Objectif Soins n° 232 du 01/01/2015

 

Promotion de la santé

Docteur Marc Galy  

Aujourd’hui, il faut reconsidérer la manière de communiquer afin que cette “communication” s’intègre dans le processus thérapeutique. Pour répondre à cela, la mise en pratique de la “communication thérapeutique” et des “moyens d’entrer en hypnose” est un moyen complémentaire et relationnel qu’il faut apprendre et utiliser.

La relation soignant-soigné se modifie, sous l’influence d’une technologie “grandissante”, d’objectifs de rentabilité et de l’informatisation des structures de soin. S’ajoute un nombre croissant d’informations diverses données aux patients sous forme de “consensus éclairé”. Les soignants remarquent que leurs pratiques professionnelles changent de nature et que s’installe progressivement une érosion de la qualité de la relation dans le rapport direct. Reconsidérer notre manière de communiquer pour l’intégrer dans le processus thérapeutique devient donc indispensable.

Nos propos viennent simplement éclairer, informer et sensibiliser. Ils sont là pour donner envie d’aller plus loin, de changer et de renouveler ses pratiques, de se poser la question suivante : ma communication est-elle adaptée et accompagne-t-elle efficacement le patient dans son parc ours de soin ?

LA COMMUNICATION THÉRAPEUTIQUE

Le terme de communication (en latin communicare : mettre en commun) est défini par un échange d’informations entre un “émetteur” (initialiseur de la relation) et un “receveur” via un vecteur de transmission. Ce vecteur de transmission est divers. Il est verbal, non verbal et paraverbal.

Dans le cadre du soin, et en fonction des situations cliniques, la communication(1) est là pour informer, expliquer, éduquer, responsabiliser, accompagner et traiter le patient. Mais, avant tout, il faut observer et écouter le patient. Rien n’est possible si le soignant n’est pas en position d’observation et d’écoute. Cette attitude est le socle de la communication. Le soignant se doit de connaître, de reconnaitre et d’identifier le patient afin d’adapter sa communication. Il est vain de standardiser et de dépersonnaliser la relation soignant-soigné. Chaque patient, en fonction de son vécu, de son entourage, de sa situation sociale, de son origine et de la situation clinique, doit bénéficier d’une relation thérapeutique adaptée, certains diront du “sur mesure”. Chaque mot, chaque attitude, chaque intonation de voix est le vecteur d’une communication choisie, personnalisée, humanisée. Ils s’associent et représentent un tout, un comportement dirigé vers l’autre.

Communication verbale

Le choix des mots, c’est la communication verbale. L’écoute du patient est la première étape pour le choix des mots du soignant. C’est l’étape de reconnaissance. Elle permet de connaître bien souvent son degré d’anxiété, sa connaissance vis-à-vis de la pathologie traitée et du soin. Cette écoute va guider l’échange. Elle ouvre la porte d’un dialogue soigné soignant dans lequel ce dernier laissera de côté les termes trop techniques, les mots et expressions négatives. Le langage reste simple, protecteur et positif.

Communication non verbale

L’attitude, c’est la communication non verbale : savoir prendre le temps de se poser. En effet, les soignants à l’heure actuelle trouvent des difficultés pour “ajuster” le temps du soin. Les principales raisons en sont les activités des services, la demande de rentabilité, la réduction des durées d’hospitalisation, la place des “écrans d’ordinateurs” dans la traçabilité du soin. Néanmoins, la relation thérapeutique a besoin que chacun se pose, le patient comme le soignant.

Communication paraverbale

On touche ici à la manière de s’exprimer : le volume de la voix, le rythme des mots, le souffle respiratoire et le silence. L’attitude paraverbale accompagne le verbal et le non-verbal. Elle renforce celle du corps et vient en harmonie avec ce dernier. Le dialogue soignant-soigné nécessite une cohérence avec chaque composante de la communication. Il n’est pas envisageable de parler fort, si chacun est dans une “attitude confortable” et si les mots sont choisis. Ces trois composantes de la communication thérapeutique s’unissent pour accompagner le patient dans son parcours de soin. En même temps, elles appartiennent aussi aux “moyens d’entrer en hypnose”. C’est pour cette raison que l’on peut les associer.

QU’EST-CE QUE L’HYPNOSE ?

L’hypnose est une modification de la conscience ordinaire ou conscience critique(2) et peut être un état de veille modifié. C’est un phénomène naturel, qui n’appartient pas au sommeil. On reconnaît plusieurs situations de la conscience modifiée :

• les états spontanés naturels, être “ici et ailleurs” en regardant la télévision ou en conversant avec son voisin ;

• les états spontanés induits par un événement extérieur souvent de type émotionnel : une mauvaise nouvelle ou l’anxiété au moment d’une hospitalisation. On ne sait plus où l’on est, on ne comprend, ni ne retient les explications que l’on donne ;

• enfin, les états induits par un tiers – c’est l’hypnose –, ou par soi-même – on parle alors d’autohypnose.

Histoire

On connaît les “moyens d’entrer en hypnose”. En 1990, les travaux de Marie-Élisabeth Faymonville(3) avec l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle, ont permis de visualiser les zones actives pendant le processus hypnotique.

Les neurosciences : un vent nouveau souffle

Depuis les années 1990, l’IRM fonctionnelle découvre le cerveau. En dehors de l’hypnose, de nombreuses expérimentations nous éclairent sur le fonctionnement du cerveau pour l’apprentissage, l’émotion, l’état de conscience critique ou les états végétatifs(4). Ce cadre concerne également la pathologie cérébrale. Loin de nous l’idée de faire ici un cours de neurosciences, mais seulement de souligner l’importance de ces découvertes(5) (exemple : neurones miroirs) et d’envisager dans les années à venir une “conception cérébrale” nouvelle. Il apparaît évident actuellement que les neurosciences marchent vers une révolution dans la compréhension intime des mécanismes cérébraux, sources d’une approche clinique et thérapeutique renouvelée.

Les moyens d’entrer en hypnose : induction hypnotique

Ils sont là pour faire basculer la conscience ordinaire vers la conscience modifie, la “perceptude” selon François Roustang(6). Cet état d’indifférence de perception au monde extérieure induit également une activité intérieure allant jusqu’au lâcher prise grâce à la focalisation et l’absorption. C’est pour cela que l’on peut dire que l’expérience hypnotique appartient au patient. Là se trouve peut-être l’une des interrogations de l’hypnose. Les moyens d’entrer en hypnose reposent sur une fixation (mobilisation de l’attention) et une absorption de la conscience ordinaire. L’induction induite par un tiers, le soignant, repose sur des techniques précises. Les techniques utilisées répondent aux besoins du patient et à la situation clinique. Soulignons encore une fois l’importance de l’écoute, de l’observation, de la relation et de la communication thérapeutique préalablement établie, avant de mettre en place les moyens d’entrer en hypnose(7).

Ces derniers font appel à une fixation de l’attention qui peut concerner aussi bien le rythme respiratoire, un élément de la pièce, un son, une odeur, un souvenir antérieur agréable ou un lieu de sécurité. Une simple conversation peut s’installer entre le patient et le soignant faisant office d’élément de fixation : c’est l’hypnose conversationnelle. Cette fixation peut associer des éléments de langage de type “confusion” ou “métaphorique”. Les évocations sensorielles sont également présententes : le VAKO (V pour visuel, A pour auditif, K pour kinesthésique, O pour olfactif).

COMMUNICATION THÉRAPEUTIQUE ET HYPNOSE

Elles nécessitent bien évidemment une formation. Elle peut être individuelle ou collective et rentrer, comme dans certains établissements de soins, dans un projet transversal. La communication thérapeutique peut conduire à l’utilisation des moyens d’entrer en hypnose. Cela n’est pas une obligation. La complémentarité des techniques est évidente.

CONCLUSION

La communication thérapeutique et les moyens d’entrer en hypnose participent aux objectifs collectifs de la qualité du soin. C’est une sauvegarde de la relation soignant-soigné, socle du contrat de soin qui lie les parties et socle de la pratique quotidienne.

L’engagement individuel et collectif s’adresse également aux forces administratives qui ont l’obligation d’accompagner et de favoriser les formations. Ces formations s’adressent aussi aux plus jeunes et aux écoles d’infirmiers qui doivent faire rentrer dans les programmes ces nouvelles approches. Les jeunes infirmiers doivent être le moteur du renouvellement des pratiques. Les bénéfices appartiennent aux patients, aux soignants mais aussi aux établissements de soins.

L’effort collectif participe à la réduction des durées d’hospitalisation, aux gains de production, aux échanges informatisés dans des structures “sans papier” mais il doit aussi sauvegarder la relation soignant-soigné. La communication thérapeutique et les moyens d’entrer en hypnose sont des réponses.

NOTES

(1) Bernard F. Muselec H. La communication dans le soin : hypnose médicale et techniques relationnelles. Éditions Arnette.

(2) Routang F. Qu’est-ce que l’hypnose ? Les Éditions de Minuit.

(3) Faymonville ME. Joris J. Lamy M. Maquet P. Laureys S. Hypnose : des bases thérapeutiques à la pratique clinique. Conférences d’actualisation 2005 pp.59-69, Elsevier.

(4) Le Bihan D. Le cerveau de cristal, ce que nous révèle la neuro-imagerie. Odile Jacob.

(5) Rizzolatti G. Sinigaglia C. Les neurones miroirs. Odile Jacob.

(7) Brosseau G. L’Hypnose, une réinitialisation de nos cinq sens. Inter Éditions.

(8) Galy M., Delatour A. Productivité et communication soignante. in: Objectif Soins et Management n° 211, decembre 2012.

La place des cadres

En dehors des initiatives individuelles, l’encadrement hospitalier est le ciment de la formation des équipes. La formation accompagne les transformations administratives, techniques mais aussi les innovations cliniques. La pratique quotidienne de la communication thérapeutique, support des “outils pour entrer en hypnose”, mérite un engagement fort des équipes d’encadrement. Replacer le soignant dans son métier de base me semble l’un des objectifs des années futures. Le service et/ou le pôle de soins peuvent porter ce projet. C’est ensemble (soignants-cadres) qu’ils arriveront à :

→ mettre en pratique les outils de communication ;

→ séduire les plus réticents ;

→ renouveler les pratiques, laissant les tâches administratives à leurs places.

En effet, si la technique médicale doit rester à sa place et ne pas envahir tout l’espace thérapeutique, il en va de même des tâches administratives. La communication thérapeutique est bonne aussi pour l’encadrement dans sa pratique quotidienne et dans son rôle de coordinateur de soin. La mise en commun d’un tel projet permet de lutter contre l’isolement et offre les “outils” de la lutte contre le syndrome du burn-out des soignants et de l’encadrement trop souvent rencontré actuellement.

Un patient confiant

La position du soignant appartient à la communication non verbale. On cite souvent l’aspect du visage, le regard, la distance physique entre les parties, le contact et la gestuelle. Savoir s’assoir au même niveau que le patient, ne pas se jeter sur l’ordinateur pour remplir le questionnaire d’admission ou autre plan de soin, garder une proximité… Tout ceci correspond à des attitudes de sécurité, des vecteurs de communication sources de gain de temps contrairement aux idées reçues. Ce gain de temps résulte d’un patient confiant à qui le temps du soignant est offert et qui accepte dans de bien meilleures conditions le recueil administratif et/ou l’acte thérapeutique.

LE BÉNÉFICE SOIGNANT

La communication thérapeutique autorise le soignant à se replacer dans la relation, à changer et à renouveler ses pratiques. En même temps, il s’offre de la liberté et de la créativité qu’il partage avec le patient. Il partage cette “progression thérapeutique” avec l’ensemble des soignants dans un projet collectif. Cela participe à la lutte contre l’isolement des contraintes informatiques envahissantes, sources du syndrome du burn-out. La recherche actuelle des gains* de productivité n’est pas un obstacle aux renouvellements des pratiques. Elle va dans le même sens. Quotidiennement, on voit également que les actes thérapeutiques techniques (pansements complexes, pratiques au bloc opératoire…) associés à la pratique d’un “autre dialogue” propulsent chaque participant vers l’excellence des gestes. L’utilisation des moyens d’entrer en hypnose pendant un soin procure aussi bien chez le patient que chez le soignant un état de relâchement qui s’associe à la compétence, à la confiance mutuelle et au lien thérapeutique. La mobilisation des ressources du patient l’invite à la guérison.

* Galy Marc, Delatour Anne, Productivité et communication soignante. In: OSM n° 211, décembre 2012.