Le printemps 2013 des campagnes… tarifaires - Objectif Soins & Management n° 216 du 01/05/2013 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 216 du 01/05/2013

 

Économie de la santé

Didier Jaffre  

Comme chaque année, le ministère des Affaires sociales et de la santé vient de publier les différentes circulaires tarifaires relatives aux établissements de santé, aux établissements et services médico-sociaux. Cependant, à l’heure où rédigeons cet article, la circulaire 2013 relative au fonds d’intervention régional n’est toujours pas publiée.

Le secteur de la santé se caractérise par des publications très tardives alors que la plupart des opérateurs publics disposent de leurs orientations budgétaires en décembre. Les opérateurs de la santé n’en disposent pas avant le mois d’avril, ce qui revient à connaître son budget de l’année au mieux au mois de juin. On peut dès lors s’interroger sur l’efficience d’un tel système de notification budgétaire : comment redresser son budget quand six mois de l’exercice sont déjà écoulés sur la base des budgets alloués l’année précédente ?

Par ailleurs, alors que les maîtres mots sont “parcours de vie”, “de santé”, le ministère continue à allouer des moyens aux Agences régionales de santé (ARS) par type d’opérateurs, selon des calendriers différents et des canaux plus ou moins étanches. On note toutefois l’importance que prend peu à peu le Fonds d’intervention régional (Fir) comme seule marge de manœuvre des ARS ; mais, là encore, fin avril, le montant des Fir n’est toujours pas connu par les ARS. Comment, dès lors, pouvoir mettre en œuvre de manière cohérente et anticipée une politique régionale basée sur une contractualisation avec les acteurs de santé de manière pluriannuelle ?

Soulignons enfin que certaines circulaires propres à certains secteurs ne sont pas publiées non plus : celle relative aux Établissements et services d’aide au travail (Esat), celle relative aux structures d’addictologie. Autant de secteurs pourtant sous la compétence des ARS.

UNE MISE EN RÉSERVE PRUDENTIELLE PORTANT ESSENTIELLEMENT SUR LES TARIFS DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ

« Les mises en réserve prudentielles de crédits ont permis de compenser les dépassements liés à la dynamique d’activité observée. Pour 2013, conformément à mes engagements de préserver le financement des missions d’intérêt général, une nouvelle modalité de régulation est mise en œuvre avec la création d’un coefficient prudentiel minorant les tarifs de prestations d’hospitalisation. Cette orientation nouvelle vise à exonérer de gel, le plus largement possible, les dotations Migac. »(1)

Par rapport aux années précédentes, il s’agit d’un changement de logique fort. En effet, depuis de nombreuses années, la régulation prix-volume portait essentiellement sur les Missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation (Migac). Cette année, c’est l’inverse qui est opéré, avec une baisse des tarifs et une stabilisation des Migac (à noter cependant que des mesures d’économies pèsent également sur ces enveloppes, de même que certains débasages). Dès lors, on peut s’interroger sur la logique même du système de tarification à l’activité (T2A): les tarifs sont censés refléter le coût moyen de prise en charge. À partir du moment où l’on fait peser des mesures de régulation sur les tarifs, ceux-ci ne représentent plus fidèlement les coûts, et c’est tout le système de T2A qui s’en trouve perturbé.

L’EXTENSION DU CHAMP DE LA JUSTIFICATION AU PREMIER EURO (JPE)

« Huit nouvelles Mig voient cette année leurs dotations sorties de la base Migac pour être déléguées en JPE. Cette nouvelle modalité de délégation fait suite à la remodélisation de ces huit MIG. »(1)

En pratique, la délégation des crédits finançant les Mig repose sur deux modes :

• les crédits délégués aux ARS dans une “base Migac”. La répartition des crédits par établissement et par mission s’effectue sur la base d’une contractualisation ARS/établissement de santé ;

• les crédits calculés et fléchés en direction des établissements ou des régions par le niveau national. Ce sont les Mig en « justification au premier euro (JPE) ».

Dans la mesure où de plus en plus de Mig sont financées en JPE, cela signifie que les ARS ne disposent plus d’aucune marge de manœuvre sur ces MIG : elles sont financées directement par le niveau national sur la base des remontées des établissements. Si autrefois les Migac constituaient la marge de manœuvre des Agences régionales de l’hospitalisation (ARH) en matière d’hospitalisation, aujourd’hui, elles ne le sont plus pour les ARS. La marge de manœuvre, c’est désormais le Fir, qui concerne l’ensemble des secteurs de la santé.

L’ÉLARGISSEMENT DU FONDS D’INTERVENTION RÉGIONAL

« Le fonds d’intervention régional, entré en vigueur en 2012, est abondé de nouveaux crédits issus de MIG correspondantes aux missions de ce fonds et également de vos anciennes marges régionales AC afin de vous permettre un accompagnement de votre politique régionale et de renforcer la fongibilité de son financement. Une circulaire spécifique est dédiée au FIR pour 2013. »(1)

Le financement de dix nouvelles Mig est transféré vers le Fir :

• les Comités de coordination de la lutte contre l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (Corevih) ;

• les actions de qualité transversale des pratiques de soins en cancérologie ;

• les Équipes hospitalières de liaison et de soins en addictologie (Ehlsa) ;

• les équipes ressources régionales de soins palliatifs pédiatriques ;

• les Équipes mobiles de gériatrie (EMG) ;

• les Équipes mobiles de soins palliatifs (EMSP) ;

• les réseaux de télésanté, notamment la télémédecine ;

• l’emploi de psychologues ou d’assistantes sociales dans les services de soins prévus par les plans nationaux de santé publique, à l’exception du plan cancer ;

• les structures pluridisciplinaires spécialisées dans la prise en charge des adolescents ;

• les consultations mémoire.

Par ailleurs, les dotations d’aides à la contractualisation, à l’exception de celles relevant d’engagements d’investissement nationaux, sont transférées également vers le Fir.

Ces transferts ne sont pas anodins. Ils visent à doter les ARS de véritables marges de manœuvre pour financer leur politique régionale (projet régional de santé), à condition, bien sûr, que le niveau national n’édicte pas des règles d’utilisation de ce fonds. Mais, plus encore, le Fir est un fonds indifférencié entre secteurs de la prévention, hospitalier, ambulatoire et médico-social. Ce qui signifie que les financements Mig autrefois réservés aux établissements de santé ne le sont plus aujourd’hui et sont désormais fongibles au sein du Fir. Une petite révolution qui va dans le sens du décloisonnement entre les secteurs de la santé, sans oublier que tous ces fonds relèvent de toute manière d’une seule et même enveloppe, celle de l’Assurance maladie.

LES GRANDES ORIENTATIONS DANS LE SECTEUR MÉDICO-SOCIAL

« La campagne budgétaire 2013 se déroule dans un cadre préservé : l’Ondam médico-social progresse en 2013 de 4 % par rapport à 2012, dans un contexte d’évolution de l’Ondam général de 2,7 %. L’effort budgétaire ainsi consenti en faveur du secteur médico-social traduit la priorité donnée par le Gouvernement à la qualité de la prise en charge des personnes âgées et handicapées et à la poursuite du développement et de la diversification de l’offre en application des plans gouvernementaux. Toutefois, comme l’an passé, le secteur médico-social contribue à hauteur de 100 M€ aux mises en réserve. »(2)

« La campagne budgétaire 2013 s’inscrit dans la poursuite de la mise en œuvre des grands plans nationaux : Programme pluriannuel 2008-2012 de création de places en établissements et services pour personnes handicapées, Plan solidarité grand âge (PSGA), Plan Alzheimer. »(2)

Pas de grands changements dans le secteur médico-social : la présente circulaire, mis à part le fait qu’il n’existe désormais qu’une seule circulaire au lieu de deux les années précédentes (ministère d’un côté, Caisse nationale de solidarité autonomie de l’autre), s’inscrit dans la continuité des années précédentes. Le taux d’évolution reste largement supérieur à celui de l’Ondam.

On peut regretter cependant que cette circulaire soit aussi étanche : pas un mot par exemple sur le sanitaire, pratiquement aucun sur le Fir ; seul un paragraphe peu explicite sur l’article 48 de la Loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2013 concernant le dispositif PAERPA (Personnes âgées en risque de perte d’autonomie).

CONCLUSION

Nous sommes encore loin d’une vision unifiée de la santé en matière tarifaire. Pour autant, il s’agit des crédits d’une seule et même enveloppe : l’Assurance maladie. Dès lors, comment justifier l’existence de plusieurs circulaires tarifaires selon les secteurs alors qu’il n’y a qu’une seule instance en région pour les mettre en œuvre depuis avril 2010 : les ARS ? Le niveau national n’a donc pas encore pris en compte, trois ans après, la création des ARS. À quand une seule et même circulaire tarifaire pour la santé qui serait publiée avant le 31 décembre ?

(1) Circulaire n° DGOS/R1/2013/144 du 29 mars 2013 sur le site circulaire.legifrance.gouv.fr/pdf/2013/04/cir_36776.pdf.

(2) Circulaire N° DGCS/DC/DSS/CNSA/2013/106 du 15 mars 2013 sur le site circulaires.legifrance.gouv.fr/pdf/2013/03/cir_36663.pdf.

POUR EN SAVOIR PLUS

→ Circulaire N° DGCS/5C/DSS/CNSA/2013/106

Datée du 15 mars 2013, relative aux orientations de l’exercice 2013 pour la campagne budgétaire des établissements et services médico-sociaux accueillant des personnes handicapées et des personnes âgées.

→ Circulaire N° DGOS/R1/2013/144

Datée du 29 mars 2013, relative à la campagne tarifaire 2013 des établissements de santé.