Objectif Soins n° 223 du 01/02/2014

 

Promotion de la santé

Sophie Ferraris  

L’annonce d’une pathologie cancéreuse représente pour le patient un traumatisme psychique important. Le Plan cancer 2003-2007 prévoit un dispositif d’annonce (mesure 40) en deux phases : un temps médical d’annonce, et le temps d’accompagnement soignant (le TAS).

Depuis 2008, le service d’oncologie du Centre hospitalier d’Angoulême, en Charente, a mis en place le temps d’accompagnement soignant, ou TAS. Pour répondre aux exigences du Plan cancer, un travail pluridisciplinaire a permis d’aboutir à la création d’un outil de suivi du patient : le programme personnalisé de soins.

TEMPS MÉDICAL D’ANNONCE

Le temps médical d’annonce peut se décliner en une ou plusieurs consultations dédiées. Il a pour objectif d’informer le patient sur sa maladie, ainsi que sur les orientations thérapeutiques promposées en réunion de concertation pluridisciplinaire. Ce temps doit permettre un dialogue autour de l’annonce en respectant les émotions qu’elle peut susciter tout en identifiant les conditions psychologiques et sociales du patient. C’est le moment où le médecin présente et explicite les relais soignants possibles*. Afin de formaliser la proposition thérapeutique, le médecin dispose d’un outil indispensable à la personnalisation de la prise en charge du patient et de son parcours de soins : le programme personnalisé de soins. Il s’agit d’un document remis au patient, qui se veut à la fois simple et informatif.

TEMPS D’ACCOMPAGNEMENT SOIGNANT

Venant compléter la consultation médicale, le temps d’accompagnement soignant se veut être un temps d’écoute, de soutien et d’information au patient. Il doit également permettre la coordination avec les autres acteurs de la prise en charge.

Formation des infirmiers(ières)

L’organisation du temps d’accompagnement soignant a été réfléchie en équipe pluridisciplinaire. Un support écrit a été créé. Ce dernier permet de mentionner les différents éléments indispensables à la prise en charge du patient (histoire de la maladie, antécédents…). Afin d’acquérir les compétences nécessaires au temps d’accompagnement soignant, les infirmiers (ères) du service ont pu bénéficier d’une formation spécifique.

Elle a été réalisée de manière progressive, selon leur niveau de connaissances des différentes pathologies cancéreuses et des traitements spécifiques, ainsi que de leur expérience dans le service d’oncologie. L’expertise des infirmiers(ères) exerçant dans le service a été une ressource et un critère indispensable à l’application du temps d’accompagnement soignant dans le parcours de soins du patient. Au sein du service, treize infirmier(ere)s sur vingt et un sont formés à ce jour au temps d’accompagnement soignant.

Rendez-vous

Après une rencontre avec le médecin oncologue, un rendez-vous de temps d’accompagnement soignant est proposé au patient avant le début du traitement. Les refus restent extrêmement rares. L’annonce de la maladie étant toujours violente pour le patient, il ressent le besoin de revenir, plus à distance de la consultation, sur ce qui lui a été dit. Dans le service, des créneaux de rendez-vous pour les temps d’accompagnement soignant ont été créés. À ce jour, quatre demi-journées sont réservées par semaine. Chaque rencontre dure entre une heure et une heure et demie. Il s’agit d’un temps spécifique organisé et planifié. Il est réalisé par l’infirmier(ère) en poste de programmation. L’expertise requise à ce poste en termes de connaissances des différents protocoles de chimiothérapie est indispensable pour assurer un temps d’accompagnement soignant de qualité. Avant la rencontre avec le patient et/ou ses proches, l’infirmier(ère) étudie son dossier médical, échange avec son médecin oncologue référent et peut précocement repérer les ressources et/ou besoins du patient.

Consultation infirmière

Accompagner le patient, c’est marcher à côté de lui, à son rythme. L’infirmier(ère) cherche à savoir où en est le patient dans sa connaissance de la maladie et quelles ressources il a, ou a besoin, pour l’aider à se tracer une nouvelle trajectoire de vie. L’infirmier(ère) part de ce que le patient sait ou de ce qu’il a compris lors de la consultation médicale et explicite ou reformule si besoin. L’infir­mier(ère) s’adapte au niveau de compréhension du patient. Il aborde également la question du ou des proches qui accompagneront le patient tout au long de ses soins, afin de repérer les personnes ressources éventuelles. La prise en compte de l’environnement du patient est indispensable et nécessaire dans sa prise en charge et son accompagnement. L’infirmier(ère) repère les besoins psychologiques et sociaux pour anticiper les prises en charge. Il répond aux questionnements et inquiétudes sur les thérapeutiques (modalités, effets secondaires, surveillance). Ce temps s’accompagne toujours d’une visite du service et d’une présentation de l’organisation de la prise en charge. L’infirmier(ère) explique alors la manière dont va se dérouler le traitement de chimiothérapie dans le service. À l’issue de cette rencontre, l’infirmier(ère), en fonction des besoins du patient, peut lui proposer l’intervention de différents acteurs de la prise en charge (psychologue, assistante sociale, diététicienne), mais aussi celle d’acteurs extérieurs intervenant dans le cadre des soins de support : socio-esthéticienne, réflexologue plantaire, coiffeuse, sophrologue. L’infirmier(ère) rédige par la suite une synthèse de la rencontre où il spécifiera le vécu du patient, ses difficultés ainsi que les actions qui lui ont été proposées. Le nombre de temps d’accompagnement soignant a évolué depuis sa mise en place. On passe de 203 en 2010 à 208 en 2011, puis 243 en 2012.

LE PROGRAMME PERSONNALISÉ DE SOINS

Depuis le mois de mars 2012, un document a été mis en place dans le service d’oncologie. Il se présente sous la forme d’un classeur remis au patient par le médecin oncologue référent lors de la consultation médicale d’annonce.

Un livret d’accueil présentant le pôle oncologie est également inséré dans le classeur.

Ces documents, qui viennent formaliser la prise en charge thérapeutique du patient, sont composés de quatre volets d’information, d’un agenda de soins, et de fiches ex­plicatives et de conseils.

Les volets d’information

Ils se déclinent ainsi :

• un volet indiquant les informations relatives au patient et à l’hôpital ;

• un volet présentant les soins prévus (chimiothérapie, radiothérapie, chirurgie) ;

• un volet social permettant de repérer précocement les difficultés et de mettre en œuvre un accompagnement social adapté ;

• un volet déclinant les contacts utiles, permettant de développer un lien avec la médecine de ville.

L’agenda

L’agenda personnalisé de soins vient résumer la prise en charge thérapeutique sous la forme d’un calendrier décliné en semaines.

Les fiches explicatives

Les fiches explicatives et les fiches conseils ont été élaborées grâce à un travail de réflexion pluridisciplinaire. Elles sont en lien avec les différents traitements et leurs effets secondaires potentiels.Les fiches explicatives sont classées par thème.

• Qu’est-ce qu’une chimiothérapie ?

• À quoi sert une chambre à cathéter implantable ?

• Qu’est-ce qu’un diffuseur ?

• Qu’est-ce que la radiothérapie et quels sont les soins de peaux nécessaires à la suite à ce traitement ?

• Qu’est-ce que le casque réfrigérant ?

Fiches conseils

Les fiches conseils permettent de donner des informations complémentaires et des conseils en termes de :

• hygiène alimentaire avec des idées recettes,

• hygiène buccale,

• prothèses mammaires.

Ces fiches sont toujours disposées dans le programme personnalisé de soins en fonction des besoins du patient et elles sont toujours expliquées par le soignant afin que le patient se les approprie.

Il devient ainsi acteur de son parcours de soins et l’infirmier(ère) est là pour l’aider à rechercher ses propres ressources. Ensemble, ils vont parvenir à tracer une nouvelle route dans la confrontation à la maladie. Le programme personnalisé de soins, ainsi complété selon les besoins du patient, viendra l’accompagner tout au long de sa prise en charge.

L’ÉQUIPE SOIGNANTE

La mise en place du dispositif a été facilitée par l’investissement et l’implication des infirmiers(ères). Les soignants le considèrent comme un temps de rencontre essentiel et primordial dans le parcours du patient qui vient asseoir la qualité du suivi.

De manière générale, les patients inclus dans le dispositif d’annonce viennent aux temps de rencontre avec des inquiétudes, des questions et des représentations. La visite du service permet de les rassurer et de les familiariser avec un endroit inconnu et parfois anxiogène. Le soignant qui réalise le TAS devient une personne référente pour le patient. Ce dernier l’identifie comme celui qui a été en mesure de l’écouter et de l’apaiser. Il se crée une certaine relation de confiance. Les soignants qui réalisent les TAS dans le service sont volontaires et quotidiennement impliqués car ils le perçoivent comme un temps de relation d’aide qu’ils apprécient et qui valorise le soin infirmier au-delà de tout soin technique. Chaque TAS reste singulier pour les infirmiers(ères), certains plus que d’autres, tant la charge émotionnelle prend de la place et laisse une trace dans leur expérience professionnelle.

Ainsi, les infirmiers(ères) de programmation ne réalisent pas plus de trois TAS par demi-journée prévue. Au-delà, la concentration peut être moindre et les capacités d’écoute du soignant mises en défaut. Une régulation formelle est proposée aux soignants de manière régulière sous forme de temps d’échanges d’équipe en présence des psychologues du service et du personnel. Ce temps permet de revenir sur les prises en charge les plus problématiques ou ayant eu un impact émotionnel fort chez les soignants. C’est un temps libre d’expression.

Les soignants régulent parrallèlement entre eux, de manière informelle, ce qui diminue en temps réel la charge émotionnelle. Les moments de pause sont des moments privilégiés.

CONCLUSION

Aujourd’hui, au sein du service, le dispositif d’annonce est un critère de qualité dans la prise en charge des personnes atteintes d’un cancer. Chaque patient est différent, et chaque histoire est singulière.

Les infirmiers(ères) ont, à chaque temps d’accompagnement soignant, le souci de respecter et de valoriser leurs ressources afin de les aider à se projeter dans leur parcours de soins. L’objectif du service et du pôle oncologie, à moyen terme, sera de favoriser les soins de support, afin de répondre de manière optimale aux besoins des patients et d’améliorer leur qualité de vie. Les compétences de l’équipe pluridisciplinaire sont des atouts indispensables dans l’atteinte de cet objectif, et des formations complémentaires permettront d’y parvenir au mieux.

http://www.e-cancer.fr/, Institut National du Cancer, plan Cancer 2003-2007.

NOTE

* EFEC, formation relation soignants/soigné lors de l’annonce et de l’accompagnement, Angoulême, les 19-20 mars et 19 avril 2012.

FICHE 1

CHAMBRE À CATHÉTER IMPLANTABLE (CCI)

La CCI est un dispositif installé sous la peau et est constituée de plusieurs parties :

→ réservoir léger avec une membrane souple en silicone susceptible de recevoir de multiples piqûres ;

→ cathéter souple, relié au réservoir et placé directement dans un vaisseau sanguin (veine, artère).

→ chambre en acier inoxydable de 2,5 cm de côté sur 1,35 cm de hauteur en moyenne.

POURQUOI VOUS A-T-ON PROPOSÉ LA POSE D’UNE CCI ?

→ Vous devez recevoir des substances médicamenteuses qui peuvent abîmer les veines (produits veino–toxiques).

→ Vous devez recevoir un traitement long qui nécessitera de multiples perfusions.

→ Vos veines sont abîmées.

COMMENT SE DÉROULE LA POSE D’UNE CHAMBRE À CATHÉTER IMPLANTABLE ?

→ Nécessite une intervention chirurgicale rapide, le plus souvent sous anesthésie locale. La chambre est placée sous la peau au niveau de la paroi thoracique grâce à une petite incision de quelques centimètres.

→ Après l’intervention, un contrôle radiographique est effectué pour vérifier que le dispositif est bien placé.

→ Un livret de surveillance vous sera remis après la pose de la CCI. Ce carnet est nominatif avec les références de votre CCI indiquées à l’intérieur. Vous devez le ramener à chaque hospitalisation, afin que le personnel infirmier note chaque acte (perfusion, injection) réalisé sur votre CCI. Vous devez également le mettre à disposition de votre médecin traitant et de votre infirmière libérale qui, elle aussi, doit noter les actes qu’elle réalisera sur la CCI.

COMMENT LE TRAITEMENT EST MIS EN PLACE ?

L’infirmière effectue une désinfection avec antiseptique, puis procède à la mise en place de l’aiguille, en piquant à travers la peau au niveau de la membrane souple de la CCI. Vous ressentirez la même sensation que lors d’une prise de sang. Pendant toute la durée de la perfusion (quelques heures ou jours), vous ne devez ressentir aucune douleur, notamment au niveau de la chambre. Entre les périodes de perfusion, aucun pansement ne sera nécessaire.

QUELQUES CONSEILS POUR LUTTER CONTRE LA DOULEUR

La brève douleur que vous ressentez au début de chaque perfusion, lors de la traversée de la peau par l’aiguille, peut être supprimée par l’utilisation d’un anesthésique local, sous forme de crème ou de patch. Vous pouvez vous le procurer en pharmacie avec une ordonnance médicale. Vous devez appliquer l’anesthésique environ une heure avant la mise en place de l’aiguille.

LA CHAMBRE À CATHÉTER IMPLANTABLE AU QUOTIDIEN

→ Entre les périodes de perfusion, vous pouvez vous baigner, nager… Seuls certains sports sont contre-indiqués car ils risquent d’entraîner un déplacement de la chambre. Demander l’avis à votre médecin avant de pratiquer une activité sportive.

→ Les chambres implantables sont fabriquées avec des matériaux qui ne provoquent pas de déclenchement des radars de détection, par exemple dans les aéroports. Le passage dans ces zones ne risque pas de détériorer le fonctionnement de la chambre puisqu’elle ne contient aucun système électronique.

→ La décision d’enlever la chambre implantable est faite par le médecin.

→ Tous les chocs violents et/ou pressions doivent être signalés à un médecin (ceinture de sécurité en voiture si freinage sec, le port de charge lourde, avec un fusil de chasse…).

→ Lorsque vous serez pris en charge par l’infirmière, vous devez lui indiquer tout événement particulier qui aurait pu survenir depuis la dernière venue dans le service.

→ Habits : pas de recommandations à proprement parler. Certaines personnes n’aiment pas montrer leur CCI et la cache de la vue des autres personnes, avec les habits. Éviter tout de même les pressions, dues, par exemple à une bretelle de soutien gorge ou d’un sac à main.

→ Hygiène : vous pouvez prendre des douches et/ou bain après la pose de la CCI. Les premiers jours après la pose, des pansements hermétiques vous seront recommandés pour protéger la cicatrice. La cicatrisation terminée, vous pourrez vous doucher comme avant.

→ Éviter les expositions au soleil pendant plusieurs mois (au moins six mois).

Ce qui doit attirer votre attention

Vous devez surveiller votre peau et contacter votre médecin dans les cas suivants.

1 Votre peau est rouge.

2 Vous ressentez une douleur au niveau de la CCI.

3 Vous sentez que votre peau est indurée au pourtour de la CCI.

4 Vous pouvez voir un œdème au pourtour de la CCI.

→ En cas de fièvre et de frissons, vous devez consulter un médecin.

FICHE 2

SOINS DE PEAU EN COURS DE RADIOTHÉRAPIE

On définit aujourd’hui les radiodermites comme l’ensemble des réactions provoquées par une irradiation sur la peau. Elles peuvent appaaraître vers la dixième séance de radiothérapie.