L’hépatite B, un enjeu de santé publique - Objectif Soins & Management n° 234 du 01/03/2015 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 234 du 01/03/2015

 

Promotion de la santé

Nathalie Belin  

L’hépatite B chronique concerne environ 300 000 personnes en France. Outre la prise en charge des personnes infectées, les objectifs actuels portent sur l’amélioration de la couverture vaccinale et le renforcement du dépistage des sujets à risque.

L’hépatite B chronique est définie par la persistance des anomalies cliniques et/ou biologiques pendant plus de six mois caractérisée par une augmentation de l’activité sérique des aminotransférases, en particulier les Alat (alanine aminotransférase), et une persistance de l’antigène de surface de l’hépatiteB (Ag HBs). Elle représente un réel enjeu majeur de santé publique.

L’HÉPATITE B

Rappels

Transmission

Le virus de l’hépatite B (VHB) est cinquante à cent fois plus contagieux que le virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Le risque de contamination lors d’un accident d’exposition au sang (AES) d’une personne infectée est de 30 % (après accident percutané). Par comparaison, il est de 0,3 % pour le VIH et de 0,5 à 3 % pour l’hépatite C.

Le virus est présent dans la plupart des liquides biologiques des personnes infectées. Les quatre modes principaux de transmission sont les relations sexuelles non protégées ; le contact direct ou indirect par le biais d’objets contaminés avec du sang infecté ; la transmission de la mère à l’enfant, essentiellement au moment de l’accouchement ; les contacts intra-familiaux.

L’infection aiguë

L’infection aiguë est généralement asymptomatique dans l’enfance et symptomatique dans 30 à 50 % des cas chez l’adulte. Elle évolue vers la guérison dans 95 % des cas chez l’adulte ou l’adolescent. Parfois, la réaction immunitaire, suraiguë (1 % des formes symptomatiques), aboutit à une hépatite fulminante avec nécrose hépatocytaire massive.

Le risque principal de l’infection virale B est celui du passage à la chronicité. L’âge au moment de l’infection demeure un facteur déterminant.

Histoire naturelle

Elle peut être schématisée en quatre phases :

• une phase d’immunotolérance avec forte réplication virale, positivité de l’antigène HBe (Ag HBe) mais aminotransférases normales et absence de lésions hépatiques expliquées par une réponse immunitaire faible ;

• une phase de rupture de tolérance marquée par une réplication virale fluctuante associée à une élévation des transaminases et à l’apparition de lésions histologiques (fibrose) chez un patient toujours asymptomatique. Cette phase correspond à la mise en place d’une réponse immune ayant pour conséquence une destruction des hépatocytes ;

• une phase d’inactivation ou de portage inactif marquée par la diminution ou l’arrêt de la réplication virale avec normalisation des transaminases et disparition du processus inflammatoire hépatique. Chez certains patients, un traitement est nécessaire pour atteindre ce stade. La “guérison” peut alors parfois survenir ou aboutir à une quatrième phase ;

• une phase de réactivation caractérisée par des épisodes de réactivation virale spontanés ou favorisés par un état d’immunosuppression, asymptomatiques ou qui peuvent se présenter sous la forme d’une hépatite aiguë, avec ou sans ictère.

Complications

Le risque d’évolution vers une cirrhose concerne entre 15 et 40 % des porteurs d’une hépatite B chronique, en moyenne après vingt à trente ans d’évolution. Le risque d’hépatocarcinome est lié à la fois aux effets oncogènes directs du virus mais aussi à la cirrhose elle-même. L’incidence annuelle de ce cancer est de 2 % chez les patients atteints d’une hépatite B chronique et ayant une cirrhose.

Diagnostic

Le plus souvent, la maladie est découverte de façon fortuite à l’occasion d’un bilan médical.

• En situation de dépistage: trois marqueurs, Ag HBs (qui signe la présence du VHB), anticorps anti-HBc (qui signent un contact viral récent en présence d’IgM, et un ancien en présence d’IgG) et anticorps anti-HBs (protecteurs, signant le contrôle de la maladie ou la vaccination) doivent être recherchés.

• Si le dépistage est positif (AgHBs présent et absence d’anticorps anti-HBs), ce bilan est complété par la détection-quantification de l’ADN viral. La recherche de l’Ag HBe et des anticorps anti-HBe peut être faite afin de connaître le statut HBe.

• L’activité sérique des transaminases, en particulier les Alat, doit être déterminée.

• Le degré de fibrose permet d’établir la sévérité de l’atteinte hépatique selon le score Metavir allant de F0 (absence de fibrose) à F4 (cirrhose). L’évaluation du degré de fibrose est réalisée à l’aide la ponction biopsie hépatique (PBH, méthode invasive) et des méthodes non invasives qui ont supplanté la PBH : comme les tests biologiques qui consistent à doser plusieurs marqueurs sanguins (fibromètre…) ou l’élastométrie impulsionnelle (Fibroscan) qui mesure le degré d’élasticité du foie à l’aide d’ultrasons.

• Autres examens: bilan hépatique complet ; sérologies hépatite A, C et VIH ; recherche d’une surinfection ou d’une co-infection par le virus de l’hépatite D.

• Le portage chronique inactif est défini par la positivité de l’antigène HBs associé à des anticorps anti-HBe, une réplication virale faible, des transaminases normales et l’absence de lésions inflammatoires hépatiques.

• Une hépatite B chronique active se caractérise par une charge virale élevée (plus de 100 000 copies/ml) et des transaminases deux à cinq fois supérieures à la normale.

TRAITEMENT

Idéalement, le traitement a pour but la perte de l’Ag HBs et la séroconversion HBs, mais ceci est très rare. Dans tous les cas, l’objectif est la virosuppression prolongée, c’est-à-dire une inhibition drastique de la réplication virale, définie par un ADN du VHB indétectable. Cette “réponse virologique” est associée à la normalisation des transaminases et à un ralentissement de la progression de la fibrose. Chez les patients Ag HBe positifs, la négativité de l’Ag HBe et la séroconversion HBe sont de bons éléments de réponse au traitement.

Stratégie thérapeutique

Les indications d’un traitement antiviral reposent sur des critères virologique (niveau de charge virale), biochimique (activité sérique des Alat) et histologique (degré de fibrose). Un traitement est notamment instauré chez les patients ayant un ADN du VHB supérieur ou égal à 2 000 UI/ml et un taux de transaminases Alat supérieur à la limite de la normale, associé à une fibrose significative supérieure ou égale à deux selon le score Metavir. L’interféron alpha 2a (Pegasys) est instauré pour une durée en général d’un an. Ses effets indésirables sont fréquents et parfois mal supportés : syndrome pseudo-grippal, fatigue, anorexie, troubles digestifs, rash cutané, alopécie, troubles psychiatriques (de la simple irritabilité au syndrome dépressif), hématologiques… Une NFS et un bilan hépatique sont effectués chaque mois. Une surveillance régulière de la thyroïde et une surveillance ophtalmologique sont effectuées durant le traitement. Les analogues nucléosidiques (lamivudine, entécavir, telbivudine) ou nucléotidiques (adéfovir, ténofovir), à l’effet antiviral supérieur à celui de l’interféron, sont instaurés pour une durée prolongée, voire à vie. L’entécavir et le ténofovir sont indiqués en première intention car ils possèdent une action puissante et une barrière génétique à la résistance élevée (faible risque d’apparition de virus résistants). La transplantation hépatique s’adresse aux patients ayant une cirrhose hépatique décompensée.

À dire aux patients

À propos des traitements

Même sans traitement, il est important de respecter les consultations de suivi, en général deux fois par an, qui surveillent l’évolution de la maladie. Sous analogue, l’observance (prise quotidienne obligatoire, avec une prise alimentaire pour le ténofovir) est primordiale pour éviter le risque d’échappement thérapeutique et prévenir l’apparition de résistance. Sous interféron, le syndrome pseudogrippal peut être prévenu par la prise d’un gramme de paracétamol une heure avant l’injection sans dépasser trois grammes par jour pour limiter l’hépatotoxicité de la molécule. En cas de fièvre persistante, une consultation médicale est nécessaire pour éliminer une complication infectieuse favorisée par une neutropénie.

De l’hygiène de vie

L’alcool est à proscrire y compris dans les médicaments (sirop…) car il accélère l’évolution de la fibrose et augmente le risque de développement d’un cancer. Aucun régime alimentaire particulier n’est recommandé, mais il faut éviter le surpoids ou l’obésité qui favorise l’évolution vers la cirrhose. L’arrêt du tabac doit être recommandé car celui-ci augmente le risque de progression de la fibrose du foie.

Du risque de contamination de l’entourage

Tous les patients atteints d’hépatite B chronique sont concernés mais ceux dont la maladie est “active” ont un risque plus élevé de transmettre l’infection.

• Inciter l’entourage à se faire dépister et vacciner.

• Prévoir des objets de toilettes et de manucurie personnels : rasoir, ciseaux, coupe-ongles, brosse à dents… En cas d’objet souillé par du sang infecté, un trempage dans l’eau de Javel diluée au 1/10e pendant dix minutes est recommandé.

• Recouvrir toutes lésions ou plaies du patient par un pansement.

• Le risque de transmission par la salive est discuté et paraît très faible sauf lors d’une hépatite aiguë où des précautions sont à prendre.

• Les relations sexuelles doivent être systématiquement protégées sauf si le partenaire est vacciné.

En cas de grossesse

Dès la naissance, la sérovaccination associant immunoglobulines anti-hépatite B et première injection vaccinale contre l’hépatite B (schéma en trois injections, quatre pour les prématurés) réduisent le risque pour l’enfant d’être atteint de la maladie. Selon le cas, un traitement antiviral est également entrepris au cours du troisième trimestre de la grossesse.

3 QUESTIONS À…
STÉPHANE CHEVALIEZ

STÉPHANE CHEVALIEZ, CENTRE NATIONAL DE RÉFÉRENCE DES HÉPATITES B, C ET DELTA, HÔPITAL HENRI-MONDOR, CRÉTEIL

1 Peut-on guérir d’une hépatite B chronique ?

Non. Aujourd’hui, on ne guérit pas sur le plan virologique d’une hépatite B chronique. Même après apparition des anticorps anti-HBs, il reste toujours des hépatocytes comportant de l’ADN du VHB, ce qui explique qu’une réactivation de la maladie soit toujours possible, en particulier lors d’un traitement immunosuppresseur. En revanche, les thérapies actuelles permettent d’obtenir des rémissions, voire pour certains patients de développer des anticorps anti-HBs qui signent le contrôle de la maladie. Il est important de traiter précocement, à un stade encore peu évolué de la maladie, d’où l’intérêt de renforcer le dépistage ciblé comme le préconise le dernier rapport sur les hépatites B et C*. Un tiers des patients ignorent leur statut sérologique, ce qui est une perte de chance pour certains d’entre eux qui nécessiteraient un traitement pour contrôler la maladie.

2 Que préconise le rapport en matière de dépistage ?

À la fois de renforcer le dépistage ciblé qui existe, c’est-à-dire encourager les populations migrantes (notamment d’Asie et d’Afrique), ceux qui ont des tatouages, des percings, des partenaires sexuels multiples à se faire dépister, et de l’élargir à tous les hommes entre 18 et 60 ans en leur recommandant d’effectuer au moins une fois dans leur vie un dépistage couplant VHB, VHC et VIH. Le développement de tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) VHB (qui existent déjà pour le VHC) devrait aussi favoriser le dépistage des populations qui ne fréquentent pas les structures médicales classiques.

3 Où en est la vaccination contre l’hépatite B ?

La couverture vaccinale des nourrissons qui atteint 80 % est désormais très satisfaisante. En revanche, moins de la moitié des adolescents sont vaccinés. Or tatouages, percing et usage de drogues en font une population à risque pour l’hépatite B.

Cette tranche d’âge correspond à une période pendant laquelle le lobby antivaccination était très présent. Or il faut rappeler qu’aucune étude épidémiologique n’a mis en évidence un lien entre la vaccination contre l’hépatite B et le risque d’apparition d’une maladie auto-immune ou d’une affection neurologique grave.

*Prise en charge des personnes infectées par les virus des hépatites B ou C sous l’égide de l’ANRS (Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites) et de l’AFEF (Association française pour l’étude du foie).

Prévention

Le dépistage de l’hépatite B est obligatoire au sixième mois de grossesse. Il repose sur la recherche de l’Ag HBs. Il est recommandé: partenaires sexuels et entourage proche (vivant sous le même toit) d’un sujet atteint d’une hépatite B aiguë ou chronique, personnes infectées par le VIH ou le VHC, personnes à risque élevé d’infection. La vaccination contre l’hépatite B est obligatoire pour les professionnels de santé exerçant dans un établissement public ou privé. La réponse à la vaccination doit être appréciée par un titre an anticorps anti-HBs ≥100 mUI/ml.

Elle est recommandée chez les nourrissons et en rattrapage chez les enfants et adolescents jusqu’à l’âge de 15 ans révolus. L’objectif est un contrôle à long terme de la maladie ; chez les personnes à risque élevé d’exposition au virus: comportement sexuel à risque (partenaires multiples), partenaires sexuels ou entourage proche d’un patient (y compris porteur d’une hépatite B chronique inactive), migrants originaires de zones d’endémie, voyage en zone d’endémie, usagers de drogues par voie parentérale, patients susceptibles de recevoir des transfusions et/ou des médicaments dérivés du sang ou candidats à une greffe et toute personne susceptible d’être en contact avec des patients ou des produits biologiques (professionnels de santé, secouristes, gardiens de prison, éboueurs, égoutiers, policiers…).

POUR EN SAVOIR PLUS

• Association française pour l’étude du foie : www.afef.asso.fr

• www.hepatites-info-service.org (tél. : 0 800 845 800)

• www.soshepatites.org (tél. : 0 800 004 372)