Objectif Soins n° 229 du 01/10/2014

 

Droit

Gilles Devers  

Il n’était pas toujours évident de trouver les textes. Le circuit du médicament est par nature transversal, et il fallait aller rechercher dans chaque régime professionnel. Pour pallier cet inconvénient, un texte très utile a été publié : l’arrêté ministériel du 6 avril 2011 relatif au management de la qualité de la prise en charge médicamenteuse et aux médicaments dans les établissements de santé. Or l’expérience montre que ce texte reste peu connu des professionnels.

Les établissements de santé, s’ils ne peuvent s’engager à un résultat, du fait de l’aléa propre à toute prise en charge humaine, doivent réunir tous les moyens pour aller vers le meilleur résultat, qui s’apprécie au regard de la qualité des soins et de la sécurité apportée dans leur réalisation. À ce titre, la question du médicament est emblématique : la prescription, le choix, les effets sont soumis à l’hypothèque humaine, avec la part d’incertitude liée à l’appréciation de la situation clinique, ou aux réactions. En revanche, le circuit du médicament est lui parfaitement balisé, par des textes précis et impératifs. Sur ce volet, s’écarter des textes, c’est commettre une faute, car c’est priver le patient de ce qu’il est en droit d’attendre en termes de qualité et de sécurité.

La prise en charge médicamenteuse est un processus combinant des étapes pluridisciplinaires et interdépendantes visant un objectif commun : l’utilisation sécurisée, appropriée et efficiente du médicament chez le patient pris en charge par un établissement de santé.

PRESCRIPTION DES MÉDICAMENTS

La prescription de médicament est rédigée après examen du malade hospitalisé, sur une ordonnance et indique lisiblement :

→ le nom, la qualité et, le cas échéant, la qualification, le titre ou la spécialité du prescripteur telle que défini à l’article R 5121-91 du Code de la santé publique, son identifiant lorsqu’il existe, nom, adresse de l’établissement et coordonnées téléphoniques et électroniques auxquelles il peut être contacté, sa signature, la date à laquelle l’ordonnance a été rédigée ;

→ la dénomination du médicament ou du produit prescrit, ou le principe actif du médicament désigné par sa dénomination commune, la posologie et le mode d’administration et, s’il s’agit d’une préparation, la formule détaillée ;

→ la durée de traitement ;

→ les nom et prénom, le sexe, l’âge du malade, sa taille et son poids.

La prescription peut être rédigée, conservée et transmise de manière informatisée, sous réserve qu’elle soit identifiée et authentifiée par une signature électronique et que son édition sur papier soit possible. Toute prescription destinée à un patient non hospitalisé est rédigée sur une ordonnance conformément à l’article R 5132-3 CSP et doit indiquer le nom et l’adresse de l’établissement, l’identification de l’unité de soins ainsi que le numéro d’inscription de l’établissement en tant qu’entité géographique au fichier national des établissements sanitaires et sociaux. Dans les établissements, toutes précautions doivent être prises pour garantir le respect de la confidentialité et éviter les pertes, les vols et les falsifications des documents de prescription. En cas de perte ou de vol ou de falsification, déclaration en est faite sans délai aux autorités de police. Toutes autres précautions complémentaires en fonction des caractéristiques de chaque établissement peuvent être prises.

Liste des personnes habilitées à prescrire

Le président du directoire ou le représentant légal de l’établissement établit la liste des personnes habilitées, conformément à la législation et à la réglementation en vigueur, à prescrire des médicaments. Il la communique au pharmacien assurant la gérance de la pharmacie à usage intérieur et en assure la mise à jour.

Dispensation

La dispensation est réalisée conformément à l’article R 4235-48 CSP.

Le pharmacien doit assurer dans son intégralité l’acte de dispensation du médicament, associant à sa délivrance :

→ l’analyse pharmaceutique de l’ordonnance médicale si elle existe ;

→ la préparation éventuelle des doses à administrer ;

→ la mise à disposition des informations et les conseils nécessaires au bon usage du médicament.

Il doit, par des conseils appropriés et dans le domaine de ses compétences, participer au soutien apporté au patient.

Les médicaments peuvent être délivrés globalement à l’unité de soins en renouvellement d’une dotation adaptée, préalablement définie par le pharmacien et le médecin responsable de l’unité de soins ou, à défaut, celui désigné par l’ensemble des prescripteurs concernés, cela dans l’attente de la mise en place d’une informatisation pour permettre à la pharmacie à usage intérieur l’accès aux informations nécessaires à l’analyse pharmaceutique des prescriptions.

L’établissement s’organise pour garantir une validation pharmaceutique pour les médicaments à risque.

PRÉPARATION

Les préparations courantes (article L 5121-1 du CSP et pour la recherche article L 5121-1-1 du CSP) sont réalisées conformément aux bonnes pratiques de préparation dans les établissements disposant d’une pharmacie à usage intérieur dûment autorisée ou dans les conditions prévues à l’article L 5126-2 du CSP.

APPROVISIONNEMENT

Les actions entreprises dans le domaine de l’achat-approvisionnement en produits pharmaceutiques doivent respecter les réglementations concernées, et notamment le Code de la santé publique, le Code des marchés publics pour les établissements concernés, le Code de la Sécurité sociale, le Code de commerce, la réglementation dans le domaine de la concurrence et intégrer la prévention des risques liés au médicament.

La fonction approvisionnement doit permettre la sécurité d’approvisionnement et de stockage des produits “entrants” dans l’établissement.

La réception des médicaments par la pharmacie à usage intérieur quand elle existe fait l’objet d’un rapprochement entre le bon de commande, le bon de livraison et la livraison.

DÉTENTION ET STOCKAGE

Les médicaments sont détenus dans des locaux, armoires ou autres dispositifs de rangement fermés à clef ou disposant d’un mode de fermeture assurant la même sécurité et des conditions de conservation garantissant l’intégrité du médicament. Les locaux de stockage, de distribution et de dispensation doivent être conformes aux bonnes pratiques de pharmacie hospitalière.

Pour les établissements disposant d’une pharmacie à usage intérieur :

→ le pharmacien décide en accord avec le cadre de santé de l’unité fonctionnelle ou son équivalent de l’organisation, des dispositifs de rangement des médicaments dans l’unité ;

→ le cadre de santé de l’unité fonctionnelle ou son équivalent ou un infirmier diplômé d’État désigné par écrit par le responsable de l’unité, en accord avec le pharmacien, définit des procédures pour les commandes, la réception et les conditions de stockage des médicaments, permettant de sécuriser l’accès aux médicaments détenus ;

→ le pharmacien et le médecin responsable de l’unité de soins ou à défaut celui désigné par l’ensemble des prescripteurs concernés déterminent, après consultation du cadre de santé ou d’un infirmier désigné par écrit par le responsable de l’unité de soins, la dotation de médicaments permettant de faire face, dans l’unité concernée, aux besoins urgents ;

→ le pharmacien ou toute personne désignée par lui doit notamment contrôler les quantités au regard des prescriptions faites, le mode de détention et le respect des règles d’étiquetage et de conservation des médicaments ;

→ les médicaments doivent être détenus de préférence dans leur conditionnement d’origine ou à défaut dans des contenants étiquetés selon les dispositions suivantes : stupéfiants (étiquette blanche avec large filet rouge) ; liste I (étiquette blanche avec large filet rouge) ; liste II (étiquette blanche avec large filet vert).

Ces étiquettes devront comporter au minimum :

→ la dénomination de la spécialité et, le cas échéant, la dénomination commune internationale ou des principes actifs ;

→ le dosage exprimé en quantité et/ou en concentration ;

→ la forme pharmaceutique ;

→ la voie d’administration ;

→ la date de péremption ;

→ le numéro de lot.

Les médicaments doivent rester identifiables jusqu’au moment de leur administration.

Le pharmacien ou toute personne désignée par lui procède à des audits réguliers des conditions de stockage et de détention des médicaments dans les unités fonctionnelles ou leurs équivalents pour s’assurer de leur bonne qualité. Le procès-verbal des audits doit être daté et cosigné par le pharmacien et le responsable de l’unité fonctionnelle ou son équivalent. L’unité fonctionnelle ou son équivalent doit disposer de la documentation nécessaire pour chaque médicament détenu. Une attention particulière est portée aux conditions de détention et de stockage afin d’éviter tout risque de confusion entre les produits, notamment entre médicaments génériques, et d’altérations liées aux variations de température, et à l’exposition à la lumière.

Le cadre de santé de l’unité de soins ou son équivalent fixe, en accord avec le pharmacien, les dispositions propres à garantir la sécurité de l’accès aux clefs des dispositifs de rangement lorsqu’ils existent.

TRANSPORT

Tout transport de médicaments entre la pharmacie à usage intérieur et les unités fonctionnelles ou leur équivalent doit se faire dans des conditions d’hygiène et de sécurité permettant notamment de respecter le maintien des températures pour les produits thermosensibles, de garantir la sécurité par tout système de fermeture approprié et d’assurer un transport rapide pour les besoins urgents et les produits à faible stabilité.

Le responsable du transport des médicaments, entre la pharmacie à usage intérieur et les unités fonctionnelles ou leur équivalent, est identifié.

ADMINISTRATION

L’administration des médicaments est effectuée par du personnel appartenant aux catégories définies réglementairement comme autorisées à administrer des médicaments. Celle-ci nécessite la vérification :

→ de l’identité du patient et médicaments à administrer, au regard de la prescription médicale ;

→ de la date de péremption des médicaments et leur aspect ;

→ du mode d’administration.

Le cas échéant, la reconstitution des médicaments est réalisée extemporanément selon le résumé des caractéristiques du produit et les protocoles d’administration écrits et validés au sein de l’établissement. Sans préjudice des dispositions particulières concernant les médicaments classés comme stupéfiants, toute administration de médicaments est enregistrée (dose administrée et heure d’administration) au moment de sa réalisation en utilisant le support de prescription.

La retranscription des prescriptions n’est pas autorisée.

Lorsque le médicament n’a pas été administré, l’information est tracée sur le support de prescription, le prescripteur et le pharmacien en sont informés.

GESTION DU TRAITEMENT DU PATIENT

Les modalités de gestion du traitement personnel des patients sont définies afin d’assurer la continuité des soins et de garantir la sécurité du patient.

Il ne devra être mis ou laissé à la disposition des patients aucun médicament en dehors de ceux qui leur auront été prescrits dans l’établissement.

DISPOSITIONS PARTICULIÈRES : MÉDICAMENTS CLASSÉS COMME STUPÉFIANTS

La prescription doit être conforme à l’article R 5132-29 du CSP. En outre, pour les patients non hospitalisés et les prescriptions de sortie, les prescriptions doivent être rédigées conformément à l’article R 5132-5 du CSP. L’administration de tout médicament classé comme stupéfiant ou soumis à la réglementation des stupéfiants fait l’objet d’une transcription sur un document spécial ou sur le document de prescription mentionné à l’article R 5132-3 du CSP des données suivantes :

→ le nom de l’établissement ;

→ la désignation de l’unité de soins ;

→ la date et l’heure de l’administration ;

→ les nom et prénom du malade ;

→ la dénomination du médicament et sa forme pharmaceutique ;

→ la dose administrée ;

→ l’identification du prescripteur ;

→ l’identification de la personne ayant procédé à l’administration et sa signature.

Les relevés d’administration sont datés et signés par le médecin responsable de l’unité de soins et adressés à la pharmacie qui les conserve pendant trois ans. Ils peuvent être effectués de manière informatisée sous réserve qu’ils soient identifiés et authentifiés par des signatures électroniques et que leur édition sur papier soit possible.

Le renouvellement de quantités prélevées à partir de la dotation pour besoins urgents est réalisé sur présentation d’un état récapitulatif figurant sur un imprimé de couleur rose, et ne peut être effectuée que sur présentation des doubles des documents de prescription accompagnés d’un état récapitulatif signé par le médecin responsable de l’unité de soins.

Cet état récapitulatif s’accompagne des relevés d’administration concernant les médicaments qui ont été prélevés dans cette dotation.

En outre, le pharmacien peut exiger que lui soient remis les conditionnements primaires correspondant aux quantités consommées.

Les médicaments contenant des stupéfiants doivent être remis, par le pharmacien ou les internes en pharmacie et les étudiants de cinquième année hospitalo-universitaire ayant reçu délégation du pharmacien dont ils relèvent, ou les préparateurs en pharmacie sous le contrôle effectif des pharmaciens, au cadre de santé ou son équivalent désigné par le médecin responsable de l’unité de soins et le pharmacien ou le cas échéant au prescripteur lui-même.

Dans les locaux, armoires ou autres dispositifs de rangement fermés à clef ou disposant d’un mode de fermeture assurant la même sécurité, réservés au stockage des médicaments, les médicaments classés comme stupéfiants sont détenus séparément dans une armoire ou un compartiment spécial banalisé réservé à cet usage et lui-même fermé à clef ou disposant d’un mode de fermeture assurant la même sécurité. Des mesures particulières de sécurité contre toute effraction sont prévues.

ERREUR MÉDICAMENTEUSE

L’erreur médicamenteuse est l’omission ou la réalisation non intentionnelle d’un acte au cours du processus de soins impliquant un médicament qui peut être à l’origine d’un risque ou d’un événement indésirable pour le patient.

L’erreur médicamenteuse peut être avérée ou potentielle (interceptée avant l’administration au patient).

L’analyse a posteriori de l’erreur permettra de la caractériser et de la qualifier par sa nature, son type, la gravité de ses conséquences cliniques pour le patient, l’étape de réalisation dans la chaîne de soins. L’erreur peut trouver sa source dans une mauvaise conception du médicament et de l’information qui lui est relative (confusion de dénomination, conditionnement inadapté, problème d’étiquetage ou de notice d’information, etc.), ou dans l’organisation systémique du processus de prise en charge thérapeutique du patient (organisation du circuit du médicament, facteurs humains, facteurs environnementaux, pratiques professionnelles, etc.).

ÉVÉNEMENT INDÉSIRABLE

L’événement indésirable est la réaction nocive et non recherchée survenant chez l’homme utilisant ou exposé à un produit de santé sans préjuger d’un lien de cause à effet.

Un événement indésirable est jugé évitable quand il ne serait pas survenu si les soins avaient été conformes à la prise en charge considérée comme satisfaisante au moment de sa survenue. L’appréciation du caractère évitable est fondée sur un questionnement préalable : rapport bénéfice/risque des soins associés à l’événement, degré de déviation des soins par rapport à la pratique attendue définie dans la stratégie de soins individuelle, dans les protocoles de soins et recommandations existants dans l’unité, prise en charge identique par la plupart des médecins ou professionnels dans un contexte identique.

Tout est dit. Il reste juste à appliquer ces dispositions réglementaires…