Qualité Gestion des risques
Agnès Bocquet* Karine Chelles** Malika Musard*** Patrice Lombardo****
La mise en place d’une démarche d’assurance qualité au sein d’un Institut de formation en soins infirmiers (Ifsi) n’est pas chose aisée. À l’Ifsi d’Annecy, cela a pris quelques mois, avec à la clef le développement d’une “culture qualité”.
L’Institut de formation en soins infirmiers (Ifsi) d’Annecy est adossé au centre hospitalier Annecy Genevois, établissement public de santé. Il accueille 333 étudiants en soins infirmiers et 75 élèves aides-soignants. Au total, trente personnes travaillent dans notre institut, dont vingt-deux cadres de santé chargés de formation.
Dès 2007, le directeur de l’institut a souhaité initier une démarche d’assurance qualité afin de répondre à trois objectifs : améliorer de façon continue le fonctionnement et les activités de l’institut, faire face à la complexité croissante des formations dispensées, mais aussi anticiper l’évaluation des formations du secteur sanitaire pressentie dès cette période. Un petit groupe de travail, composé de trois cadres de santé très motivés et soutenus par le directeur, a donc vu le jour en 2008. La première étape de notre travail a été de réaliser un rapport d’autoévaluation. La réalisation de cet état des lieux nous a posé plusieurs problèmes :
• tout d’abord, en l’absence de cadrage national, il a fallu choisir une méthodologie simple avec un référentiel adapté ;
• par la suite, la phase de rédaction ne fut pas toujours évidente. Il a fallu décrire nos organisations et nos activités, apporter des éléments de preuve et analyser toutes les données. Nous avons, pour ce faire, exprimé le besoin d’être accompagnés par une experte qualité, qui nous a aidés à affiner la méthode (fitness for purpose ou adéquation aux objectifs) et à réaliser l’analyse ;
• enfin, nous avons eu des difficultés à susciter une large implication de tous les acteurs pour compléter et valider le projet de rapport d’autoévaluaton.
Cet état de lieux a finalement permis de mettre en évidence les forces et les faiblesses de l’institut, sur la base desquelles nous avons déterminé les axes de travail prioritaires de notre démarche qualité actuelle. Il a permis également d’impliquer l’ensemble de l’institut et de progresser dans la mise en place d’une “culture qualité“.
Au regard de l’autoévaluation, le groupe qualité s’est donc élargi et a intégré les apprenants.
Leur participation à la réflexion et aux actions concrètes d’amélioration est une plus-value indéniable pour le fonctionnement de l’institut et pour favoriser le “vivre-ensemble“.
Les missions du groupe ont été redéfinies selon trois axes prioritaires : la vision institutionnelle (avec notamment l’analyse du système d’information), les actions d’amélioration (fondées sur une analyse des dysfonctionnements et des propositions de mesures d’amélioration) et les procédures (avec l’analyse et le suivi de leur mise en œuvre).
À ce jour, le groupe se compose de dix-sept personnes représentant la diversité des acteurs de la formation : cinq formateurs, deux cadres d’unités de soins, une secrétaire, une documentaliste ainsi que huit étudiants et élèves.
Le groupe qualité de l’institut s’est élargi afin d’enrichir nos réflexions et de croiser nos regards sur les thématiques abordées. L’avis des étudiants et élèves reste primordial dans un contexte d’inclusion des apprenants dans la gouvernance de l’Ifsi. Documentaliste, secrétaire et formateurs mobilisent leurs compétences de façon complémentaire.
Enfin, le travail en collaboration avec les cadres de proximité permet de favoriser le lien entre l’institut et les terrains de stages.
Il peut également permettre de solliciter les apprenants sur des problématiques de stage et les professionnels de terrain sur les problématiques de l’alternance.
Actuellement, l’ensemble du groupe se réunit une à deux fois par an avec le soutien de l’experte qualité. Le groupe échange sur l’avancée des actions menées et se projette dans un travail pragmatique à court et moyen terme.
Les sous-groupes, pilotés par l’un des trois cadres de santé présents qui constituaient le groupe qualité d’origine, se réunissent quant à eux une fois par mois en moyenne. En début d’année, chaque sous-groupe définit l’objet de son travail ainsi que les méthodes et le calendrier de réalisation. Pour assurer une communication régulière sur nos travaux et résultats avec toute l’équipe de l’institut, nous profitons des journées de réunion institutionnelle.
En 2013/2014, nous avons, entre autres, réalisé une enquête auprès de l’ensemble des apprenants afin d’évaluer la mise en œuvre des valeurs annoncées dans le projet pédagogique.
Nous avons initié un travail avec les apprenants sur les bilans de satisfaction qu’ils remplissent au terme des unités d’enseignement et des modules, afin d’améliorer le taux de retour. Nous avons élaboré, toujours en collaboration avec eux, des procédures concernant le rôle et les missions des délégués, le cadrage du conseil de la vie étudiante et l’autoformation des étudiants en salle de pratique.
De plus, nous avons précisé les modalités de fonctionnement d’une pré-commission d’attribution des crédits existante. Un travail important sur le suivi de cohorte a également été engagé. Enfin, nous avons formalisé notre politique qualité et notre charte qualité, diffusées sur le site Internet de l’Ifsi.
Début 2014, nous avons consulté tout le personnel de l’institut ainsi que les étudiants/élèves participant au groupe qualité pour recueillir leur avis concernant l’impact de la démarche qualité sur le fonctionnement de l’institut et sur les pratiques professionnelles des acteurs de la formation. Il en ressort que cette démarche favorise des échanges et une réflexion commune sur les pratiques, en visant leur amélioration et leur harmonisation. Grâce à l’inclusion des apprenants dans la démarche qualité, leurs besoins de formation sont aujourd’hui mieux identifiés et leur satisfaction est en permanence recherchée. Cette démarche a également permis aux membres du groupe de développer une vision beaucoup plus large du fonctionnement de l’Ifsi et des stratégies institutionnelles. Enfin, bien que la perception de la démarche qualité ne soit pas généralisée, nous avons constaté une réelle satisfaction de l’équipe au regard des mesures concrètes mises en place.
D’autres projets voient actuellement le jour. Le groupe qualité travaille pour le moment sur la communication auprès des apprenants ainsi que sur la mise en place de tableaux de bord permettant un suivi précis des promotions et du dispositif de formation.
Nous mesurons aujourd’hui l’investissement engagé dans cette démarche. Il est à la hauteur des apprentissages réalisés par chacun et de la richesse des partages en équipe et avec les apprenants.
« Cadre de santé en hématologie clinique, j’ai toujours tenté d’impulser une politique d’accueil et de formation du stagiaire et de créer un environnement propice (signe d’un intérêt d’assurer le développement des compétences professionnelles des étudiants dans une unité de soins).
Intégrer ce groupe qualité était une évidence pour approfondir mes connaissances du travail des cadres de santé chargés de formation, pour partager un regard critique sur la formation initiale, échanger sur la qualité de la formation (qualité attendue, qualité délivrée, qualité vécue – retour des ESI), partager les projets mis en place sur le terrain, partager des outils d’évaluation, mesurer les écarts et ajuster si nécessaire.
Persuadé que la formation initiale nécessite l’implication de tous les acteurs du soin, je dirai que le travail de co-construction initié entre formateurs et partenaires du terrain se révèle aujourd’hui nécessaire et incontournable pour les soignants en devenir. »
« J’ai intégré le groupe qualité il y a six ans. Le travail et le chemin accomplis m’ont permis de développer une vision différente de l’institut dans lequel j’exerce. Une première phase rédactionnelle autour de la réalisation d’un état des lieux m’a permis de mieux comprendre le fonctionnement de l’institut mais également de m’approprier une méthodologie propre à la démarche qualité. Une seconde phase, plus conceptuelle, par la rédaction d’une politique et d’une charte qualité m’a amenée à me questionner sur les orientations souhaitées pour l’équipe et les bénéficiaires. Enfin, une troisième phase, plus concrète, basée sur des échanges différents, à la fois authentiques et constructifs, avec les professionnels de terrain et les apprenants, occasionne aujourd’hui un travail en collaboration dans un même souci d’amélioration des pratiques. Controverses, délibérations, décisions en groupes permettent de mobiliser les compétences de chacun des intervenants et d’être force de proposition. Cette démarche requiert un travail régulier sur le long terme. Cela a nécessité pour ma part d’aménager des plages horaires dédiées à cette mission transversale. Cette charge de travail supplémentaire reste néanmoins compensée par l’intérêt que je peux trouver à travailler sur certains points (mise en place du suivi de cohorte d’une promotion, prise de recul sur les moyens de communication proposés aux apprenants par l’institut…). Ce fut pour moi une expérience d’écriture dans un premier temps, puis de raisonnement et de réflexion. Il s’agit à ce jour d’une expérience riche en partages, fondamentale selon moi au sein d’un institut de formation. Elle permet de développer la transparence dans le fonctionnement institutionnel et entretient une forme de motivation à parfaire ses pratiques quotidiennes. »