Quand l’hôpital passe au vert - Objectif Soins & Management n° 228 du 01/09/2014 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 228 du 01/09/2014

 

Qualité Gestion des risques

Anne-Lise Favier  

Si l’on imagine facilement un hôpital high-tech, truffé des dernières technologies, on se fait moins l’image d’un bâtiment vertueux en dépenses énergétiques et éco-construit. Et si l’avenir changeait la donne ?

Toit végétalisé, plafonds avec chauffage ou climatisation intégrés, grandes baies vitrées dans les chambres baignées par le soleil : vous ne rêvez pas, vous êtes bien à l’hôpital. Non, il ne s’agit pas d’une image d’Épinal, mais plutôt d’une vision d’avenir, celle proposée par les tout premiers établissements de santé construits en Haute Qualité Environnementale (HQE).

PIONNIER

Premier du genre, le centre hospitalier d’Alès, dans le Gard, 292 lits et places, a ouvert ses portes en 2011 en offrant à ses patients et aux professionnels de santé qui y travaillent tous les jours un cadre alliant technologie et écologie.

Technologie

L’établissement bénéficie des dernières technologies en matière de communication – réseau VDI pour “Voix-Données-Images”, terminal multimédia, système AGV pour Automatic Guided Vehicles, ou “bébé on line” pour les nouveau-nés en néo-natalité – mais le centre hospitalier d’Alès profite également de toute une construction basée sur l’économie des ressources énergétiques, sans avoir pour autant à sacrifier le confort du patient. Le réseau VDI permet de transporter toutes les informations à l’intérieur de l’hôpital, qu’elles soient informatisées (dossier patient) ou non, comme les voix, les images, les mesures de capteurs, etc. Le terminal multimédia permet, au lit du patient, de piloter Internet, téléphone et télévision : montée sur un bras articulé, l’interface est accessible pour le patient, qu’il se trouve assis ou allongé, avec une grande ergonomie d’utilisation, via un écran tactile. Pour les flux de linge propre/linge sale, les repas ou encore les déchets, l’hôpital a misé sur les AGV, système qui permet de dégager du temps au personnel soignant, qui peut alors se consacrer pleinement à son activité de soins.

Écologie

Le tout dans le plus grand respect de l’environnement et du patient. Utopique ? Non. Simplement écologique, ou tout le moins pensé de manière à optimiser la cohabitation entre les enjeux sanitaires propres à l’hôpital et les enjeux écologiques.

DÉMARCHE HQE

Apparue dans les années 1990, la Haute Qualité Environnementale (HQE) désigne un concept visant à réduire l’impact environnemental d’une construction (également valable pour une réhabilitation), du point de vue de la consommation des ressources naturelles. Menée à bien, cette HQE permet de disposer d’une qualité accrue de l’air, de l’eau et des locaux, en harmonie avec la santé du patient (lire l’encadré en page précédente).

Économique

Écologique, elle est aussi et surtout économique : elle permet de réguler naturellement l’éclairage des bâtiments, en optimisant leur implantation par rapport au soleil, de réduire la facture énergétique en choisissant un chauffage (ou une climatisation) intelligent reposant aussi sur les éléments naturels.

Proche des préoccupations hospitalières

Mieux encore, certaines dimensions du référentiel HQE peuvent avoir des implications directes sur les préoccupations de l’hôpital : lutter contre les infections nosocomiales, c’est l’affaire de la qualité sanitaire de l’eau et de l’air prôné par la HQE. Consommer moins d’énergie et moins d’eau, là aussi, c’est possible pour un établissement hospitalier, pourtant très gourmand, lorsqu’il s’inscrit dans une démarche HQE.

ÉCONOMIES LIÉES À L’ÉCOLOGIE

Moins de rejet carbone

À l’hôpital d’Alès, on chauffe à l’aide d’une chaufferie automatique au bois déchiqueté, approvisionné par une filière courte du pays Cévennes. L’installation couvre 80 % des besoins énergétiques en eau chaude sanitaire et chauffage, permettant une économie de 640 000 m3 de gaz naturels et un rejet carbone de 14 438 tonnes par an. Sur les toits, 47 m2 de panneaux solaires permettent d’alimenter la blanchisserie à 15 %, évitant la consommation de 4 200 m3 de gaz naturel et le rejet de 8,5 tonnes de CO2 ; 60 autres m2 produisent 5 500 kWh en photovoltaïque (économie de 0,5 tonne d’équivalent carbone par an).

Enregistrement Emas

Au-delà de la certification HQE, l’hôpital d’Alès a souhaité obtenir son enregistrement Emas. Emas, pour eco-management and audit scheme (système de management environnemental et d’audit), atteste de la conformité réglementaire et de la qualité du système de gestion d’un établissement. Il jauge également ses performances environnementales (lire l’encadré ci-contre).

EFFLUENTS HOSPITALIERS

Si l’hôpital d’Alès est le premier à avoir été certifié HQE, il n’est pas le seul à entreprendre une démarche environnementale vertueuse. De plus en plus d’établissements ont compris l’intérêt écologique et économique du passage au vert. Même la gestion de l’eau dont l’hôpital ne peut absolument pas se passer et celle des effluents liquides si polémiques ont désormais trouvé une réponse. Si l’on récupère de plus en plus les eaux de pluie pour l’arrosage des espaces verts et qu’on se dote partout de chasses d’eau économiques, il existe des postes où l’usage de l’eau est plus difficile à supprimer.

Alors, on pense à des solutions écologiques, même en stérilisation. Et on traite les effluents hospitaliers : la directive cadre 2000/60/CE impose en effet qu’à l’horizon 2015 un premier niveau de traitement soit fait pour les substances dangereuses. Certains établissements ont d’ores et déjà réfléchi à la possibilité de posséder leur propre station d’épuration. Celle-ci permettrait de réduire l’émission d’effluents toxiques vers l’extérieur de l’hôpital, les rejets médicamenteux faisant de plus en plus l’objet de polémiques.

L’image d’un hôpital vertueux avec l’environnement est plus que jamais d’actualité et devient désormais le modèle à suivre.

Les bases du référentiel HQE

Si la Haute Qualité Environnementale répond à 14 cibles bien précises, elle peut se résumer, pour un établissement hospitalier, en quatre points forts.

• L’éco-construction a pour objectif d’intégrer le nouveau bâtiment en accord avec son environnement immédiat.

• L’éco-gestion repose sur la gestion des ressources nécessaires au bon fonctionnement de l’hôpital.

• Le confort des personnes (patients et professionnels de santé) est primordial.

• La qualité de la prise en charge médicale est évidemment optimale, tout en tenant compte des risques potentiels associés aux soins, dans l’environnement de travail (eau, air, surfaces).

Aller plus loin dans la démarche avec Emas

Le ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie (DDE) a accompagné le secteur de la santé pour la mise en œuvre et la diffusion du système communautaire de management environnemental et d’audit (Emas) déjà existant dans d’autres domaines.

En partenariat avec le Comité pour le développement durable en santé (C2DS), une douzaine d’établissements hospitaliers ont été appuyés dans leur démarche, avec la réalisation d’un audit interne, un audit externe et d’une reconnaissance officielle par le ministère.

Ce partenariat avec le secteur de la santé s’est concrétisé par la publication d’un guide* méthodologique mis à disposition des établissements et services du secteur de la santé. L’Emas n’est pas une obligation.

Mais les établissements obtiennent en contrepartie une reconnaissance internationale, de même type que l’ISO 14001, sur l’efficacité de leur management.

* À consulter via le lien abrégé http://petitlien.fr/7fnd sur le site du Comité pour le développement durable en santé.