Extrait d’un travail de fin d’étude - Objectif Soins & Management n° 236 du 01/05/2015 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 236 du 01/05/2015

 

Management des soins

Marie-Chantal Durier*   Béatrice Perel**  

Monsieur E. est d’origine congolaise. Il y a dix ans, il a été diagnostiqué séropositif au virus du VIH. Ses décompensations en phase sida attestent qu’il ne prend pas régulièrement sa trithérapie, même s’il est conscient de la gravité de la maladie. Aucun membre de sa famille n’est au courant de son état et le corps soignant ne sait pas si Monsieur E. se protège lors de ses rapports sexuels, ni s’il est conscient du risque encouru pour sa (ou ses) partenaire (s).

Dans la culture de Monsieur E., être séropositif est synonyme de rejet social. Ce qui explique, en partie, le fait de ne pas parler de sa maladie à ses proches et la présence d’un marabout, venu lui rendre visite pour « chasser le mal que la médecine occidentale n’arrive pas à guérir ». Quel est le rôle infirmier dans la prise en charge d’un patient VIH et de sa famille ? En quoi la prise en compte du point de vue culturel du patient facilite son suivi thérapeutique ? Quelles sont les spécificités de la culture africaine qui peuvent intervenir dans le soin délivré au patient et dans la compréhension que le patient se fait de ce soin ? De ces interrogations est née la problématique suivante : en quoi la prise en compte de la culture du patient africain séropositif facilite-t-elle son éducation thérapeutique en service d’infectiologie face à la non-observance de son traitement ? L’interaction sociale est un moment privilégié pour connaître la culture de l’autre. L’infirmier doit profiter de ces interactions soignant/soigné pour cerner le registre culturel et social dans lequel évolue la personne. Chez le patient africain, les rapports à la mort, au sida, au traitement, sont imprégnés de sens culturels. S’intéresser, s’interroger sur ces représentations permet de mettre de côté nos préjugés et de comprendre certaines réactions. La culture procure des grilles de lecture du réel, pouvoir les interpréter aide le soignant à prendre du recul sur sa propre culture pour mieux accepter et respecter l’identité culturelle de l’autre. Prendre en compte les aspects culturels crée un climat positif. Le partenariat est d’autant plus important que le VIH est une maladie contagieuse, mortelle, poussant aux préjugés et demandant une prise en charge thérapeutique lourde et contraignante.

Pour accompagner ce patient africain, avec une culture différente de la culture occidentale, il est imparatif d’approfondir ses connaissances culturelles. Sa posture de « migrant » le confronte à un cadre de soin occidental qui diffère de ses repères, lui demande une adaptation pluridimensionnelle. Mais cela comporte des risques, comme celui d’enfermer les cultures dans des stéréotypes. Ou encore invoquer systématiquement la spécificité culturelle conduirait à enfermer l’autre dans sa propre culture. Un autre danger de la prise en charge serait de le considérer au regard d’une culture choisie implicitement comme une référence.

Extrait du travail de fin d’études de Fany Darcos, aujourd’hui infirmière : “Parlons de ton mal, nous verrons comment te soigner”.