Mise en place d’une unité dédiée à la chirurgie ambulatoire - Objectif Soins & Management n° 218 du 01/09/2013 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 218 du 01/09/2013

 

Management des soins

Le développement de la chirurgie ambulatoire en France répond à une politique de santé publique. Depuis 2010, un programme pluriannuel, piloté par la Direction générale de l’offre de soins (DGOS), prévoit l’intensification de la chirurgie ambulatoire.

Définie comme une structure de soins alternative à l’hospitalisation conventionnelle, la chirurgie ambulatoire constitue donc une attente des tutelles et s’inscrit dans un processus socio-économique.

Centrée sur le patient, la transition du conventionnel vers l’ambulatoire fait partie d’une évolution sociétale. En effet, ce n’est pas l’acte qui est ambulatoire, mais le patient, devenant ainsi acteur de son traitement.

Au-delà des économies attendues par réduction des coûts pour l’Assurance maladie, l’ambulatoire garantit une meilleure qualité de prise en charge par une limitation à l’exposition aux infections nosocomiales et favorise la satisfaction du patient et de son entourage.

En cancérologie, la prise en charge en ambulatoire de la chirurgie mammaire est peu développée en France. Elle présente des contraintes organisationnelles, un chemin clinique complexe et multidisciplinaire. Cependant, grâce à l’évolution des techniques chirurgicales, la chirurgie du sein y répond et apparaît comme réalisable.

Dans ce contexte, le développement de la chirurgie ambulatoire constitue aujourd’hui l’un des axes prioritaires du projet médical et de soins de l’Institut Curie. Le patient ambulatoire n’est certes pas une nouveauté dans notre mode de prise en charge, mais le circuit existant jusqu’alors est devenu obsolète. En effet, il ne permet plus de répondre à un accueil de qualité et aux attentes des patients, aux exigences réglementaires, et est inapproprié au développement et à la diversification des activités souhaitées. Il devient alors impératif de réfléchir à un nouveau mode organisationnel structuré, respectant des circuits formalisés à toutes les étapes de la prise en charge au travers du chemin clinique du patient.

Cette perspective d’évolution doit intégrer au maximum une mutualisation de nos moyens internes en redéployant les locaux, les matériels et en réaffectant des moyens humains sur les nouveaux circuits.

ÉTAT DES LIEUX ET ANALYSE DE L’EXISTANT

La mise en place d’une unité dédiée nécessite alors d’établir plusieurs étapes de faisabilité.

Tout d’abord, un chirurgien a été nommé pilote du projet et une analyse de l’existant a été menée. Pour ce faire, il a fallu exploiter différentes données, tant au niveau de l’activité que des locaux, mais aussi une évaluation des moyens humains et matériels. Une analyse médico-économique a permis d’évaluer et d’élaborer un budget de fonctionnement. Une projection de l’activité a permis de guider et d’orienter les différentes phases du projet.

Au regard des prospections économiques et des résultats, la direction médicale de l’Institut Curie a déterminé le nombre de places dédié à l’unité de chirurgie ambulatoire. Puis, un état des lieux des locaux existants en chirurgie a été mené par l’encadrement et a orienté le choix de la zone permettant cette prise en charge. Le choix a été fait sur une unité de sénologie : d’une part, c’était le secteur possédant le plus de lits d’hospitalisation conventionnelle et, d’autre part, la spécialité qui devait être développée en ambulatoire, la chirurgie mammaire conservatrice, correspondait à la spécialité chirurgicale de ce secteur.

CHOIX D’UNE UNITÉ DÉDIÉE

Cette unité de chirurgie ambulatoire de 6 places a vu le jour dans un secteur d’hospitalisation conventionnelle composé initialement de 25 lits. Le travail de l’encadrement de ce secteur a consisté à déterminer la zone à dédier à cette activité. Il a donc été décidé d’implanter de façon sectorisée cette unité à l’entrée du service afin de garantir une fluidité des circuits et de favoriser une sectorisation pour l’ensemble des acteurs. En plus des chambres converties à l’ambulatoire, il a été nécessaire de créer un secrétariat dédié à l’ambulatoire ainsi qu’un salon d’accueil des patients. Après quatre mois de fonctionnement, un espace vestiaire pour les patients s’est avéré nécessaire pour favoriser la fluidité du circuit. En effet, l’activité augmentant, il n’était plus possible d’attribuer la même place en pré-opératoire et en post-opératoire. Au total, à leur retour de bloc, les patients ne pouvaient avoir accès à leur vestiaire pour récupérer leurs effets personnels. Ce fonctionnement désorganisait et retardait totalement le circuit du patient, et entraînait une prise de risque inutile dans la gestion des effets personnels qui devaient être restitués aux patients par les infirmières.

L’idée de cette implantation intégrée dans le secteur d’hospitalisation conventionnelle va aussi dans le sens d’une évolution progressive de l’ambulatoire et d’une diminution des lits d’hospitalisation conventionnelle. Cette unité se veut à la fois thérapeutique et diagnostique. C’est pourquoi nous accueillons également l’activité endoscopique sous anesthésie générale. Dans un premier temps, c’est le développement de la chirurgie du sein conservatrice qui a été déployé. Progressivement, d’autres spécialités chirurgicales telles que la gynécologie, la dermatologie, l’ORL et récemment l’ophtalmologie bénéficient de ce mode de prise en charge.

UNE PARTICIPATION ACTIVE PLURI-PROFESSIONNELLE

Afin de mener à bien ce projet, différents groupes de travail pluri-professionnels pilotés par le chirurgien responsable du projet ont été constitués. En effet, cette prise en charge nécessite un circuit d’amont et d’aval bien structuré pour optimiser la qualité et la fluidité de ce parcours défini au travers du chemin clinique du patient : c’est une véritable innovation organisationnelle. De plus, l’ambulatoire bouscule également les concepts des professionnels de santé en transformant des prises en charge conventionnelles associées à des actes de haute technicité en ambulatoire. Il est indispensable de s’appuyer dans un premier temps sur les professionnels convaincus par ce type de prise en charge et d’accompagner les professionnels les plus réticents afin de les conduire progressivement vers l’ambulatoire.

Un prestataire extérieur spécialisé dans l’implantation et le développement de la chirurgie ambulatoire a accompagné la démarche en collaboration avec le cadre de santé et le chirurgien responsable du projet durant 3 mois. Le cadre de santé est devenu l’un des acteurs majeurs en centralisant les différentes informations.

Un groupe de travail a formalisé le chemin clinique ambulatoire depuis la consultation préopératoire du chirurgien, de la consultation avec l’anesthésiste jusqu’à la consultation infirmière, l’appel du lendemain et la visite postopératoire chirurgicale. Dans ce groupe ont collaboré l’ensemble des acteurs-clés à la mise en place du circuit du patient ambulatoire : l’équipe paramédicale de la plateforme des consultations, de chirurgie, de radiologie, de bloc et d’anesthésie, les chirurgiens, les anesthésistes, les assistantes médicales, les professionnels des admissions, les radiologues et leurs assistantes médicales, les représentants des services de brancardage, de kinésithérapie. Ce même groupe de travail a également permis de faire remonter les dysfonctionnements dès l’ouverture de l’unité, lister les améliorations à apporter concernant en premier lieu la sécurité du patient, la qualité de sa prise en charge et l’ergonomie des professionnels.

La particularité de ce travail s’est axée autour d’un mode participatif de l’ensemble des acteurs intervenants au cours du chemin clinique du patient. Ce fonctionnement a favorisé le décloisonnement et a fédéré les différents métiers autour d’un même projet.

ORGANISATION DES RESSOURCES HUMAINES ET DE LA PRISE EN CHARGE SOIGNANTE

Un recueil des souhaits des professionnels de chirurgie a été réalisé par le cadre de santé sur le souhait ou non d’intégrer l’unité ambulatoire et de participer à sa mise en place. Il a été décidé collégialement de ne pas affecter une équipe d’infirmières spécifiques à l’unité de chirurgie ambulatoire, mais de planifier quotidiennement un personnel fléché.

Pour l’équipe soignante de chirurgie, l’implantation de ce mode de prise en charge au sein d’un service conventionnel a entraîné des modifications dans les pratiques de soins. Cette organisation permet une richesse importante d’idées puisque chaque professionnel s’implique à tour de rôle dans cette prise en charge et est force de propositions.

De plus, la crainte majeure pour les professionnels infirmiers de chirurgie concernait la perte de la technicité, d’autant que, pour certains, ils sont jeunes diplômés. Il est donc important d’avoir des professionnels expérimentés et organisés, sans que toutefois le peu d’expérience soit un frein. Une autre crainte concernait le manque de suivi dans la relation avec le patient. Cette dernière a été levée grâce à l’appel téléphonique du lendemain de la chirurgie. Cet appel se veut à la fois rassurant pour le patient mais aussi pour l’équipe soignante sur les conditions de retour à domicile. Il permet d’évaluer la prise en charge de la douleur, le site opératoire, les nausées et vomissements ainsi que l’état psychologique du patient, composante essentielle dans la prise en charge du patient atteint de cancer.

La mise en place de cette unité intégrée a également nécessité de différencier les patients ambulatoires et conventionnels. Pour cela, il a été décidé d’une part que le patient ambulatoire irait au bloc en marchant, accompagné d’un brancardier ; d’autre part, le patient est revêtu d’une tenue à usage unique de couleur différente, permettant à l’ensemble des professionnels hors unité (notamment brancardier) d’identifier le mode d’hospitalisation.

Cette organisation entre dans une réflexion initiée au préalable sur le projet du patient allant debout au bloc, favorisant la fluidité du parcours.

SUIVI DE LA MISE EN PLACE

Lors du déploiement de ce nouveau modèle organisationnel, des staffs pluri-professionnels hebdomadaires pilotés par le cadre et le chirurgien responsable de l’unité permettent d’identifier et d’analyser au fur et à mesure les dysfonctionnements. Des axes d’amélioration sont alors proposés et un responsable est désigné par action correctrice en adéquation avec sa fonction. Ces staffs, d’une durée d’une heure, se sont déroulés sur un rythme hebdomadaire pendant trois mois puis sur un rythme bimensuel pendant trois mois avant de devenir mensuel.

Un suivi informatisé et quotidien de l’activité est établi et permet de fixer des objectifs d’activités. Les indicateurs d’activité ont été préalablement déterminés, avec l’aide du prestataire extérieur. Ce suivi permet également d’observer quelles sont les activités qui se potentialisent afin d’optimiser la rotation des places. Pour cela, on observe que plusieurs facteurs entrent en jeu, notamment la multiplicité de chirurgiens opérant quotidiennement. On constate en effet qu’il est plus facile de lisser l’activité pour un même opérateur en convoquant les patients à des horaires étalés que de multiples opérateurs où les horaires de blocs risquent d’être concomitants. Ce suivi d’activité contribue également à rechercher et à fixer nos limites dans le nombre de patients pris en charge quotidiennement. Le cadre a contribué à la dynamique d’équipe en communicant régulièrement les données chiffrées d’activité lors des staffs.

Nos difficultés rencontrées dans cette organisation de prise en charge sont celles communes aux unités de chirurgie ambulatoire et répertoriées dans les recommandations organisationnelles publiées par la Haute Autorité de santé en mai 2013. Elles concernent en priorité le lissage de l’activité, le temps d’attente du brancardage, le recopiage de certaines taches et le retard de signature médicale pour l’aptitude à la rue (sortie du patient). Le lissage de l’activité hebdomadaire reste le problème majeur pour l’optimisation du temps soignant dédié à cette activité.

CONCLUSION

Pour les professionnels de santé, ce mode de prise en charge représente une évolution innovante dans la conception du soin du patient atteint de cancer. Cette mise en place constitue un véritable challenge. Pour les équipes soignantes, c’est aussi un moyen permanent de se questionner et de réfléchir sur les pratiques professionnelles, de développer un savoir et de le transmettre aux patient(e)s. De plus, les équipes ont une vraie valorisation professionnelle de la part des patients qui, pour la majorité, sont extrêmement satisfaits de leur prise en charge en ambulatoire, surtout au niveau de notre établissement où la chirurgie est souvent la première étape du programme personnalisé de soins dans le traitement de la pathologie cancéreuse.

Pour le cadre de santé, il s’agit d’une expérience très enrichissante et valorisante sur le cœur même du métier de cadre puisque l’ambulatoire repose essentiellement sur un programme organisationnel et sur une réflexion pluri-professionnelle.

Actuellement, nous travaillons sur l’élaboration d’un questionnaire de satisfaction des patients qui reprend l’ensemble du parcours du patient et qui intègre les différents acteurs de prise en charge. Le questionnaire sera testé prochainement pour validation et mis en place.

CHIRURGIE AMBULATOIRE

DÉFINITION

Pratique avant tout centrée sur les patients, la chirurgie ambulatoire recouvre l’hospitalisation de moins de 12 heures sans hébergement de nuit. Ainsi, elle comprend les actes chirurgicaux programmés et réalisés dans les conditions techniques nécessitant impérativement la sécurité d’un bloc opératoire, sous une anesthésie adaptée et suivie d’une surveillance post-opératoire en salle de réveil permettant, sans risque avéré, la sortie du patient le jour même de son admission.

Source : ministère des Affaires sociales et de la Santé, sante.gouv.fr

Développement de l’activité de chirurgie ambulatoire en France

• L’activité globale de chirurgie ambulatoire progresse en France : elle représentait 37,7 % de l’activité de chirurgie en 2010 contre 32,3 % en 2007.

• Le taux cible national retenu par la DGOS a été fixé à un minimum de 50 % pour fin 2016.

Source : ministère des Affaires sociales et de la Santé, sante.gouv.fr