Qualité Gestion des risques
Certaines pratiques sont indispensables à la conduite d’un soin en toute sécurité. Bases de la prévention du risque infectieux, ces précautions dites standard doivent être employées à chaque soin, par tous les soignants, avec tous les patients. Focus.
Si les précautions standard sont devenues un mécanisme pour la plupart des professionnels de santé, la sensibilisation est pourtant toujours nécessaire, comme en témoigne la mise en place d’actions régulières autour de l’hygiène. Au nombre de sept, ces précautions standard sont décrites dans la circulaire DGS/DH n° 98/249 du 20 avril 1998 qui institutionnalise leurs pratiques.
Cheval de bataille des hygiénistes avec notamment une journée nationale et même mondiale dédiée, l’hygiène des mains est la mesure d’hygiène prioritaire pour toute prise en charge d’un patient.
Avant tout contact avec un patient, l’hygiène des mains est la garantie d’un soin propre ; après avoir quitté le patient, l’assurance de ne pas manuporter de germes venant du patient. Mais ce n’est pas tout : l’hygiène des mains doit également être mené après toute manipulation de liquides physiologiques ou de matériel potentiellement souillé. En outre, l’hygiène des mains doit être pratiqué après le retrait des gants pour éviter une contamination de novo. Cette pratique est connue depuis très longtemps comme la base pour éviter la transmission des agents pathogènes, puisque c’est le docteur Ignaz Philipp Semmelweis, il y a plus de 150 ans, qui a observé le premier l’importance du lavage des mains pour préserver ses patientes – des jeunes accouchées – des risques de contamination. Pour autant, c’est une pratique systématisée de manière récente puisqu’elle est entrée dans les mœurs hygiénistes en 2006 au niveau de l’Organisation mondiale de la santé. Et quand on sait qu’au niveau mondial, cette recommandation de première intention n’est respectée qu’à 40 % parmi les professionnels de santé, on imagine le travail des hygiénistes dans ce domaine. Reste que 80 % des infections nosocomiales sont transmises par les mains !
Notons l’importance de règles spécifiques concernant les mains : tolérance zéro pour tout type de bijoux sur les mains (exit les bagues et alliances), qui doivent arborer des ongles courts et sans vernis.
Deux gestes peuvent accompagner le soignant : lorsque les mains sont souillées, un lavage au savon doux est nécessaire pour débarrasser les mains de tout risque ; dans le cas où les mains sont visuellement propres, l’utilisation d’une solution hydro-alcoolique (SHA) est suffisante (lire l’encadré p.45).
Toutes ces recommandations s’appliquent au personnel soignant, mais pas uniquement : les patients sont également concernés, tout comme les visiteurs, même si, dans les faits, ces deux dernières catégories restent insuffisamment sensibilisées.
Lire en complément le guide de la Société française d’hygiène hospitalière (SFHH) “Recommandations pour l’hygiène des mains de juin 2009 (tinyurl.com/lo5s48x).
Portés pour éviter tout contact cutané avec un liquide biologique contaminé, le gant ne remplace pas l’hygiène des mains, il la complète. Il doit être utilisé « lors d’un risque de contact avec du sang ou tout autre produit d’origine humaine, les muqueuses ou la peau lésée du patient, notamment à l’occasion de soins avec risque de piqûres » (prélèvements sanguins, pose et dépose de voie veineuse, chambres implantables, hémoculture) ou lorsque les mains du soignant sont lésées (circulaire DGS/DH/98/249 du 20 avril 1998). Les gants non poudrés doivent être privilégiés pour plus d’efficacité en association avec l’utilisation de SHA. Pour les autres critères de choix (stériles ou non, composition, hauteur de la manchette), ils dépendent de l’utilisation qui en est faite : on les préfèrera stériles lors de la pratique de gestes invasifs tandis que de simples gants suffisent pour la détersion de plaies ou de muqueuses. Ils doivent être changés entre deux patients et entre deux activités, même s’il s’agit du même patient. Ils doivent être jetés en fin de soin.
Dans le cadre de la gestion des accidents d’exposition au sang (AES), des études ont montré l’intérêt d’un double gantage, qui diminue de manière significative la perforation du gant interne.
Lors de l’apparition de certaines pandémies (grippales, notamment), les masques sont sur le devant de la scène. Il en existe de deux types : les masques dits “chirurgicaux” et les appareils de protection respiratoires, eux-mêmes subdivisés en trois classes.
→ Protection en “sortie” : les masques chirurgicaux portés par les soignants protègent le patient de toute contamination venant des voies aériennes ou de la salive. Portés par les patients, ils préviennent la contamination de l’air et des surfaces, de l’environnement au sens large. Ils ne protègent pas des agents infectieux transmissibles par voie aérienne.
→ Protection en “entrée” : les appareils de protection respiratoires de type pièce faciale filtrante (FFP pour Filtering Facepiece Particles) protègent des micro-organismes transmissibles par voie aérienne. Le niveau de performance du masque est maximum avec un FFP3 qui filtre 99 % des aérosols. Dans le cadre de pandémie grippale ou de syndrome respiratoire aigu sévère (Sras), c’est un FFP2 qui est généralement utilisé.
Blouse, surblouse, tablier, les tenues de travail peuvent être variées, mais doivent invariablement répondre à certaines caractéristiques. On sait par exemple que le coton émet des particules et présente une adhérence indésirable aux micro-organismes : on lui préfère donc un mélange polyester/coton (65/35 %) permettant un lavage à plus de 60 °C. La blouse doit présenter des manches courtes et se complète parfois d’une surblouse lorsque le soin pratiqué présente un risque de projection.
Lire en complément les recommandations “Prévention de la transmission croisée par voie respiratoire : air ou gouttelettes” de la SFHH (tinyurl.com/m3e4hl9)
L’hôpital est un énorme consommateur de matériel en tout genre. Deux cas de figure se présentent pour la gestion des dispositifs médicaux (DM), selon qu’ils soient jetables ou réutilisables.
→ Dans le cas des DM jetables, il faut appliquer les règles relatives à l’élimination de matériels piquants, tranchants et coupants, et ne jamais recapuchonner les aiguilles ou désadapter à la main : le matériel doit être disposé dans un conteneur spécifiquement dédié et placé à proximité du soignant qui réalise le soin.
→ Dans le cas de DM réutilisables, les mêmes précautions de manipulation s’imposent. Et immédiatement après le soin, ils doivent être placés dans un bac de pré-désinfection. Ils subissent ensuite un processus de nettoyage, désinfection et ou stérilisation selon leur utilisation.
Lors de projections ou de souillures dues à des produits d’origine humaine (sang ou autre), les surfaces doivent être nettoyées et désinfectées avec un détergent ou désinfectant adapté (sinon, on peut utiliser de l’eau de Javel à 9° diluée au un cinquième dans l’eau).
Tout linge ou tout matériel potentiellement souillé doit être manipulé avec précaution et avec des gants. Chacun d’entre eux doit être transporté dans un emballage étanche et fermé et ne pas être stocké à même le sol mais sur des supports adaptés, de même que pour le transport vers des zones d’élimination.
Il convient de bien respecter le circuit d’élimination des DM piquants, tranchants, etc., pour éviter tout risque de blessure. En cas de piqûre ou de blessure, la plaie doit être lavée et désinfectée ; en cas de projection sur une muqueuse, un rinçage abondant est préconisé. En cas d’AES effectif, application de la procédure suivante : après désinfection, prendre un avis médical et s’assurer (via un test de diagnostic rapide) du statut sérologique du patient source, puis déclarer l’accident et effectuer un suivi.
Ces précautions standard s’assortissent parfois de précautions complémentaires lorsqu’un pathogène spécifique a été identifié ou s’il est suspecté : il peut s’agir par exemple d’isolement septique, de placement en chambre à pression négative ou de regroupement de patients.
Lire en complément la base documentaire bibliographique très complète sur les précautions standard (tinyurl.com/p6ylgmv).
Arrivées sur le marché à la fin des années 1980, les solutions hydro-alcooliques (SHA) n’ont pas immédiatement été adoptées par la communauté hospitalière car jugées trop coûteuses et inutiles en termes de gain de temps et trop compliquées à utiliser. Selon le type d’agents infectieux, les solutions hydro-alcooliques sont plus ou moins efficaces, voire pas du tout. Elles sont par exemple sans effet sur les parasitoses (pédiculose, gale), les contaminations dues à certains champignons ou levures et sur le Clostridium difficile. Concernant tous les autres pathogènes, bactéries ou virus, leur efficacité dépend de normes spécifiques : citons par exemple la norme NF EN 1040 (T 72-152) pour l’activité bactéricide à l’encontre de Pseudomonas aeruginosa ou de Staphylococcus aureus, la norme NF T 72-170 contre Pseudomonas aeruginosa, Escherichia coli, Staphylococcus aureus, Enterococcus faecium, Mycobacterium smegmatis ou encore la norme NF T72-180 contre les entérovirus, adénovirus, virus de l’herpès et les rotavirus.