La vie privée constitue une liberté qui fait l’objet d’une protection juridique particulièrement stricte. Toute atteinte engage la responsabilité, y compris pénale, de l’auteur.
PRINCIPES DE PROTECTION
Si l’agent hospitalier est soumis à certaines obligations de par son statut, il a droit, comme tout citoyen, au respect de sa vie privée.
Continuité du service public
Le Conseil constitutionnel(1) considère que la continuité du service public a le caractère d’un principe de valeur constitutionnelle. Pour l’organisation du service public de santé, le pouvoir discrétionnaire de l’administration lui permet d’agir, de s’abstenir ou de décider, avec une marge plus ou moins grande de liberté, en fonction d’une appréciation d’opportunité. Cette marge de manœuvre permet à l’administration un choix relatif entre des mesures et comportements légaux. Ce pouvoir discrétionnaire imprègne fortement le statut et les obligations des fonctionnaires, qui sont titulaires d’un grade et non d’un poste. Il répond notamment aux nécessités de continuité du service public. Précisément, l’hôpital public est soumis aux dispositions de l’article L6112-1 du Code de la santé publique, disposant que « les établissements de santé peuvent être appelés à assurer, en tout ou partie, […] la permanence des soins ». L’article L6112-3 du même code précise également que l’établissement assure aux personnes accueillies « la permanence de l’accueil et de la prise en charge ».
Il est clair que l’exigence de continuité est forte à l’hôpital, dont on n’imagine pas qu’il puisse laisser des patients à l’abandon. Le pouvoir discrétionnaire de l’administration hospitalière est cependant limité par le principe de légalité et la soumission aux règles de droit administratif. Ce pouvoir connaît des limites, même au regard de la continuité du service, dès lors qu’il s’agit de la protection de la vie privée des agents publics. Si la continuité du service public est un principe constitutionnel, il appartient à la direction de l’établissement de santé d’organiser le travail pour assurer sa continuité avec les moyens légaux mis à sa disposition. Ainsi, en cas d’absence inopinée d’un agent, elle peut faire appel à ceux placés sous astreinte. Elle peut aussi se servir de remplaçants éventuellement présents en surplus. Si nécessaire, les agents en service peuvent être maintenus sur leur poste au titre de la continuité et de la sécurité des soins. Cette dernière hypothèse extrême doit toujours relever de l’exception. En effet, l’article L4121-1 du Code du travail, applicable à la fonction publique, exige de l’employeur qu’il prenne des mesures pour « protéger la santé physique et mentale des travailleurs », concrétisées notamment par la « mise en place d’une organisation et de moyens adaptés ».
Protection de la vie privée
En droit interne, le Conseil constitutionnel(2) considère que « la méconnaissance du droit au respect de la vie privée peut être de nature à porter atteinte à la liberté individuelle ». De même, les sages(3) ont rappelé qu’au regard de l’article 2 de la Déclaration de 1789, « la liberté proclamée par cet article implique le respect de la vie privée ». Lejuge constitutionnel(4) consacre également le principe d’inviolabilité du domicile, en rappelant que « la liberté proclamée par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 implique le droit au respect de la vie privée et, en particulier, de l’inviolabilité du domicile ». L’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, applicable en droit interne, prévoit que « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi ».
L’article 9 du Code civil dispose également que « chacun a droit au respect de sa vie privée ». De plus, cette protection est particulièrement efficace, puisque « les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, […] propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée ». Cette protection est également d’une grande réactivité car les mesures « peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en référé ».
Dans la fonction publique, le juge répressif peut sanctionner l’autorité hiérarchique qui violerait l’intimité de la vie privée, en vertu de l’article 432-4 du Code pénal. Ce texte incriminateur prévoit qu’« une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, agissant dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission », qui ordonnerait ou accomplirait arbitrairement « un acte attentatoire à la liberté individuelle » serait punie « de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende ».
Il y a de plus une proximité objective entre l’atteinte à la vie privée et le harcèlement. Les dispositions de l’article L1152-1 du Code du travail relatives au harcèlement moral sont applicables à la fonction publique. Ce texte dispose qu’« aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ». L’article 222-33-2 du Code pénal réprime « le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ».
On retrouve également ce principe inscrit à l’article 6 quinquies du statut général de la fonction publique(5), selon lequel aucun fonctionnaire « ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ». Évidemment, la protection contre le harcèlement s’applique vis-à-vis des usagers, mais aussi entre fonctionnaires et agents publics. À ce propos, dans un arrêt du 10 novembre 2009, la Cour de cassation(6) retient que le harcèlement moral ne nécessite pas l’intention de nuire de l’auteur des faits. Selon la Haute Juridiction judiciaire, « le harcèlement est constitué, indépendamment de l’intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé ».
Cette dernière décision judiciaire relève certes du droit privé, mais elle apparaît transposable au service public hospitalier. La logique du juge judiciaire suprême implique, pour l’encadrement, d’être particulièrement vigilant à ne pas se trouver involontairement dans une situation de harcèlement moral. En effet, cela pourrait être le cas à l’occasion de contraintes de service particulièrement aiguës à gérer, qui amèneraient à solliciter le personnel à son domicile de manière insistante. Dans ces circonstances, les éléments de répétition et d’atteinte aux conditions de travail peuvent être réunis et constituer des faits de harcèlement moral. Il importe alors que l’encadrement en ait conscience.
Protection des données personnelles comme éléments de la vie privée
L’article 2 de la loi du 6 janvier 1978(7) s’applique aux données non automatisées à caractère personnel, contenues dans des fichiers. Ainsi, « constitue une donnée à caractère personnel toute information relative à une personne physique identifiée […] par référence à […] un ou plusieurs éléments qui lui sont propres ». Le texte définit également « un traitement de données à caractère personnel (comme) toute opération […] portant sur de telles données, quel que soit le procédé utilisé ». Un fichier de données à caractère personnel est défini comme « tout ensemble structuré et stable de données à caractère personnel accessibles selon des critères déterminés ». L’article 7 de cette même loi dispose enfin qu’« un traitement de données à caractère personnel doit avoir reçu le consentement de la personne concernée ou satisfaire à (certaines conditions) ». Pour déroger au consentement de la personne, il doit s’agir, soit du « respect d’une obligation légale », ou bien de « l’exécution d’une mission de service public dont est investi le responsable ou le destinataire du traitement », ou enfin de la « réalisation de l’intérêt légitime […] sous réserve de ne pas méconnaître l’intérêt ou les droits et libertés fondamentaux de la personne concernée ». La liste de coordonnées téléphoniques d’agents hospitaliers publics constitue bien un fichier aux yeux du législateur. Sa constitution et sa gestion sont donc strictement définies par la loi. C’est ce qu’a confirmé la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA)(8), soulignant que les coordonnées téléphoniques relèvent de la vie privée et en précisant que « tout traitement ou tout usage d’une telle liste est susceptible d’être subordonné au respect des dispositions de la loi du 6 janvier 1978 ».
PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE
Il s’agit des personnels en repos qui ne sont pas en astreinte règlementaire et hors situation d’urgence officielle (Plan blanc) ou de réquisition par le représentant de l’État (Plan blanc élargi). En situation d’exception officielle, comme le déclenchement du Plan blanc, l’agent peut être appelé à son domicile s’il a communiqué ses coordonnées. Dans les cas extrêmes de réquisition préfectorale, il appartient au représentant de l’État d’organiser le contact avec les agents réquisitionnés. Quant à l’assignation par le directeur, elle ne concerne que le service minimum en cas de grève et doit être anticipée dès que le préavis est connu.
Communication volontaire des coordonnées personnelles
Pouvoir contacter les agents hospitaliers, notamment en cas de situations d’exception, c’est la question qui s’est posée très tôt. Le gouvernement a clarifié la situation dès 1985(9). Le ministre était interrogé sur le fait que « certains établissements (exigeaient) de leur personnel […] la communication de ses coordonnées téléphoniques à titre confidentiel en invoquant le fait qu’il (puisse) être sollicité en cas de besoin urgent (catastrophe, plan ORSEC, etc.). » Dans un premier temps, le ministère a rappelé que « certains personnels non médicaux des établissements d’hospitalisation publics, logés par nécessité de service, doivent à tour de rôle assurer une astreinte à domicile afin de répondre rapidement aux urgences éventuelles ». La liste est limitative, il s’agit des « personnels de direction et des pharmaciens résidents ». À ce titre, « le numéro de téléphone de leur domicile est […] obligatoirement connu de l’établissement employeur ». En revanche, la réponse précisait clairement, dans un second temps, qu’« aucune disposition réglementaire ne (permettait) d’obliger les autres catégories d’agents à communiquer à leur employeur le numéro de téléphone de leur domicile personnel. Une telle communication ne (pouvait) être effectuée qu’à titre volontaire ». Il résulte donc, de cette réponse gouvernementale, une délimitation claire des catégories de personnels particulièrement assujettis, excluant les autres personnels de ces sujétions..
Appel des agents hospitaliers à leur domicile
Service public hospitalier “ordinaire”
Selon la réponse du ministère vue précédemment, il s’avère que les agents hospitaliers ne sont pas tenus de communiquer leur numéro de téléphone à leur hiérarchie. A fortiori, ils ne peuvent faire l’objet d’appel de plein droit de la part de leur hiérarchie à leur domicile. De plus, la question ne devrait même pas se poser puisqu’il n’est aucunement obligatoire pour un agent public de souscrire un abonnement téléphonique. En effet, à propos des sujétions spéciales, le Gouvernement a prévu le régime spécifique des astreintes dans un décret du 4 janvier 2002(10). L’article 20 définit l’astreinte comme « une période […] pendant laquelle l’agent, qui n’est pas sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de son employeur, a l’obligation d’être en mesure d’intervenir pour effectuer un travail au service de l’établissement ». Tout agent n’est pas tenu d’entrer dans un dispositif d’astreinte puisque selon l’article 21, « les astreintes sont organisées en faisant prioritairement appel à des agents volontaires ». Enfin, si l’article 24 prévoit que « les agents assurant leur service d’astreinte doivent pouvoir être joints par tous les moyens appropriés », ces moyens sont « à la charge de l’établissement, pendant toute la durée de cette astreinte ». Il est donc clair que le recours à un agent hospitalier à son domicile ne se conçoit que dans le régime règlementaire spécifique des astreintes et par un dispositif dédié de télécommunication. L’organisation du temps de travail doit être en principe anticipée. Le tableau de service des agents répond à des exigences réglementaires prévues à l’article 2 du même décret de 2002. Par principe, il doit « être porté à la connaissance de chaque agent quinze jours au moins avant son application ». De plus, en cas de nécessité de changement, « toute modification dans la répartition des heures de travail donne lieu, 48 heures avant sa mise en vigueur […], à une rectification du tableau de service établi et à une information immédiate des agents concernés par cette modification ». Cependant, toujours selon le même décret et par exception, des mesures urgentes d’affectation et/ou d’emploi du temps pourront toutefois intervenir, dans les cas de « contrainte impérative de fonctionnement du service ». Ces mesures inhérentes à la continuité du service public hospitalier sont admissibles et relèvent du pouvoir discrétionnaire de l’autorité hiérarchique, mais tant qu’elles relèvent de l’exception et ne constituent pas le mode d’organisation habituel.
Situations d’exception : Plan blanc
Le Plan blanc est déclenché pour faire face à un afflux exceptionnel de victimes. L’activation appartient au directeur de l’établissement concerné ou, par délégation, à l’administrateur de garde. Dans cette hypothèse, la circulaire du 2 mai 2003(11) prévoit que « dans la perspective d’un rappel du personnel, notamment en cas de catastrophe nocturne ou durant des jours fériés, une procédure téléphonique doit être prévue ». Mais apparaît une réserve fondamentale, puisque « les personnels inscrits sur la “liste rouge” des abonnés du téléphone, ne sont pas tenus réglementairement de communiquer leur numéro de téléphone ». La circulaire reprend ici la logique de la réponse ministérielle (voir supra). Ce fichier de coordonnées personnelles bénéficie d’une protection particulière, conformément à la volonté du législateur, puisque pour « permettre ce rappel téléphonique, les listes des coordonnées ne doivent être communiquées qu’aux personnes appelées à en connaître ». À cette fin, « chaque établissement arrête le lieu de dépôt de cette liste et fixe les modalités permettant à tout moment à la cellule de crise et au standard d’en prendre connaissance ». Enfin, de manière à « concilier le caractère confidentiel de données personnelles et la possibilité d’être joint en cas de rappel », le dispositif de protection prévoit également que « ces listes sont placées sous enveloppe scellée, à n’ouvrir que sur ordre du directeur ». Le texte précise en sus que « le responsable de l’actualisation de ces listes est identifié ». Le tout doit faire l’objet d’un « protocole […] rigoureusement défini ». Dans les faits, le système peut être dévoyé, et cette protection est peu effective dans nombre d’établissements.
La circulaire prend ensuite un ton plus ambigu, sans formuler une obligation, en énonçant que « les conditions relatives à l’obligation de service légitiment la communication de cette information à l’établissement ». Il s’agit d’une formulation de tonalité contradictoire dont on peine à saisir le sens et la portée, au regard des termes précédents qui excluent toute obligation. Il faut enfin souligner que l’autorité hiérarchique dispose d’une prérogative essentielle dans ce cas, puisqu’elle peut maintenir l’agent à son poste s’il est en service. En dehors de la situation d’exception que constitue le Plan blanc, l’agent hospitalier en repos quotidien, hebdomadaire ou en congés, qui n’a pas communiqué ses coordonnées n’est pas à la disposition de son employeur. Le Plan blanc ne constitue pas une exception et l’agent a droit au respect de sa vie privée et ne peut pas être dérangé sans qu’il soit porté atteinte à ce droit.
Absence imprévue et la continuité du service
Il s’agit des cas où un agent est dans l’impossibilité de prendre son service et de relayer un autre agent déjà en poste. Le principe d’obéissance hiérarchique figure à l’article 28 de la loi du 13 juillet 1983(12) disposant que « tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l’exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l’ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public ». Ce principe est repris spécifiquement par l’article 99 du statut de la fonction publique hospitalière(13), prévoyant qu’« en cas d’urgence, aucun autre fonctionnaire a8yant reçu l’ordre d’exécuter ce travail ne peut s’y soustraire pour le motif que celui-ci n’entre pas dans sa spécialité ou n’est pas en rapport avec ses attributions ou son grade ». L’article 15 du décret du 4 janvier 2002 (voir supra) dispose que « lorsque les besoins du service l’exigent, les agents peuvent être appelés à effectuer des heures supplémentaires en dépassement des bornes horaires définies par le cycle de travail » qui pourront être rémunérées ou récupérées. Enfin, le juge administratif(14) a confirmé que « le devoir d’obéissance hiérarchique est l’un des principes fondamentaux de la fonction publique », en référence à l’article 28 de la loi du 13 juillet 1983. À ce titre, « l’ordre donné par le supérieur hiérarchique doit être exécuté, même s’il est manifestement illégal ». Le juge insiste sur le cumul des conditions en affirmant que « ce n’est que dans l’hypothèse où l’ordre reçu est à la fois manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public que le fonctionnaire peut refuser de l’exécuter ». Il en conclut que « le refus d’obéissance hiérarchique constitue un manquement aux devoirs qui s’imposent aux fonctionnaires et peut donc donner lieu à une sanction disciplinaire ». Il résulte de ces diverses dispositions et de la jurisprudence que l’autorité hiérarchique peut maintenir l’agent à son poste dans une unité de soins, si sa relève n’est pas assurée, au regard de la continuité et de la sécurité des soins qui constitue en l’espèce l’intérêt public. En effet, le dépassement des bornes horaires peut être illégal, sans nuire gravement à un intérêt public. Cependant, ceci ne peut s’appliquer que lorsque l’agent est à la disposition de son employeur sur le lieu de travail. Dans ce cas, l’agent ne peut quitter son service, sous peine de sanction disciplinaire, voire d’une incrimination pénale de mise en danger de la vie d’autrui ou d’omission de porter secours. Rappelons toutefois que le recours à ces maintiens en poste ne peut concerner que des situations d’exception.
Bien que cela soit rarement appliqué, il faut rappeler qu’une dérogation à l’organisation prévue pour “nécessité de service” doit obligatoirement être motivée, au sens de l’article 1 de la loi du 11 juillet 1979(15). Le législateur prévoit que « les personnes physiques […] ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent ». C’est notamment le cas des décisions qui “imposent des sujétions”. De plus, selon l’article 2, « doivent être motivées les décisions administratives individuelles qui dérogent aux règles générales fixées par la loi ou le règlement ». À ce titre, le tableau de service a bien un caractère règlementaire (voir supra) et sa modification constitue une sujétion particulière. Cette motivation doit enfin « être écrite et comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ». Il en résulte que toute modification urgente d’emploi du temps, nécessité par une « contrainte impérative de fonctionnement du service », devrait normalement être motivée en fonction des circonstances et du droit applicable en l’espèce.
CONCLUSION
En résumé, hormis les situations d’astreinte, de Plan blanc ou de réquisition, l’agent est à la disposition de son établissement, uniquement au regard de son tableau de service. Ce tableau règlementaire ne peut faire apparaître que « du temps de travail effectif » et éventuellement des « périodes d’astreintes ». Toutes les périodes non couvertes par le tableau de service relèvent de la vie privée et familiale qui sont strictement protégées. Dans cette situation, tout agent n’a évidemment aucune obligation ni de répondre, ni, a fortiori, de satisfaire la demande. L’agent ne peut être dérangé lorsqu’il est en repos ou en congés, sans porter atteinte à sa vie privée. En cas d’abus, ce dernier pourra s’adresser au chef d’établissement pour faire cesser les appels. Sans prise en compte de sa demande, il pourra notamment saisir la Commission nationale informatique et liberté dans un deuxième temps.
En cas d’imprévu, l’autorité hiérarchique peut maintenir les agents en service pour assurer la continuité et la sécurité des soins. En revanche, elle n’a pas le droit d’exiger la communication des numéros de téléphone de ses agents. L’encadrement n’a pas plus le droit de les rappeler pour exiger une prise de service, lorsqu’ils sont en repos ou en congés. Cependant, dans la réalité ces sollicitations ont cours auprès d’agents qui le plus souvent divulguent leurs coordonnées de leur plein gré. Les contacts se font de manière sereine, dans la mesure où l’encadrement peut par ailleurs satisfaire d’autres demandes des agents pour compenser la contrainte. La situation se complique dès lors que cet équilibre “donnant-donnant” est rompu, ce qui est de plus en plus le cas, au vu de la situation financière des établissements. Il en résulte que les sollicitations au domicile par les cadres ne peuvent être envisageables que dans un climat social apaisé, avec précaution et courtoisie, dans le cadre d’une entente consensuelle avec les personnels. Mais, surtout, ces appels ne peuvent en aucun cas avoir un caractère autoritaire. D’ailleurs, si une démarche de cette nature apparaît risquée, elle va s’avérer également improductive, puisque, depuis la généralisation des répondeurs téléphoniques, les agents peuvent filtrer les appels reçus.
NOTES
(1) Décision n°79-105DC du 25 juillet 1979.
(2) Décision n°94-352 DC du 18 janvier 1995.
(3) Décision n°2009-580 DC du 10 juin 2009.
(4) Décision n°2013-357 DC du 29 novembre 2013.
(5) Loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, JORF du 14 juillet 1983, page 2174.
(6) Cass. soc., 10 novembre 2009, n°08-41.497, publié au bulletin.
(7) Loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. JORF du 7 janvier 1978, page 227.
(8) CADA : avis n°20023914 du 3 octobre 2002 ; conseil n°20045426 du 16 décembre 2004 ; avis n°20081133 du 20 mars 2008.
(9) Établissements d’hospitalisation, de soins et de cure (personnel). Question 67900. Réponse du gouvernement du 22 octobre 1984, Journal officiel du 11 février 1985, page 558.
(10) Décret n°2002-9 du 4 janvier 2002 relatif au temps de travail et à l’organisation du travail dans les établissements mentionnés à l’article 2 de la loi n°86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière. JORF du 5 janvier 2002, page 316, texte n°12.
(11) Circulaire DHOS/HFD n°2002/284 du 3 mai 2002 relative à l’organisation du système hospitalier en cas d’afflux de victimes, §2-2, p.8.
(12) Loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. JORF du 14 juillet 1983 page 2174.
(13) Loi n°86-33 du 9 janvier 1986, Le Pors, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière. JORF du 11 janvier 1986, page 535.
(14) CAA de Nancy, 8 janvier 2009, n°07NC01270.
(15) Loi n°79-587 du 11 juillet 1979, relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public, JORF du 12 juillet 1979, page 1711.