Le plan triennal 2015-2017 s’articule autour de quatre axes : le renforcement de l’efficacité de la dépense hospitalière, le virage ambulatoire dans les établissements hospitaliers, l’action sur les produits de santé et l’amélioration de la pertinence du recours au système de soins. Autant d’objectifs qui visent in fine à renforcer la recherche de l’efficience hospitalière. Décryptage.
Les quatre axes du plan triennal 2015-2017 établissent des objectifs. Ces objectifs visent à renforcer la recherche de l’efficience hospitalière, elle-même inscrite dans le Code de la santé publique : « Les établissements de santé développent une politique d’évaluation des pratiques professionnelles, des modalités d’organisation des soins et de toute action concourant à une prise en charge globale du malade afin notamment d’en garantir la qualité et l’efficience. » On retrouve ici les deux dimensions de l’efficacité : qualité des soins et maîtrise des coûts. Il s’agit pour les ARS et les établissements de santé de rechercher la meilleure allocation des ressources aux établissements de santé et la qualité de prise en charge des soins, autrement dit de déterminer dans l’organisation un rapport coût-qualité satisfaisant. Deux types d’efficacité peuvent être distingués : une efficacité médicale qui caractérise les résultats des soins, et une efficacité économique qui prend en compte les moyens mis en œuvre pour obtenir ces soins. L’efficience caractérise alors une situation où les meilleurs résultats sont obtenus avec les ressources disponibles. Mais l’efficacité économique implique un phénomène de concentration qui fait apparaître certaines économies d’échelle.
L’évaluation de l’efficacité médicale relève d’une analyse des résultats (ou des effets) des soins : considérer d’une part l’opportunité de soin et ses résultats sur l’état de santé du malade, observer d’autre part les conditions dans lesquelles ce résultat a été obtenu (la qualité et la sécurité du traitement). Pour chaque pathologie, l’ensemble des effets produits par chaque traitement possible doit faire l’objet d’une mesure et d’une évaluation, afin de ne retenir que le traitement qui donne le plus d’effets positifs sur l’état de santé du malade. Cette analyse dépend des connaissances médicales, de l’avancée de la recherche clinique, des référentiels. Un établissement de santé est considéré comme efficace sur le plan médical s’il dispense les traitements appropriés à chaque malade en fonction de son état de santé. Encore faut-il que le traitement ou les soins prodigués le soient dans des conditions de sécurité et de qualité des soins optimales. En ce sens, la certification de la Haute Autorité de santé (HAS) permet de disposer d’une analyse objective de l’efficacité médicale d’un établissement de santé. On peut dès lors considérer que les objectifs du plan triennal portant sur l’amélioration des pratiques soignantes (plus d’ambulatoire, réduction des durées moyennes de séjour, maîtrise des médicaments, réduction des actes redondants) participent à la recherche de cette efficacité médicale.
Mais l’efficacité médicale ne saurait se suffire à elle-même. Il convient d’analyser les coûts de fonctionnement de l’établissement de santé qui n’est autre qu’un outil de production. Il s’agit de mesurer pour chaque pathologie traitée l’ensemble des coûts induits par le traitement de cette pathologie (personnels, médicaments, structure, équipements) et de retenir l’organisation qui minimise le coût de production ou celle qui satisfait à la contrainte budgétaire des tarifs dans le cadre de la tarification à l’activité des établissements de santé. Ainsi le Programme de médicalisation des systèmes d’information contribue à la mesure de la performance économique d’un hôpital. Mais la maîtrise des coûts de fonctionnement n’est pas suffisante : l’organisation et la gestion comptable et administrative doivent aussi être performantes, respecter les règles et les droits en la matière, tout en répondant aux attentes des patients (simplification, information, qualité hôtelière). Dès lors, chaque pôle d’activité (ou service) doit faire l’objet d’une évaluation sur le plan de l’efficacité économique. Les objectifs du plan portant sur les groupements hospitaliers territoriaux (GHT), la réduction des dépenses des achats, l’adaptation de la masse salariale et des effectifs sont bien dans cette recherche de l’efficacité économique.
La confrontation des résultats (efficacité médicale) et des coûts (efficacité économique) permet de définir le ratio coût-efficacité, c’est-à-dire l’efficience. On dira qu’un établissement de santé est efficient, d’une part, s’il maximise l’efficacité médicale pour un coût donné, d’autre part, s’il maximise l’efficacité économique (minimisation des coûts) pour une pathologie donnée. L’objectif est d’optimiser le rapport coût-résultat, efficacité économique-efficacité médicale, mais selon quelle politique ?
Une entreprise, comme le sont les établissements de santé, doit constamment attaquer ou se défendre pour rester présente sur le marché. Deux possibilités s’ouvrent à elle : la croissance interne (accroître sa capacité de production) et/ou la croissance externe (acquérir de nouvelles entreprises). Le processus de concentration traduit la mise en œuvre de ces deux stratégies. C’est le “processus” qui tend à accroître la taille absolue ou l’importance relative de certaines unités au sein de l’ensemble auquel elles appartiennent. La concentration permet aux firmes d’atteindre une masse critique ou une taille optimale qui leur assure le maximum d’efficacité économique. Toutefois, les travaux empiriques montrent que la relation entre la taille d’une entreprise et ses coûts de production n’est pas stable : si l’augmentation de la taille permet de diminuer une partie des coûts de production, en revanche, des surcoûts apparaissent en termes d’organisation et de gestion (coûts de transport, de stockage…). Car les avantages de la concentration reposent sur la présence d’économies d’échelle. On parle d’économies d’échelle lorsque le coût moyen d’une firme diminue avec l’accroissement de sa taille jusqu’à un certain seuil, et de déséconomies d’échelle lorsque le coût croît à nouveau après ce seuil. L’efficience est alors à son maximum quand la firme a atteint ce seuil, c’est-à-dire la taille critique. En présence d’économies d’échelle, la quantité produite d’un bien croît proportionnellement plus vite que la quantité de facteurs de production (rendements d’échelle croissants), c’est-à-dire que les coûts unitaires de production du bien produit diminuent.
Plusieurs types d’économies d’échelle peuvent être distingués : les économies d’établissement, qui concernent les relations entre les coûts et la taille des unités techniques de production ou de vente ; les économies de firmes, qui portent sur les relations entre les coûts et la taille des unités juridiques ; les économies intra-établissements et les économies inter-établissements. Parmi ces économies, on peut également distinguer les économies réelles qui traduisent la diminution des quantités de facteurs par bien produit en fonction de la taille de la firme ; les économies monétaires qui traduisent la baisse des prix de revient des facteurs de production du fait de l’augmentation de la taille. À l’inverse, l’apparition de déséconomies d’échelle s’explique par l’épuisement des facteurs techniques, les difficultés de gestion, la dégradation des relations de travail, la hausse des coûts de vente et de distribution. Il convient alors aux firmes de s’adapter rapidement et de prendre les mesures nécessaires pour faire disparaître des déséconomies d’échelle. La concentration industrielle semble donc, par l’intermédiaire des économies d’échelle, permettre d’accroître l’efficacité économique d’une firme, du moins jusqu’à un certain seuil (taille critique). C’est dans cette conception que les GHT doivent donc être conçus et pensés : assez large pour produire des économies d’échelle mais d’une taille raisonnable pour ne pas conduire à l’inverse à des déséconomies d’échelle, et ce, aussi bien sur le plan médical que sur le plan économique.
Le 22 mai dernier, Jacqueline Hubert (directrice générale du CHU de Grenoble) et Frédéric Martineau (président de la conférence des présidents de commissions médicales d’établissements de centres hospitaliers généraux) ont remis à la ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes leur rapport intermédiaire sur les GHT. La première des vingt conditions pour la réussite des GHT concerne justement la taille du GHT qui doit être adaptée aux acteurs du territoire. « Le territoire de GHT est un territoire de projet. Il ne peut être déterminé par les frontières administratives des départements ou régions. Le périmètre du GHT correspond davantage à un bassin de vie, aux flux des patients. Le GHT doit avoir une taille compatible avec l’objectif de maillage des territoires. La taille du GHT doit ainsi permettre la mise en œuvre du projet médical partagé. Il s’agit donc d’une taille qui correspond à une distance acceptable :
– pour les patients dont le parcours inter-hospitalier les conduirait à se déplacer entre des établissements de différents recours ayant organisé une complémentarité de leur offre ;
– pour les professionnels constituant des équipes de territoire.
Les concertations conduites avec les usagers et la communauté médicale depuis le début de cette année nous conduisent à dire qu’il ne paraît pas raisonnable de constituer des GHT entre établissements distants de plus d’une heure de trajet. Cette notion de distance est pour autant difficile à traduire en loi, comme en décret. En effet, une heure de trajet, c’est une distance totalement différente selon que l’on vit dans une grande ville, dans une ville moyenne, dans un village ; selon que l’on vit en plaine ou en zone montagneuse ; selon qu’il existe un réseau routier à dimension nationale ou départementale. L’inscrire en dur, c’est prendre le risque de bloquer les situations sur le terrain. Pour autant, si cette dimension de taille n’est pas directement traduite dans la loi, elle découle de la notion de soins de proximité, et de constitution d’équipes médicales de territoire. Au-delà de la distance séparant les établissements de santé, il paraît indispensable de veiller à ne pas regrouper dans un GHT un trop grand nombre d’établissements. »
La mission prend donc en compte les questions d’efficacité médicale (tenir compte de la distance pour organiser des équipes de territoire qui puissent réellement fonctionner) et d’efficacité économique (tenir compte de la distance pour les usagers afin de ne pas perdre des recettes d’activité potentielles).
Mais qu’en sera-t-il sur le terrain ? L’avenir nous le dira dès que la loi portant modernisation du système de santé aura été votée et les GHT décidés.
→ Le renforcement de l’efficacité de la dépense hospitalière : mutualisation des moyens et des fonctions supports au sein des futurs GHT, économies sur les achats hospitaliers (programme Phare), supervision financière par les agences régionales de santé (ARS) des établissements de santé en difficulté (approbation des tableaux d’effectifs, approbation des programmes d’investissements, pilotage par la marge brute d’exploitation).
→ Le virage ambulatoire dans les établissements hospitaliers : développement massif de la chirurgie ambulatoire, meilleure articulation entre ville et hôpital, développement de l’hospitalisation à domicile et de l’hospitalisation de jour en médecine, amélioration de la prise en charge en sortie d’établissement et optimisation du parcours pour certaines pathologies ou populations.
→ L’action sur les produits de santé : maîtrise des prix, développement des médicaments génériques.
→ L’amélioration de la pertinence du recours au système de soins : réduction des actes inutiles ou redondants, en établissement de santé ou en ville, maîtrise du volume de prescription des médicaments et lutte contre la iatrogénie, optimisation des transports de patients. Des actions déclinées dans le programme national de gestion du risque.
1. Une taille adaptée aux mouvements des acteurs du territoire.
2. Un diagnostic territorial robuste.
3. Une reconnaissance de la spécificité de chaque établissement.
4. Une valence hospitalo-universitaire pour chaque GHT.
5. L’absence de personnalité morale au profit d’un établissement support.
6. L’évolution du métier de directeur d’hôpital.
7. Une gouvernance personnalisable.
8. La mise en place d’équipes médicales de territoire.
9. Une organisation commune des services médico-techniques.
10. Un système d’information convergent.
11. Un département de l’information médicale (DIM) de territoire.
12. La mutualisation des achats.
13. Une politique formation unifiée.
14. Une solidarité financière entre établissements d’un même GHT.
15. Des autorisations d’activités de soins territorialisées.
16. Une certification conjointe par la HAS.
17. Une préparation commune de la certification des comptes.
18. Des ARS en appui de la démarche des établissements publics de santé.
19. Des GHT, une opportunité mais non un objectif d’efficience.
20. Un calendrier ambitieux et progressif de mise en œuvre.
• Jacqueline Hubert et Frédéric Martineau, Mission Groupements hospitaliers de territoire – rapport intermédiaire, mai 2015, ministère des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes.