données et des exploitations de questionnaires d’enquête et entretiens réalisés sur le terrain. Double enjeu et bénéfice autour de la méthodologie de recherche, comme un temps préparatoire et facilitateur pour la méthodologie d’appropriation du travail de fin d’études ;

• de s’impliquer comme acteur de recherche dans le réseau de santé, auprès de nombreux partenaires extra et intrahospitaliers (champs médico-sociaux, du handicap, de la réinsertion professionnelle…) et d’être ainsi sensibilisé à la coordination et aux pratiques interdisciplinaires ;

• de réaliser une action de santé publique, intégrant une dimension éducative auprès d’un public, avec la constitution des outils de suivi et d’évaluation des effets de cette action ;

• d’évaluer à moyen terme les finalités du travail réalisé.

CONCLUSION

Le nouveau référentiel permet de construire des enseignements coordonnés et sur un continuum, dont la notion de progressivité est l’une des clefs.

Ce travail s’inscrit nécessairement dans une rencontre d’équipe pédagogique autour d’un projet élargi, permettant une inscription de l’enseignement dans une réalité locale.

Ceci ne doit pas nous sembler être une contrainte, mais plutôt une source de vitalité pour nos instituts, amenés parfois à se diluer dans les torrents de connaissances universelles, voire universitaires. Ce qui, à moyen terme, pourrait conduire à un manque d’enracinement et à une perte d’identité professionnelle préjudiciable.

NOTES

(1) Projet régional de santé, orientations stratégiques (Version20110315). http://petitlien.fr/6b4r

Modalités des actions pour la promotion 2010-2013

→ Association d’aide à domicile

Auprès d’un public d’auxiliaires de vie sociale, en lien avec une structure associative rurale, échange sur la question “comment développer l’aide auprès des aidants en situation d’épuisement qui accompagnent un proche touché par la maladie d’Alzheimer ?”

→ Écoles primaires

– Auprès d’enfants en CE2 de 7/8 ans, “une pédagogie autour de l’utilisation d’Internet”/sensibilisation des parents et des enfants au risque lié à l’usage des multimédias.

– Auprès d’enfants en CM1 de 9/10 ans, “l’alimentation, habitudes alimentaires”/ sensibilisation au risque d’obésité infantile.

– Lycées (classes de Première ou Seconde)

– Auprès d’un public adolescent/ sensibilisation aux violences conjugales et inter-familiales.

– Auprès d’un public adolescent/ sensibilisation aux risques liés à la sexualité/ contraception/choix d’une grossesse.

→ Foyer logement personnes âgées

Auprès d’un public de personnes âgées/ sensibilisation à l’hygiène manuelle et information sur les risques liés à la grippe.

→ Maison d’arrêt

Sensibilisation des détenus aux risques liés aux troubles du sommeil.

→ Centre de rééducation

Auprès d’un public de handicapés suite à AVP/ sensibilisation à la réinsertion par le sport.

→ CH : Service de long séjour

Auprès de professionnels soignants du service/sensibilisation du personnel à la prévention par la manutention des troubles musculo-squelettiques.

L’ensemble de ces actions a donné lieu à la construction d’outils adaptés au public : chaque action a été évaluée par les participants grâce à la construction de questionnaires remis à la fin de la séance et exploités ensuite.

À moyen terme, l’ensemble des outils créés sera disponible au centre de documentation de l’institut de formation pour être référencé dans une banque de données accessibles à tous les partenaires du département intéressés pour dupliquer ce type d’action.