Les vigilances sanitaires plus que jamais d’actualité ! - Objectif Soins & Management n° 214 du 01/03/2013 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 214 du 01/03/2013

 

Qualité Gestion des risques

Anne-Lise Favier  

Si la sécurité des patients est devenue une croisade dans la sphère hospitalière, elle est régie par un système de surveillance respectant des procédures spécifiques pour permettre des prises de décision rapides et efficaces. Tour d’horizon des principaux systèmes de vigilance opérant dans les établissements de santé.

La sécurité des patients est devenue une préoccupation prépondérante des soignants après le soin : ce souci se justifie notamment par l’importance des effets indésirables associés aux soins. L’enquête sur les événements indésirables liés aux soins (ENEIS) de 2009* révèle en effet que la fréquence des événements indésirables graves (EIG) survenus pendant l’hospitalisation est de 6,2 EIG pour 1 000 jours d’hospitalisation (9,2 en chirurgie et 4,7 en médecine), ce qui représente environ un EIG tous les 5 jours dans un service de 30 lits. Notons également que cette enquête indique que 4,5 % des séjours sont causés par un EIG, dont 2,6 % par un EIG évitable. S’ajoutent à cela les récents scandales autour du médicament (Médiator, Diane35) qui montrent que les vigilances sont plus que jamais d’actualité… Toutes ont en commun un objectif de santé publique : celui de répondre à la nécessité de disposer d’informations fiables sur les actions de santé et leurs conséquences directes chez les patients. Parfois avec quelques couacs !

LE RÔLE DE L’ANSM

L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) définit une vigilance comme un système permettant « d’exercer une surveillance de la sécurité d’emploi et du bon usage d’un produit de santé et de diminuer et de prévenir les risques liés à leur utilisation par la mise en place d’actions correctives ou préventives ». Toutes concourent au même objectif : assurer la sécurité du produit pour renforcer la sécurité des personnes (patient, donneur ou utilisateur). Néanmoins, elles ne sont pas toutes abouties, puisqu’elles n’ont pas toutes été mises en place au même moment. Depuis la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 sur le renforcement de la veille sanitaire, l’Agence assure la mise en œuvre des systèmes de vigilance relatifs aux produits à finalité sanitaire ou cosmétique. Elle recueille, évalue et exploite les données obtenues par le signalement dans un objectif de prévention ou, le cas échéant, dans le cadre de mesures correctives (en ordonnant par exemple le retrait d’un produit de santé, comme ce fut le cas récemment pour Diane35). Sur le volet des vigilances, elle anime et coordonne les actions des intervenants et s’attache à ce que les procédures de surveillance soient respectées. Parmi les vigilances sanitaires existantes gérées par l’ANSM, on trouve la pharmacovigilance qui gère les médicaments, l’hémovigilance pour les produits sanguins labiles, la matériovigilance pour les dispositifs médicaux (DM), la réactovigilance pour les DM de diagnostic in vitro, l’addictovigilance (ou pharmacodépendance) pour les substances psychoactives (stupéfiants et psychotropes), la biovigilance pour les activités de prélèvement et de greffes, la cosmétovigilance pour les produits cosmétiques ou d’hygiène corporelle et enfin la vigilance dévolue aux produits de tatouage. Cas spécifique, la surveillance des infections nosocomiales (IN) est, quant à elle, confiée au Cclin (cf. encadré). Depuis la refonte de l’Agence, les vigilances sont placées sous la responsabilité d’une direction de la surveillance.

LA PHARMACOVIGILANCE

C’est le système de vigilance le plus ancien et qui fait le plus souvent parler de lui. Il consiste à recueillir et évaluer des informations sur les effets indésirables (voire toxiques) des médicaments (une fois leur AMM obtenue). Au niveau national, la première étape (le recueil) se base sur la notification spontanée des effets indésirables par les professionnels de santé et/ou les industriels avec l’appui des réseaux régionaux (au nombre de 31). Viennent ensuite l’enregistrement et l’évaluation des informations et la mise en place d’enquêtes pour analyser le risque, ce qui conduit à la mise en place et l’évaluation de plan de gestions des risques. La pharmacovigilance consiste également en la prise de mesures correctives et la communication (vers les professionnels de santé, mais aussi le grand public). Depuis juillet 2012, la pharmacovigilance au niveau européen est régie par une nouvelle législation (notamment avec la directive n° 2010/84/UE et le règlement n° 1235/2010) : ces deux textes abordent notamment la création d’un nouveau comité chargé de la pharmacovigilance baptisé “Prac” (Pharmacovigilance Risk Assessment Committee), la création d’une catégorie de médicaments à surveillance supplémentaire, l’élargissement de la définition de l’effet indésirable et l’introduction de la notion d’écopharmacovigilance. En France, en 2010, 31 780 effets indésirables ont été recueillis par les centres régionaux de pharmacovigilance, dont 20 620 en provenance des entreprises pharmaceutiques.

L’HÉMOVIGILANCE

L’hémovigilance vient de fêter ses vingt ans. Élément de la sécurité transfusionnelle, elle a pour objet la surveillance, l’évaluation et la prévention des incidents et des effets indésirables survenant chez les donneurs ou les receveurs de produits sanguins labiles, selon la définition donnée par l’ANSM. Déclinée selon différents niveaux (par établissement de santé, par établissement de transfusion sanguine et au niveau régional), l’hémovigilance consiste à faire remonter toute déclaration d’effet indésirable à la commission nationale (tandem ANSM/InVS).

Dans les établissements de santé, le correspondant d’hémovigilance est chargé d’assurer la déclaration de tout effet indésirable survenu chez un receveur de produits sanguins labiles ainsi que de tout incident grave, le recueil et la conservation des informations, en veillant à la qualité et à la fiabilité de ces informations, la communication à l’ANSM et au centre régional de toute difficulté susceptible de compromettre la sécurité transfusionnelle. Il effectue également les investigations nécessaires en cas d’urgence à la suite des effets indésirables survenus chez les receveurs de produits sanguins labiles ou des incidents graves.

Chaque année, plus de 510 000 patients reçoivent une transfusion sanguine ; l’ANSM reçoit, quant à elle, plus de 13 000 déclarations d’incidents (13 785 pour 2011) et d’effets indésirables par an. Ces notifications ou déclarations sont effectuées par des établissements de transfusion et des établissements de santé (respectivement 60 % et 40 % des déclarations en 2011). Elles se décomposent en 7 607 déclarations d’effet indésirable chez un receveur (55 %), 4 287 déclarations d’effet indésirable grave chez un donneur (31 %), 610 déclarations d’incidents graves de la chaîne transfusionnelle (4,4 %) et 1 281informations post-don (9,3 %). À noter que, depuis 2006, en application de la directive 2005/61/CE de la Commission européenne, le champ de l’hémovigilance s’est élargi aux effets survenant chez les donneurs et aux incidents de la chaîne transfusionnelle.

LA MATÉRIOVIGILANCE

C’est elle qui s’attèle à surveiller les dispositifs médicaux (DM) après leur mise sur le marché. Elle a pour objectif d’éviter que ne se produisent (ou reproduisent) des incidents et risques d’incidents graves mettant en cause ces DM, en prenant les mesures préventives et/ou correctives appropriées. Dans cette optique, l’ANSM est en contact avec les correspondants locaux de matériovigilance des établissements de santé, les fabricants et toute personne ayant connaissance d’un incident ou d’un risque d’incident (les utilisateurs, par exemple). L’évaluation des incidents repose sur deux types d’expertise (interne et externe) et selon quatre niveaux de procédure (dont trois relèvent de la criticité de l’incident): mineur, majeur, critique et spécifique. Pour ne citer qu’un exemple particulièrement emblématique, les prothèses mammaires PIP dépendent directement de cette vigilance. Les dernières données (décembre 2012) font état de 3 290 femmes ayant eu une rupture de prothèse et ayant fait l’objet d’un signalement à l’Agence de 2001 à fin octobre 2012.

LA BIOVIGILANCE

C’est une vigilance qui consiste à surveiller et prévenir les risques liés à l’utilisation à des fins thérapeutiques d’éléments et produits issus du corps humain tels les organes, les tissus, les cellules et même le lait maternel (en sont exclus les produits sanguins labiles qui relèvent de l’hémovigilance, ainsi que les gamètes et embryons qui dépendent de la vigilance de l’assistance médicale à la procréation). Pour les donneurs et les receveurs, le suivi des effets indésirables est capital : l’activité de veille repose sur le signalement et la déclaration des incidents ou effets indésirables liés aux produits relevant de la biovigilance. Toute la chaîne de prélèvement est surveillée, de la sélection clinique et biologique des donneurs au suivi médical des receveurs ou donneurs vivants. Un incident peut être, par exemple, la découverte d’une tumeur chez le donneur dont au moins un organe a été greffé ou encore la contamination mycologique du liquide de conservation du greffon. Certains peuvent être graves et entraîner la mort du receveur. Pour s’assurer du bon fonctionnement de cette biovigilance, l’ANSM s’appuie sur un réseau qui inclut l’Agence de la biomédecine et ses correspondants locaux de biovigilance. En France, chaque année, on dénombre plus de 23 000 greffes de tissus, près de 5 000 greffes d’organes et autant de greffes de cellules souches hématopoïétiques. Le nombre de déclarations d’incidents et d’effets indésirables déclarés en 2011 a augmenté de 54 % par rapport à 2010, en passant à 190 déclarations (contre 123 en 2010). Cette augmentation traduit probablement un développement de la notification.

*Consultable sur www.drees.sante.gouv.fr/IMG/pdf/er761.pdf

Le cas particulier des infections nosocomiales

À la différence des autres vigilances, celle relative à la surveillance des infections nosocomiales (IN) est gérée par les Centres de coordination de la lutte contre les IN (Cclin), organisés en cinq inter-régions (Paris/Nord, Ouest, Est, Sud-Est, Sud-Ouest). Ils ont pour mission la coordination et l’aide technique des comités de lutte contre l’infection nosocomiale (CLIN) de chaque hôpital : c’est notamment vers eux que remontent les signalements d’IN, ce qui entraîne ensuite de leur part un processus d’aide aux établissements.

Le Cclin entreprend également des actions en concertation avec l’équipe d’hygiène locale et informe l’ARS des actions dans le cas où l’établissement a demandé officiellement une aide extérieure. Ce fut notamment le cas dans l’inter-région Nord quand le Clostridium difficile s’était installé durablement dans plusieurs établissements nordistes en 2006.

Deux vigilances supplémentaires

Selon l’ANSM, il existe également deux autres systèmes de signalements qui s’apparentent à des vigilances (et qui travaillent en lien étroit avec celles citées précédemment).

• D’une part, le guichet ”Erreurs médicamenteuses“, qui recueille et gère les signalements d’erreurs ou de risque d’erreurs médicamenteuses liées au médicament, et notamment à sa présentation, sa dénomination : mis en place récemment, ce système ne bénéficie pas encore d’un cadre réglementaire abouti.

• D’autre part, le département de la veille sanitaire, celui qui gère par exemple les défauts de qualité des médicaments (qui nécessite des interfaces régulières avec les services d’évaluation, de contrôle et d’inspection).