Sandrine Van Oost est cadre supérieure de santé du pôle urgences et service mobile d’urgence et de réanimation (Smur) au CH de Valenciennes. Corinne Cartignies, cadre de santé en charge du Smur. Chaque jour, elles se trouvent confrontées à l’imprévu, chacune dans son exercice.
Sandrine Van Oost a passé des années en chirurgie polyvalente puis huit années en dialyse avant de devenir cadre aux urgences en 2005 puis cadre supérieure. Corinne Cartignies a obtenu son DE en 1986 puis a exercé en médecine, en maison de retraite puis en cardiologie et réanimation en région parisienne. Cadre de santé en 1998, elle est passée à la chirurgie vasculaire et thoracique et en réanimation. De retour à Valenciennes en 2001, sa région d’origine, elle y a occupé un poste de cadre polyvalente réanimation adulte jusqu’en décembre 2009 avant d’intégrer son poste actuel.
Sandrine Van Oost : Mon rôle est de coordonner les cadres de proximité. Sur le plan des compétences, il est essentiel que les infirmiers qui exercent au sein des urgences ou du Smur apprennent à faire la différence entre une urgence fonctionnelle et une urgence vitale en coordination avec l’équipe médicale. Ce sont des compétences essentielles à développer ici afin d’orienter rapidement la personne vers le secteur le plus approprié. Que l’on soit cadre ou cadre supérieur, la complexité avec les personnels exerçant au Smur, c’est que nous ne sortons pas en intervention avec eux. De ce fait, cela nécessite un partenariat étroit avec les équipes médicales pour fixer des objectifs et, éventuellement, procéder à des réévaluations.
Corinne Cartignies : Au quotidien, nous devons faire face à l’imprévu et mettre en place des organisations efficaces quoi qu’il arrive. En tant que cadre de proximité, j’ai l’occasion de côtoyer au plus près tous les membres de l’équipe soignante. Du coup, cela me permet de repérer les insuffisances en amont avant qu’un de ses membres n’intègre le smur.
Sandrine Van Oost : Le service est constitué de cinq secteurs de soins en plus de deux équipes de Smur : l’accueil, le déchoquage, l’ambulatoire (petites chirurgies et avis de spécialistes), l’hospitalisation de courte durée et le secteur médico-chirurgical. Il fonctionne grâce à 61 équivalents temps plein infirmiers et 28,5 ETP aides-soignants. Chacun est affecté entre les secteurs selon les compétences acquises. Tous les personnels ne sont pas formés au smur. Les infirmiers et aides-soignants qui y exercent viennent renforcer les équipes du service lorsqu’ils ne sortent pas en intervention.
Sandrine Van Oost : Nous avons élaboré un parcours d’intégration avec une formation en interne qui démarre par une phase de tutorat de quatre semaines. Avec une moyenne de passage de 160 à 180?patients par jour et parfois des pics allant jusqu’à 200, nous recrutons surtout des jeunes professionnels qui terminent leurs études et qui sont capables de supporter un rythme très soutenu. Après les quatre semaines d’intégration, vient s’ajouter la formation de cinq semaines au déchoquage où se tiennent la réanimation adultes, enfants et de néonatalogie. Pour accéder à un poste au Smur, il faut avoir exercé dans le service pendant au moins deux ans. Une nouvelle formation est alors nécessaire, qui durera six à sept semaines en gardes doublées et évaluées, ainsi qu’un stage au bloc opératoire.
Sandrine Van Oost : Non. Il faut en faire la demande et présenter sa candidature à l’encadrement et à l’équipe médicale. Un entretien et un bilan de compétences sont alors organisés. Ce qui aide à prendre la bonne décision, c’est que nous les connaissons déjà très bien puisqu’ils viennent tous du service.
Sandrine Van Oost : Non. Il est seulement arrivé une fois qu’une aide-soignante ambulancière qui avait effectué toutes les formations jusqu’à celle du Smur, se rende compte, une fois sur le terrain pendant un an, qu’elle ne s’épanouissait pas au Smur comme elle l’avait imaginé. Du coup, elle a réintégré le service. Cela ne nous pose jamais aucun problème de réexaminer la situation de chacun. D’ailleurs, ici, l’évaluation est permanente.
Corinne Cartignies : Nous bénéficions de deux VLM (véhicules légers médicalisés) et d’une UMH (unité mobile hospitalière). Dans chaque véhicule, il y a un médecin urgentiste, un infirmier et un aide-soignant ambulancier. Ce choix de n’avoir que des ambulanciers aides-soignants est une volonté valenciennoise. S’y ajoutent parfois des étudiants infirmiers, ambulanciers ou aides-soignants, ainsi que des internes qui effectuent des journées de découverte.
Corinne Cartignies : Lors d’un départ sur le terrain, ils savent plus ou moins à quoi s’attendre. Cependant, c’est souvent lors de la prise en charge d’enfants que l’émotion est la plus forte. Surtout que notre personnel est assez jeune, donc souvent lui-même père ou mère de famille. Il faut faire très vite, se coordonner parfaitement et mettre ses émotions de côté. Mais, quoi qu’il arrive, il y a toujours une réunion de débriefing en équipe après chaque sortie difficile. Nous bénéficions également des compétences d’une psychologue du travail qui peut intervenir, soit à la demande des personnels, soit sur notre sollicitation. C’est notamment le cas avec les infirmiers qui viennent d’intégrer le Smur.
Sandrine Van Oost : Les équipes se rendent au domicile des patients. Leur intervention nécessite de grandes compétences techniques mais également des aptitudes relationnelles fortes et une excellente capacité à communiquer efficacement. On se retrouve dans un environnement inconnu. Il faut très rapidement avoir une maîtrise des lieux. La posture professionnelle adéquate impose de s’adapter aux locaux et au contexte. Il est indispensable de toujours prendre soin d’être bien compris par le patient et par son entourage. Autre élément essentiel : la reconnaissance professionnelle des rôles et des missions de chacun, dans un esprit de complémentarité.
Corinne Cartignies : Sans hésiter, les accouchements imprévus qui se passent bien. Mais aussi, toutes les petites lettres de remerciements des patients et de leur entourage que nous recevons et que nous affichons dans le service. Et, évidemment, chaque urgence vitale qui mène à une vie sauvée. En tant que cadre, la gratification, c’est aussi de constater à quel point tout le personnel adhère à chaque projet que nous lançons. Des projets portés par des équipes dont la mixité professionnelle et générationnelle est toute la richesse. Il arrive d’ailleurs régulièrement que les nouveaux apportent autant que les anciens.
Sandrine Van Oost : Notre chance est de travailler avec des équipes médicales de proximité très engagées au service du patient, dans une région où il existe de grosses difficultés sociales. La force des urgences et du Smur, c’est la solidarité pluridisciplinaire, les échanges et la communication.
Corinne Cartignies : Dernièrement, nous avons élaboré un guide des compétences (lire l’encadré) pour chacun des nouveaux arrivants. Une sorte de portfolio qui les suivra tout au long de leur parcours chez nous. À chaque fois qu’une compétence est acquise, durant les quatre semaines d’intégration, elle est validée sur le livret par le tuteur spécifique. Pareil pour la formation au déchoquage et, au Smur, pour les professionnels qui y accèdent. Pour créer cet outil, des groupes ont été constitués puis tout a été mis en commun et rediscuté. Les équipes ont été remarquablement efficaces et le projet a pu voir le jour en un temps record. Notre prochain objectif est de travailler sur l’organisation des roulements. Ici, tout le monde travaille sur 24 heures. C’est complexe à organiser.
Sandrine Van Oost : L’objectif de cette organisation est de les aider à ne pas perdre les repères de la prise en charge globale du patient et, surtout, de ne pas perdre de vue les difficultés spécifiques de chaque secteur. C’est très important pour la cohérence du travail en équipe.
Corinne Cartignies : L’avantage d’avoir du personnel polyvalent, c’est que cela permet un renfort dans le service lorsqu’il n’y a pas d’intervention extérieure prévue. Une fois que tout le matériel du Smur est vérifié et complété, évidemment. C’est le cas également pour les médecins.
Sandrine Van Oost : Non, très minime. Pour les infirmiers et les aides-soignants ambulanciers, cette affectation est une véritable évolution de carrière qui va avec l’acquisition de compétences importantes. Elle correspond à l’aboutissement d’un projet professionnel. Il ne faut pas oublier non plus la gratification financière, car les gardes sont rémunérées sur la base de douze heures de travail, suivies de douze heures d’astreinte. Et il y a ce travail en équipe où tout le monde se respecte et se fait confiance. Comme le disait un joueur de football américain, Bud Wilkinson, « la confiance, c’est le ciment invisible qui permet à l’équipe de gagner ».
Dans le guide de compétences une page est dédiée aux étapes d’apprentissage.
– Pendant les quatre premières semaines, on est considéré comme “novice”. C’est l’étape de la découverte et des premières évaluations.
– De quatre semaines à six mois, le nouvel embauché est “débutant”. Il est en cours d’autonomisation en médico-chirurgical, en ambulatoire et UHCD. Une évaluation globale sur ces secteurs se fera au bout de deux mois et demi. Entre la 10e et la 14e semaine a lieu la formation SAUV (salle d’accueil des urgences vitales) suivie d’un bilan à six mois.
– On est considéré comme “compétent” de six mois à dix-huit mois. Ce qui signifie qu’on est autonome dans les différents secteurs.
– “Performant” à partir de 18 mois.
– On devient expert si on a effectué toutes les formations, y compris celle du Smur.
Mais avant tout cela, le profil professionnel attendu comporte un certain nombre de capacités :
– respect, secret professionnel et bientraitance,
– autonomisation et transmission des savoirs,
– réactivité et anticipation,
– dynamisme et motivation,
– organisation, bon sens et adaptation,
– coordination et communication positive,
– collaboration et entraide.