Objectif Soins n° 227 du 01/06/2014

 

Qualité Gestion des risques

Anne-Lise Favier  

Si les filières de tri des déchets à l’hôpital se multiplient, la quantité de déchets reste globalement colossale. Comment faire face à cette problématique en conciliant également des aspects économiques et environnementaux ? Un nouveau défi que certains établissements ont déjà commencé à relever.

Une tonne de déchets par lit et par place, par an à l’hôpital : ce chiffre, retenu par le Comité du développement durable en santé, montre l’impact de la production de déchets à l’hôpital. Parmi eux, des déchets assimilables aux ordures ménagères, mais aussi des Dasri – déchets d’activités de soins à risque infectieux.

Pourtant, le Grenelle de l’environnement préconise une réduction à la source de la production de déchets en responsabilisant d’une part les producteurs et donc les hôpitaux, mais aussi en tablant sur une diminution de l’ordre de 15 % de la quantité de déchets qui part à l’incinération. Utopie, vœu pieux, il existe pourtant des pistes pour y parvenir et certains établissements ont déjà pris le virage écolo-économique.

Voici quelques pistes évoquées par le Comité du développement durable en santé, qui fait désormais figure de guide pour les hospitaliers qui veulent prendre le virage vert.

RÉDUIRE LES DÉCHETS D’EMBALLAGE

Un établissement peut générer jusqu’à cinquante tonnes de déchets de carton d’emballage par an : c’est un poste qui peut facilement évoluer à la baisse si les établissements favorisent une politique d’achat différente.

Certains hôpitaux y sont parvenus : la clinique Pasteur de Royan (Charente-Maritime) réutilise par exemple, via son prestataire, les housses d’emballage des tenues ; de son côté, la clinique Plein-Soleil (Hérault) a mis en place des achats de produits d’entretien en gros volumes pour réduire l’impact des emballages.

RÉDUIRE LES DÉCHETS LIÉS AU PLASTIQUE DES BOUTEILLES D’EAU

Oui, l’eau potable – et notamment sa distribution est un poste fortement générateur de déchets dans un hôpital : cinq cents bouteilles d’eau par lit, par an, soit, selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), douze kilos de déchets en plastique par an et par personne. Facilement compressible, ce poste peut être réduit en mettant en place des fontaines à eau potable ou en réutilisant les emballages déjà utilisés.

C’est l’option qu’a choisi le Centre de soins de suite et de réadaptation MGEN (Mutuelle générale de l’éducation nationale) La Menaudière (Loir-et-cher) en installant des fontaines à eau reliées au réseau d’eau potable, ce qui a permis d’économiser 455 bonbonnes – au final, une économie de 4 000 euros par an. De son côté, l’hopital d’Yvetot (Seine-Maritime) a installé des filtres pour inciter à la consommation d’eau du réseau.

DONNER UNE SECONDE VIE AUX DÉCHETS

On ne parle pas ici des produits tels que les dispositifs médicaux, mais de tout ce qu’un établissement de santé peut être amené à consommer en dehors des produits à usage unique : fauteuils roulants, lunettes, tout peut être collecté et revivre une seconde vie via les associations humanitaires. C’est ainsi que le centre hospitalier universitaire de Poitiers (Vienne) récupère de façon régulière des lunettes dans différents points de collecte de l’établissement.

HARO SUR LE GASPILLAGE ALIMENTAIRE

Dix à trente tonnes par an, c’est la quantité de nourriture qui finirait chaque année dans les poubelles d’un établissement de santé. Dans le but de l’éviter, certains établissements ont mis en place des actions afin de limiter les pertes.

Des mesures sont mises en place, notamment pour tenter de composer des repas en fonction des préférences et des profils des patients ou encore pour ajuster les portions sur les plateaux repas. D’autres actions sont possibles, comme proposer une alternative aux personnels que la traditionnelle composition “entrée-plat-dessert”, avec des tickets repas plus légers. À la Clinique Saint-Jean-de-Dieu (Paris), différentes formules de ticket de restauration ont été mises en place pour le personnel de santé et les patients reçoivent des menus à la carte aux portions adaptées.

FAIRE DU COMPOST

Le Grenelle de l’environnement a créé une obligation pour les gros producteurs de ces déchets d’en « assurer le tri à la source en vue de leur valorisation organique ». Pour les déchets issus des espaces verts, la valorisation est simple et facile à mettre en place par les responsables de ces espaces. Pour les autres déchets organiques, notamment ceux issus des plateaux repas, la mise en place est plus complexe, mais réalisable, en mettant en place par exemple une filière de compostage mécanique ou encore en transformant les déchets en résidus secs. Notamment parce que ces déchets, composés en grande quantité d’eau, pèsent lourds, au sens propre comme au figuré, dans les poubelles de l’hôpital.

RÉDUIRE LES DÉCHETS ISSUS DE L’USAGE UNIQUE

Si l’usage unique est parfois indispensable à l’hôpital, c’est un poste qui génère une quantité aussi invraisemblable qu’inutile de déchets sur certains postes : gobelets jetables, couches jetables, essuie-mains jetables, drap d’examen, vaisselle jetable, autant de postes où des marges de progrès sont possibles. Certaines maternités proposent l’utilisation de couches lavables, des établissements incitent à la réutilisation des gobelets initialement jetables dans les distributeurs.

Autant de “petits” gestes qui permettent d’économiser sur les déchets plastiques ou non valorisables.

CHANGER LES CONSOMMABLES

Un établissement de 140 lits utilise jusqu’à 2 000 ramettes de papier par mois ! Aussi, choisir un papier plus léger (70 grammes au lieu de 80), imprimer en mode éco et/ou en recto-verso permet d’économiser facilement sur ce poste.

LE CAS TRÈS PARTICULIER DES DASRI

Ils sont piquants, coupants, tranchants, issus d’activités de diagnostic, de suivi et de traitement préventif, curatif ou palliatif, et peuvent présenter des risques infectieux : eux, ce sont les Dasri, cinq lettres pour définir des déchets d’activités de soins à risque infectieux. Si le gisement annuel est toutefois difficile à évaluer, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) estimait en 2008 sa production à 163 000 millions de tonnes dont la grande majorité (155 000 tonnes) issues des établissements de santé. Un chiffre tout de même colossal si on le compare au chiffre de production des déchets ménagers - 770 000 tonnes en 2009. Il convient donc de bien identifier tous les Dasri le plus correctement possible. D’où l’importance cruciale du tri : tous les déchets d’activités de soins ne sont pas considérés comme “à risque” ; il convient de réaliser un tri contrôlé pour ne garder que les déchets comportant un risque avéré, d’autant que le coût d’élimination des déchets d’activités de soins à risques infectieux est jusqu’à cinq fois plus élevé que celui d’un déchet lambda.

CONCLUSION

Ces conseils, proposés par le Comité du développement durable en santé, permettent non seulement de réduire l’impact des déchets mais également de réaliser de substantielles économies. Le développement durable, c’est également ça ! Pour les déchets, l’hôpital, en tant que producteur, est responsable de leur élimination selon des règles spécifiques qui évoluent d’année en année.

La réglementation en vigueur (à consulter sur http://tinyurl.com/nzq267w pour l’arrêté du 14 octobre 2011) fixe la durée entre la production effective des déchets et leur incinération ou prétraitement par désinfection, ainsi que celle entre l’évacuation des déchets du lieu de production et leur traitement.

L’Organisation mondiale de la santé conclut sur la méconnaissance des dangers sanitaires, l’insuffisance de la formation à la gestion des déchets, l’absence de ressources financières et de réglementation adéquates dans certains pays.

Et si les modèles vertueux venaient des hôpitaux français ?

Les déchets hospitaliers dans le monde

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 80 % des déchets produits dans les hôpitaux ne sont pas dangereux ; pour les 20 % restants, un risque infectieux, toxique ou radioactif existe et peut être à l’origine d’accidents (comme les accidents d’exposition au sang). C’est pour ça que l’OMS met l’accent sur ce type de déchets dans un aide-mémoire (de 2011) voué à prendre en compte cette problématique.

À titre d’exemple, les injections pratiquées avec du matériel contaminé et non correctement éliminé auraient provoqué, selon l’OMS, 21 millions d’infections par le virus de l’hépatite Bet 260 000 par le VIH. Selon elle, « les déchets de soins sont des réservoirs de micro-organismes susceptibles d’infecter les patients hospitalisés, les personnels de santé et le grand public ». Ils ont également un impact indéniable sur l’environnement.

Après un recensement des différents types de déchets, l’OMS explique, sans surprise, que ce sont les hôpitaux qui sont les plus gros producteurs : la quantité moyenne de déchets dangereux par lit d’hospitalisation et par jour à 0,5 kilo dans les pays à revenu élevé et à 0,2 kilo dans les pays à revenu faible.

Et, bien au-delà des risques infectieux souvent connus, ces déchets peuvent provoquer des brûlures par irradiation, des blessures par des objets tranchants, des intoxications et pollutions dues au rejet de produits dans l’eau.

Dans cette note, l’OMS met l’accent sur l’insuffisance de traitement pour ces déchets, avec les effluents liquides ou les rejets de polluants dus à l’incinération incomplète.

Plus d’informations

• Sur le site du ministère de la Santé : www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/Guide_Dasri_BD.pdf

• La réglementation en vigueur (tinyurl.com/nzq267w)

• Les déchets liés aux soins de santé : www.who.int/mediacentre/factsheets/fs253/fr/