Regards croiséssur le Crex - Objectif Soins & Management n° 226 du 01/05/2014 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 226 du 01/05/2014

 

Management des soins

Anne Barrault*   Jacques Fourré**  

Après avoir mis en place des Comités de retour d’expérience (Crex) dans les différents départements de l’Institut de cancérologie de l’Ouest, basé à Saint-Herblain, près de Nantes, une enquête multicentrique a permis de mesurer l’intérêt des professionnels de radiothérapie pour cette démarche.

L’enquête réalisée auprès des patients indique que les notions de sécurité des soins et de risques à l’hôpital ne leur sont majoritairement pas étrangères, en particulier pour les patients les plus jeunes qui font des liens avec les accidents médiatisés et leur expérience professionnelle. La gestion des risques a priori semble alors normale, incontournable et source de confiance pour les patients comme pour les professionnels.

DES CREX POUR SÉCURISER LA PRISE EN CHARGE

En cancérologie, la prise en charge du patient fait intervenir de nombreux professionnels dans une dynamique pluridisciplinaire où les complémentarités permettent une prise en charge globale des besoins du patient. Les traitements contribuent à faire progresser à la fois la survie et la qualité de vie, mais intègrent aussi des processus complexes qui comportent des risques majeurs pour le patient. La sécuri­sation de la prise en charge des patients apparaît alors nécessaire dans une prise en charge pluridisciplinaire pour laquelle tous doivent coordonner leurs actions pour que les organisations ne soient pas des facteurs de risques supplémentaires pour le patient. La mise en place des Comités de retour d’expérience (Crex), tels qu’ils existent dans l’aéronautique ou certaines industries à risque, apparaît aujourd’hui comme une approche indispensable pour améliorer la sécurité de la prise en charge des patients. « Le Crex est une cellule qui rassemble autour de la même table un représentant de chacun des métiers impliqués dans la chaîne de soins… » (1) Il s’agit d’un groupe de travail pluridisciplinaire qui utilise les retours d’expérience et analyse des événements précurseurs, porteurs de risques. Les travaux réalisés en 1969 par Franck E. Bird, alors directeur des services d’ingénierie de l’Insurance Company of North America, et portant sur une étude de 1,7 million d’accidents, abondent en ce sens. Ainsi, pour chaque accident ayant entraîné une blessure grave ou une incapacité, il est survenu dix blessures mineures, trente accidents sans gravité et six cents incidents ou presque accidents (voir la pyramide de Bird page suivante).

Expérience de l’aéronautique

L’expérience de l’aéronautique, où le transport de passagers en avion fait appel à des systèmes complexes et où le crash fait plusieurs dizaines, voire centaines de victimes, a montré que l’ensemble de la boucle qualité, incluant le retour d’expérience, permet de sécuriser les processus. Alors que le nombre de vols n’a cessé de croître depuis 1960, les simulateurs de vol, puis l’analyse des vols et le travail en équipe ont fait diminuer les accidents entre 1960 et 1980. À partir des années 1990, la mise en place puis la généralisation du retour d’expérience et de la prise en compte des facteurs humains ont conduit à une baisse constante des accidents malgré une croissance exponentielle des vols (2).

Le Crex, ça fonctionne comment ?

Les personnels des différents secteurs déclarent les événements précurseurs rencontrés lors de la pratique professionnelle. Le Crex se réunit une heure trente, une fois par mois. Un événement est choisi parmi l’ensemble des événements déclarés. Des analystes formés sont chargés de faire une analyse systémique de l’événement présenté lors de la rencontre du mois suivant.

La méthode d’analyse utilisée, méthode Orion, issue de l’aéronautique, est intuitive et permet de comprendre le pourquoi de l’événement, d’identifier des actions correctives réfléchies et ainsi d’améliorer le système dans son ensemble. Elle se déroule en six étapes :

• la collecte des données ;

• la reconstitution de la chronologie des faits ;

• l’identification des causes et des facteurs influents ;

• les propositions d’actions ;

• la rédaction du rapport d’analyse. Il s’agit d’appliquer le modèle de James Reason, professeur de psychologie à la Manchester University, selon lequel l’événement provient d’un alignement des défaillances du système. Les facteurs d’influence constituent des fragilités du système global que l’on risque de retrouver de façon générique dans d’autres événements. Ils expliquent ce qui n’a pas fonctionné comme prévu, ce qui n’a pas été correctement mis en œuvre, ce qui n’a pas été efficace, permettant ainsi d’envisager les actions correctives à mettre en œuvre. L’ensemble des professionnels présents choisit une ou deux actions correctives et désigne le pilote de la mise en œuvre ;

• la rencontre se termine par une revue des actions correctives décidées lors des précédents Crex afin d’évaluer leurs réalisations, voire leurs impacts.

ÉVALUATION DES PROFESSIONNELS ET DES PATIENTS

Dans le domaine de la santé, c’est en juin 2005, avant même les accidents d’Épinal, que trois Centres régionaux de lutte contre le cancer – l’Institut Gustave-Roussy dans le Val-de-Marne, le Centre Oscar-Lambret dans le Nord, et le Centre Paul-Papin dans le Maine-et-Loire – participent à la démarche de développement de la sécurité en radiothérapie initiée par la Mission d’expertise et d’audit hospitalier (3,4).

Les premiers Crex

Les Crex en radiothérapie sont rendus obligatoires par l’arrêté ASN (Autorité de sûreté nucléaire) du 22 janvier 2009 fixant les obligations d’assurance de la qualité en radiothérapie et sont maintenant effectifs dans les services de radiothérapie français. Quelques années après la mise en place des Crex en radiothérapie et en chimiothérapie, nous avons choisi deux approches d’évaluation de ce dispositif très différentes qui, si elles ne relèvent pas d’une réelle recherche au sens scientifique, constituent une première base de questionnements ou d’hypothèses.

Le rôle du cadre

Le cadre de radiothérapie a choisi de porter un regard sur la culture sécurité et le retour d’expérience des professionnels sur l’ensemble des Centres de lutte contre le cancer, avec pour objectif une évaluation de la connaissance et du ressenti des professionnels par rapport au dispositif.

Le directeur des soins

Le directeur des soins a choisi de s’intéresser à la perception des patients traités par chimiothérapie, à la fois sur le dispositif Crex mais aussi sur une action mise en place et visible par tous.

Ce n’est que dans un second temps qu’il nous a semblé intéressant de rapprocher nos travaux pour en faire une présentation sous l’angle de regards croisés.

MÉTHODE

Enquête auprès des professionnels en radiothérapie

Un dispositif tel que le Crex ne va pas de soi dans sa mise en place. Le monde de l’aéronautique a mis plus de quarante années à construire sa culture de la sécurité. Celui de la santé devra être plus rapide dans son acculturation à ce nouveau processus de la sécurité des soins devenu moins hiérarchisé et où la pluridisciplinarité devient la pierre angulaire du système. Pour répondre à notre objectif d’évaluation de l’adhésion et de l’intérêt que les professionnels de santé portaient à la démarche, nous avons élaboré un court questionnaire d’une dizaine de questions pour que le facteur temps ne soit pas un frein aux réponses. Nous avons choisi de mixer six questions ouvertes et quatre questions à choix multiples. Nous avons adressé ce questionnaire à l’ensemble des professionnels des dix-huit départements de radiothérapie des Centres de lutte contre le cancer du groupe Unicancer. Les réponses étaient rattachées à un établissement pour permettre l’analyse, mais anonymes.

Enquête auprès des patients en chimiothérapie

Le dispositif de gestion des risques Crex existant au sein du département d’oncologie médicale dans l’établissement, il nous a semblé intéressant de connaître le point de vue des patients.

Nous avons choisi d’élaborer une grille et de réaliser des entretiens semi directifs, de courte durée, quinze à vingt minutes auprès des patients en cours de chimiothérapie dans l’ensemble des unités d’oncologie médicale de l’établissement. Pour éviter toute sélection des patients, nous avons juste demandé aux cadres s’il nous était impossible de rencontrer des patients pour des raisons de fatigue importante, d’altération de l’état général ou d’incapacité à communiquer. Seuls deux patients nous ont été signalés comme à ne pas rencontrer. Nous avons réalisé vingt entretiens au hasard des chambres, sur sept demi-journées. Lorsqu’un proche du patient était présent, nous avons choisi de ne pas le faire sortir, mais au contraire de noter aussi ses propos : ceci s’inscrit dans notre philosophie d’accompagnement des patients par leurs proches.

Pour des raisons de qualité d’écoute, nous avons choisi de ne noter que ce qui concernait les réponses à nos questions, mais ce, de façon exhaustive et fidèle pour une meilleure fiabilité du travail. De façon à ne pas influencer les réponses du patient, nous n’avons pas fait de relance, même lorsque les réponses étaient courtes, évasives ou peu en rapport avec la question ; ceci nous semblant aussi signifiant.

RÉSULTATS

Regards des professionnels

Seize établissements ont répondu dans les délais. Sur les 928 questionnaires distribués, il y a eu 499 réponses, soit un taux de participation de 54 %.

Première question

La première question visait à savoir si les professionnels, travaillant dans des services de radiothérapie où la mise en place de ce dispositif était obligatoire, connaissaient la signification de l’acronyme Crex. La majorité, soit 86,3 % des répondants, a donné la réponse exacte ; 3,3 % ont donné une réponse incomplète ; 3 % ont donné une réponse erronée et 7,4 % n’ont pas répondu.

Seconde question

La seconde question avait pour objectif d’évaluer la compréhension des professionnels par rapport au dispositif Crex (voir tableau page précédente).

Troisième question

Pour la troisième question, les professionnels devait citer trois verbes pour définir leur implication par rapport au Crex. Les réponses sont diversifiées, avec entre vingt et quarante-trois verbes différents par établissement.

Les verbes traduisant l’idée du recueil ou de l’analyse sont prédominants. Ensuite, viennent l’idée de mise en application, d’amélioration ainsi que la notion d’information. Dans une moindre mesure, les verbes concernant l’action de décision et de suivi sont présents d’une à trois fois par établissement. On retrouve aussi souvent l’idée du partage, de fédération, de valorisation, d’apprentissage, voire d’épanouissement. Enfin, apparaissent aussi les verbes : dénoncer, râler, tourner en rond.

À la question, « Estimez-vous être suffisamment informé des conclusions de chaque réunion Crex ? », la moyenne des réponses positives est de 66 %, la moyenne des réponses négatives est de 31 % ; 3 % des professionnels n’ont pas répondu. Un accès facile aux comptes rendus, des réunions de services, les réseaux Intranet, accès mails, affichage, classeur Crex, sont cités comme les éléments favorisant la circulation de l’information. Un retour personnalisé aux déclarants est également demandé. La participation au Crex se fait à travers une rotation régulière de ses membres, des réunions ouvertes sont régulièrement proposées par les répondants, le tout en dégageant le temps disponible nécessaire.

Une moyenne de 58 % des professionnels affirme être en capacité de citer une action corrective prise par le Crex et ayant amélioré de façon significative l’organisation ou la sécurité. Une moyenne de 42 % dit de ne pas pouvoir le faire. Une grande majorité des professionnels répond pourtant positivement à la question « Selon vous, la mise en place du Crex a-t-elle amélioré la prise en charge du patient en radiothérapie ? » (voir tableau ci-contre).

Fin du questionnaire

Pour terminer ce bref questionnaire, nous avons demandé des suggestions visant à améliorer le fonctionnement de la démarche Crex. La première, souvent citée, est le souhait de participation. Il est proposé également de suivre au mieux les actions d’amélioration, d’asseoir ces Crex sur une méthode rigoureuse et de porter une attention particulière sur la qualité de l’information. La mutualisation entre les services rencontrant les mêmes problématiques serait vue aussi comme un élément de consolidation.

Regard des patients

Nous avons rencontré huit hommes et douze femmes âgés de 27 à 85 ans, avec une médiane d’âge à 61 ans. Certains patients étaient hospitalisés pour leur première cure de chimiothérapie, alors que d’autres venaient depuis près de quatre ans dans l’établissement avec des périodes d’arrêt de traitement. Notre première question concernait la perception des Crex par les patients.

Impliqués

Tous les patients que nous avons rencontrés ont accepté de répondre à nos questions. Un quart des patients avaient un discours neutre avec une confiance absolue chez les plus âgés : « Je fais confiance au docteur ». Le patient le plus âgé n’a fait aucun commentaire. Deux patients de 43 et 58 ans venaient pour la première fois et le dernier a exprimé sa satisfaction globale.

En ce qui concerne les autres patients, il nous a semblé intéressant de souligner les notions qui apparaissaient, au-delà du simple fait de trouver que le dispositif est « bien… très bien » ou « positif ». D’une part, la notion de prévention ou de dynamique d’amélioration était présente chez la moitié des personnes interrogées : « C’est de la prévention, c’est mieux que d’attendre que des trucs graves arrivent. Améliorer, c’est toujours positif… Cela devrait se généraliser. Il faut toujours se remettre en cause et ne pas rester sur des vieilles habitudes, il faut des barrières pour que ça ne se reproduise pas. Ça fait avancer. »

Trois patients font spontanément le lien avec leur propre expérience professionnelle dans des milieux totalement différents : « Dans mon boulot, on avait aussi des trucs pour la sécurité… » ; « Dans mon travail, on a des retours d’expérience, c’est la même chose, mais c’est plutôt après des trucs un peu graves. C’est quand même mieux de le faire avant… » ; « Je travaillais dans une usine, on analysait déjà les points noirs. »

En confiance

Le discours des patients soulignait aussi le lien entre confiance et capacité des soignants à ne pas nier le risque. « J’ai eu des rayons et, la première fois que j’ai vu le médecin, ce n’était pas très longtemps après. Je lui ai demandé s’il arrivait d’avoir des accidents. Le médecin m’a répondu qu’il ny avait jamais eu d’accident grave mais que des incidents pouvaient arriver et que des choses avaient été mises en place pour les traiter. Si on m’avait dit qu’il n’arrivait jamais rien, je serais allé me faire soigner ailleurs. Les gens les plus dangereux sont ceux qui ne veulent pas voir. »

Un exemple précis

Pour rendre les choses plus concrètes pour les patients, nous les avons interviewés sur une action visible : le contrôle de conformité identité patient et préparation chimiothérapie par douchettes lecteur scanner à code barres, au lit du malade. Un quart des patients, les plus âgés, parlent de modernisme ou n’ont rien remarqué. En revanche, pour trois quarts des patients interrogés, l’objectif du contrôle d’identité est parfaitement bien compris. Le discours associait à la fois la perception de la gravité du risque en parallèle d’une normalité des barrières de sécurité mises en place. « L’humain peut toujours faire des erreurs. C’est rassurant. Cela évite des erreurs qui peuvent être graves. Vous vous rendez compte, si le malade reçoit le traitement d’un autre, ça peut être grave… C’est normal de limiter au maximum les risques. Les mesures de sécurité, c’est naturel à l’époque où l’on vit. Parfois, on se dit que c’est peut-être trop mais, quand on est concerné, on se dit que c’est un plus… C’est normal aussi à l’hôpital. »

Les patients faisaient des liens avec leur activité professionnelle : « Moi, dans mon travail, c’est environ 5 % d’erreurs. Il y en a toujours, malheureusement. Je sais que ça existe mais, quand je fais des factures, il n’y a pas mort d’homme ! Je suis un technicien, ça ne m’étonne pas. C’est normal, ces systèmes sécurité pour éviter les erreurs. De là à dire qu’il n’y a aucune erreur, je sais bien qu’il n’y a aucun système parfait. L’erreur est humaine, c’est un peu comme les avions, il ne faut pas être dans celui qui s’écrase. Il n’y a pas de risque zéro, mais il faut tendre à réduire la probabilité de faire des erreurs. Et ce sont les erreurs antérieures qui font qu’on ne veut pas que ça se reproduise, alors on met en place les systèmes pour les éviter. »

POUR NE PAS CONCLURE

Même si le risque zéro n’existe pas, ces Crex et les éléments opérationnels auxquels ils ont donné naissance sont vécus aujourd’hui de façon positive, à la fois par les patients et par les professionnels qui disent se sentir plus sécurisés – pour les premiers, dans leur prise en charge, et pour les seconds, dans leur exercice professionnel. Petit à petit, les Crex s’installent dans le paysage. Pour qu’ils deviennent pérennes et leur utilisation complètement comprise, nous devons être vigilants sur la qualité de l’information et renforcer la formation des équipes, notamment des nouveaux arrivants.

Le fil conducteur, le point récurrent de cette enquête est la volonté de participation des professionnels à la démarche.

Un Crex aux missions clairement et précisément définies, une rigueur dans son application et une vigilance particulière à impliquer tous les membres d’une équipe sont les éléments déterminants qui contribueront à la pérennisation de la démarche. Pour terminer, il semble essentiel de souligner que le facteur humain demeure une composante à ne jamais négliger pour sécuriser les organisations, et l’implication des managers reste essentielle pour passer de la culture de la faute à la culture de la sécurité.

Il semble aussi que, dans les années à venir, il faudra compter sur les malades, leur implication et leur rôle primordial d’acteur de leur propre santé.

NOTES

(1) Bertrand Petit H, Debouck F. “Système de management de la sécurité” en oncologie radiothérapie : du transport aérien vers le monde médical, Hôpitaux Magazine, avril 2008 n° 6, p.44.

(2) Cellier P. et al, Sécurité en radiothérapie : la mise en œuvre du retour d’expérience dans le cadre des chantiers MEAH, Dossier cancérologie, janvier-février 2008, pages 14-20.

(3) MEAH. Améliorer la sécurité en radiothérapie. Paris : MEAH, juin 2007. 39 pages.

(4) Barrault A., Debouck F., VIe Congrès mondial des infirmiers et infirmières francophones. Le savoir infirmier, promoteur du développement humain, Marrakech, 7 au 11 juin 2009. Disponible www.sidiief.org

PARTAGER LA CULTURE SÉCURITÉ AVEC LES PATIENTS

Il semble prématuré de tirer des conclusions qui seraient hâtives à partir d’une vingtaine de rencontres, d’autant que nous pouvons aisément imaginer que les patients sont peu enclins à critiquer d’emblée le dispositif Crex mis en place et qui leur est présenté. Le discours des quinze patients les plus jeunes, qui montre une réelle prise de conscience par les patients des risques à l’hôpital, peut cependant interpeller. L’attachement des patients à ce que les soignants ne nient pas et mettent tout en œuvre pour une sécurité maximale est remarquable. Si, chez les plus anciens, il semble que la confiance puisse être absolue, quasiment inhérente à la fonction, surtout lorsqu’il s’agit de la fonction médicale, les plus jeunes ne semblent plus du tout dans ce discours.

Pour eux, l’hôpital doit tout faire pour améliorer la sécurité et, même si le risque zéro n’existe pas, ne rien faire pour diminuer les accidents est inacceptable. Ceci est sans doute d’autant plus naturel que nombreux aujourd’hui sontles gens qui ont vu naître ou progresser dans leur milieu professionnel la culture de sécurité. Cette dynamique de partage de la culture sécurité avec les patients devient alors un nouvel enjeu managérial dans le domaine de la santé. Pour confirmer ou infirmer ces tendances, il convient sans doute de solliciter, de nouveau, les patients, en plus grand nombre, dans un autre domaine que la cancérologie, directement ou par l’intermédiaire des associations pour pouvoir aller plus loin, ce type d’étude auprès des patients étant à notre connaissance la première à ce jour.

La partage d’expérience : outil de management de la sécurité

La prise de conscience de l’intérêt d’un dispositif Crex des professionnels impliqués reste primordiale et pourtant n’apparaît pas comme totale. Le taux moyen de 54 % de réponses à notre questionnaire plus que satisfaisant, cache des disparités importantes allant de 10 et 87 % suivant les établissements.

De même, dans un quart des établissements, plus de 30 % des professionnels ne connaissent pas la signification de l’acronyme Crex, malgré l’obligation de leur mise en place depuis janvier 2009. Une majorité des professionnels appréciaient positivement l’impact des Crex sur la sécurité des soins.

Il reste à convaincre une minorité pouvant aller jusqu’à 50 % pour un établissement.

Quelques incompréhensions apparaissent puisque 31 % des personnes estiment qu’il est du rôle du Crex de déclarer les événements à l’Autorité de sûreté nucléaire et 2 % de rechercher un fautif et les verbes cités ne font apparaître que secondairement la notion de décision, pourtant essentielle à la légitimité et donc à la pérennité du dispositif.

Il convient de s’interroger sur la perception de ce pouvoir de décision des professionnels participant aux réunions des Crex. Est-il confisqué par certains ? La parole de chacun est-elle toujours entendue ? Chacun se sent-il autorisé à parler, à s’opposer ?

Concernant l’information, la disparité est très importante, avec des moyennes de professionnels se sentant bien informés ou mal informés, qui peuvent s’inverser selon les établissements.

Il y a sans doute à partager les expériences pour mieux comprendre ce phénomène, même s’il n’y a pas de corrélation évidente entre la perception des professionnels de leur information et leur capacité à citer une action mise en place. Le fait que plus de 40 % des professionnels ne puissent pas citer d’action mise en place interroge bien sur la communication et le suivi des actions mises en place.