Le 4 décembre dernier, la ministre des Affaires sociales et de la Santé a publié une circulaire visant au positionnement et au développement de l’hospitalisation à domicile (HAD) en France, en proposant de doubler le nombre de séjours en HAD d’ici 2018. Car si l’HAD existe maintenant depuis plus de dix ans, force est de constater qu’elle n’a pas encore pris la place et l’essor attendus par les pouvoirs publics mais également par les patients et leurs familles.
L’HAD souffre encore d’un manque d’image vis-à-vis des médecins libéraux qui ne la prescrivent pas car généralement peu réactive ou tout simplement pas connue ; des autres professionnels de santé (infirmiers libéraux par exemple) qui peuvent vivre l’HAD comme une forme de concurrence ; des médecins hospitaliers qui privilégient encore l’hospitalisation dans les murs. L’HAD est encore bien souvent perçue comme un service de soins infirmiers à domicile “renforcé”, alors même qu’il doit s’agir d’une véritable hospitalisation hors les murs, avec les mêmes contraintes en matière de qualité des soins et de sécurité des prises en charge. Et c’est justement cette notion de “hors les murs” qui doit en faire un service efficient, tant du point de vue de la qualité de la prise en charge (les patients, notamment lorsqu’ils sont âgés, atteints d’une maladie chronique ou bien encore en fin de vie, aspirent à être soignés chez eux auprès de leurs proches, et ce, sans le risque des infections nosocomiales contractées à l’hôpital) que du coût de la prise en charge (comme son nom l’indique, l’HAD est prodiguée à domicile, donc sans les coûts fixes liés à l’immobilier des hôpitaux). Ce, d’autant que le développement de l’HAD est envisagé par substitution de l’hospitalisation complète, donc par redéploiement des crédits au sein de l’Objectif national des dépenses d’assurance maladie : il convient de soigner plus et mieux, à moindres coûts. On peut s’interroger dès lors sur les raisons qui freinent le développement de l’HAD, dans un contexte pourtant de plus en plus contraint des ressources de l’Assurance maladie, alors que la demande des patients est forte. Quels sont les objectifs fixés par la circulaire pour développer l’HAD ?
La circulaire fait le constat que l’offre d’HAD doit être adaptée en fonction du territoire (urbain versus rural), de la population desservie, mais également des contraintes en termes d’organisation et de sécurité des soins qui s’appliquent aux structures d’HAD comme à n’importe quel service d’hospitalisation. Si la circulaire se refuse à définir une taille critique minimale d’une structure d’HAD, il n’en reste pas moins que la viabilité ne sera pas assurée si les structures d’HAD sont éparpillées sur le territoire, ne font pas un minimum d’activité pour rentabiliser leurs équipements et satisfaire aux normes techniques de fonctionnement. Il est indiqué une cible à 30/35 patients prise en charge par jour pour 100 000 habitants.
Il semble préférable sur les territoires ruraux qu’il y ait une seule structure d’HAD, adossée à l’offre sanitaire existante (tout du moins très articulée afin d’éviter par exemple les coûts de gestion), et sur les territoires urbains des services d’HAD d’une taille conséquente afin de satisfaire par exemple la permanence des soins médicale 24 heures sur 24. Plus la structure d’HAD sera importante, plus elle fonctionnera comme un véritable service d’hospitalisation. À ce titre, il semble préférable d’adosser les services d’HAD quand ils ne sont ou ne peuvent pas être autonomes, à des établissements de santé, et non à des établissements médico-sociaux, de manière à les démarquer nettement des services de soins infirmiers à domicile. Ces orientations entraîneront immanquablement une restructuration des services d’HAD actuels, notamment ceux étant bien en dessous de ce potentiel d’activité. D’autant que l’objectif est de mailler le territoire de structures d’HAD : elles doivent être offertes à l’ensemble de la population, et pas uniquement en milieu urbain. Les structures d’HAD doivent elles-mêmes être efficientes.
Rendre accessible l’HAD à l’ensemble de la population, c’est faire en sorte que le service existe en tout point du territoire, mais également que les professionnels de santé prescrivent l’HAD et que celle-ci puisse répondre aux besoins de la population en termes de technicité et de diversité des soins.
Au sein de l’hôpital, et notamment dans les services de médecine, il est certain que de nombreux malades pourraient être pris en charge à domicile. Par ailleurs, nombreux sont les hôpitaux qui se plaignent de malades en surnombre, de services d’urgences embolisés faute de pouvoir hospitaliser les malades. L’HAD constitue une réponse réactive, souple, adaptable en termes de taille et pouvant répondre en urgence aux problèmes d’hospitalisation. Pour ce faire, il convient d’accompagner le changement des pratiques au sein des établissements de santé, car la résistance reste encore forte et l’hospitalisation complète dans un lit une référence. L’analyse des données issues du Programme de médicalisation des systèmes d’information doit permettre de mettre en évidence les séjours pouvant être pris en charge à domicile. Au moment où de nombreux hôpitaux publics négocient un contrat de performance avec leur Agence régionale de santé, où la Cour des Comptes plaide pour le développement de l’ambulatoire en chirurgie mais également en médecine, le développement de l’HAD constitue une opportunité intéressante pour développer l’activité des établissements de santé, tout en maîtrisant l’augmentation des dépenses d’Assurance maladie. Nous devons tendre vers des hôpitaux hors les murs. Bien sûr, le libre choix du malade doit être respecté, les conditions de son environnement social et familial doivent être remplies, et la sécurité assurée à tout instant par le recours par exemple à la télémédecine. Pour accélérer le développement de l’HAD, la circulaire propose que les Contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens avec les établissements de santé incluent des objectifs en termes d’activité en HAD, mais également avec les Unions régionales des médecins libéraux, ainsi que rendre obligatoire le stage en HAD pour les internes de médecine. Par ailleurs, l’HAD doit être en capacité de prendre en charge les populations âgées présentant plusieurs pathologies, les personnes atteintes de maladies chroniques, les patients en fin de vie. Il convient de maintenir la vocation généraliste de l’HAD et d’éviter la spécialisation des services que l’on connaît au sein des hôpitaux.
Enfin, l’HAD doit être offerte aux résidents des établissements et service médico-sociaux, qu’ils soient pour personnes âgées ou personnes handicapées. Dans le premier cas, l’HAD permet de médicaliser les Établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, dans le second, elle permet aux personnes en situation de handicap d’accéder aux soins, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Plutôt que de déplacer les personnes à l’hôpital, ce qui est généralement vécu comme un traumatisme entraînant la perte d’autonomie, il s’agit de faire venir l’hôpital dans leurs lieux de vie.
La crédibilité de l’HAD suppose que les prises en charge en HAD soient pertinentes. En particulier, les référentiels publiés par la Haute Autorité de santé doivent être appliqués et respectés. Les patients pris en charge en HAD doivent relever d’un motif et d’un diagnostic qui justifient bien d’une hospitalisation en médecine. Les structures doivent être vigilantes à ne pas faire des prises en charge relevant d’un Service de soins infirmiers à domicile (Ssiad). Par ailleurs, une réflexion doit être menée sur les suites de soins opératoires. De plus en plus d’actes chirurgicaux se font et vont se faire en ambulatoire, c’est-à-dire en moins de 24 heures. Il n’en reste pas moins, notamment pour les patients âgés, que des suites de soins peuvent s’avérer nécessaires sans toutefois nécessiter une hospitalisation dans un lit. Dès lors, il convient d’imaginer un système de financement qui conjugue à la fois chirurgie ambulatoire et suite de soins en HAD, système qui sera moins coûteux à l’Assurance maladie car ne nécessitant pas de capacités immobilières, et donc pas de charge d’investissement exorbitantes. Il est dommageable cependant que le parc hospitalier ait été reconstruit ces dernières années sans prendre en compte ce changement de mode de prise en charge. Mais si la prescription en HAD est pertinente, encore faut-il que les équipes soient en capacité de répondre aux besoins en termes de professionnels. En particulier, les compétences des équipes d’HAD doivent être les mêmes que celles des équipes hospitalières. Les mêmes conditions techniques de fonctionnement doivent être remplies, que ce soient en termes de gestion des risques, de circuit du médicament, etc., mais également de présence médicale. Bien trop souvent encore, la présence de médecins dans les services d’HAD n’est pas garantie suffisamment aujourd’hui. Et les structures d’HAD doivent fonctionner 24 heures sur 24, comme tout service hospitalier. Ce qui suppose une continuité des soins assurée par un médecin et la possibilité pour les équipes d’intervenir à tout moment du jour et de la nuit.
Tout ceci plaide bien sûr pour des structures d’HAD ayant une capacité en taille suffisante pour organiser une telle continuité.
L’HAD apparaît donc comme une nouvelle modalité de prise en charge des malades qui satisfait à la fois leurs attentes et les impératifs de meilleure maîtrise des dépenses d’Assurance maladie. Ce qui suppose cependant une adaptation certaine des structures d’HAD existantes qui ne sont pas encore pour la plupart de véritables services d’hospitalisation, mais également un changement de pratiques chez les médecins prescripteurs, qu’ils soient hospitaliers ou libéraux. L’HAD constitue une hospitalisation réactive, souple et à moindre coût. Pourquoi alors avoir reconstruit des hôpitaux avec autant de capacités en lits, dont les investissements pèsent fortement sur les budgets, alors que le domicile des malades est disponible sans investissement majeur, mais seulement un équipement mobile ? Car si le nouvel hôpital de demain est le domicile des patients, il n’en reste pas moins que les hôpitaux ont été reconstruits pour au moins trente à quarante ans. Et c’est très certainement là le frein majeur du développement de l’HAD, car il faut maintenant rentabiliser les investissements réalisés dans les murs.
Circulaire n° DGOS/R4/2013/398 du 4 décembre 2013 relative au positionnement et au développement de l’hospitalisation à domicile (HAD).