L’hypnose à l’hôpital, un usage en hausse - Objectif Soins & Management n° 242 du 01/01/2016 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 242 du 01/01/2016

 

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Françoise Vlaemÿnck  

Petit à petit, l’hypnothérapie fait son nid à l’hôpital. En effet, de plus en plus d’infirmières se forment à l’hypnose dans le but d’améliorer la qualité de leurs soins et le confort des patients.

« L’hypnose est un mode de fonctionnement psychologique par lequel un sujet, en relation avec un praticien, fait l’expérience d’un champ de conscience élargi. Cette définition implique que la pratique de l’hypnose recouvre deux dimensions : à la fois un état de conscience modifiée que l’on nomme “état hypnotique”, mais aussi une relation singulière. L’état hypnotique a été caractérisé à la fois par les neurosciences (imagerie cérébrale) et par la psychologie (théorie de la dissociation psychique). Quant à la dimension de la relation, elle renvoie à une communication thérapeutique telle que l’a développée par exemple Érickson et à une dimension intersubjective particulièrement étudiée par les hypnoanalystes », selon Antoine Bioy, professeur de psychopathologie et psychologie médicale et expert scientifique de l’Institut français d’hypnose. Si, étymologiquement, “hypnose” vient du grec hypno qui signifie “sommeil”, l’état hypnotique se caractérise par un état différent du sommeil et de l’état de veille. Ainsi, pour Milton Érickson, psychiatre et psychologue américain à l’origine du renouvellement de l’hypnose clinique et qui a consacré de nombreux travaux à l’hypnose thérapeutique, l’état d’hypnose « est un état de conscience particulier qui privilégie le fonctionnement inconscient par rapport au fonctionnement conscient ».

ÉTABLIR LA CONFIANCE

Soins douloureux, gestes invasifs, soins palliatifs, douleurs chroniques, addictions, stress, phobies… Bien qu’il n’existe aucune étude de fond décrivant l’usage de l’hypnose en milieu hospitalier, le fait est qu’elle est utilisée dans de nombreux domaines du soin, et particulièrement dans le champ du soin infirmier. En témoigne l’offre de diplômes universitaires désormais dédiée à l’apprentissage de cet outil relationnel et à laquelle ont accès les infirmières et le nombre croissant de soignants qui s’initient à l’hypnose via, par exemple, des formations courtes proposées en intra-hospitalier et divers organismes de formation, spécialisés ou généralistes.

Se former à l’hypnose

Voici plusieurs exemples de formations dédiées aux professionnels de santé. Elles se déroulent généralement sur un ou deux ans selon les facultés et combinent un enseignement théorique et pratique.

→ Universités

• Diplôme d’études supérieures universitaires (DESU) hypnose médicale, université d’Aix-Marseille (Bouches-du-Rhône) – umfcs.univ-amu.fr

• Diplôme inter-universitaire (DIU) hypnose médicale et clinique, université de Bretagne occidentale et université de Bourgogne – www.univ-brest.fr

• Diplôme universitaire (DU) hypnothérapie, université de Bourgogne – www.u-bourgogne-formation.fr

• DU hypnose médicale, université de Bordeaux (Gironde) – www.u-bordeaux.fr

• DU hypnose médicale et clinique, université de la Réunion – sufp.univ-reunion.fr

• DU hypnose et thérapies brèves, université de Limoges (Haute-Vienne) – www.medecine.unilim.fr

• DU hypnose médicale, université de Montpellier-Nîmes (Gard) – du.med.univ-montp1.fr

• DU hypnose thérapeutique, université de Nantes (Loire-Atlantique) – www.univ-nantes.fr

• DU hypnose médicale et formation à la pratique de l’hypnose thérapeutique, université de Nice (Alpes-Maritimes) – portail.unice.fr

• DU hypnose clinique & DU hypnose en anesthésie, université Paris 11 – www.medecine.u-psud.fr

• DU hypnose médicale, université de Toulouse (Haute-Garonne) – www.dufmcepp.ups-tlse.fr

→ Organismes privés ou associatifs

• Institut Emergences (organisme évalué DPC) – www.hypnoses.com

• Institut français d’hypnose (organisme évalué DPC) – www.hypnose.fr

• Sparadrap (formation hypnoanalgésie et distraction pédiatrique) – www.sparadrap.org

• France hypnose formation – www.france-hypnose-formation.com

→ Informations sur l’hypnose

• Association française pour l’étude de l’hypnose médicale – www.hypnosemedicale.com

• Association française d’hypnose médicale – www.afhyp.fr

• Confédération francophone d’hypnose et thérapies brèves – www.cfhtb.org

Quelle forme d’hypnose pour quel soin ?

Pour faire bref, on distingue trois formes d’hypnoses en pratique soignante : l’hypnoanalgésie, à visée antalgique, qui permet par exemple de réduire la douleur induite par les soins et des douleurs chroniques ; l’hypnothérapie, utilisée ainsi dans le sevrage tabagique ou la prise en charge de troubles comportementaux comme les phobies ; l’hypnosédation, à visée sédative. Cette dernière option ne remplace pas les drogues mais permet de réduire la quantité d’anesthésiques. Dans certains cas, elle peut cependant se substituer à une anesthésie locorégionale, voire générale. « Dans notre établissement, une centaine de soignants sont aujourd’hui formés à l’hypnoanalgésie pour accompagner les enfants lors des soins douloureux. Finalement, l’idée de l’hypnose, c’est comment je vais rencontrer l’enfant et quel vocabulaire positif je vais utiliser afin d’établir un lien de confiance le plus rapidement possible. L’hypnose donne des outils pour mieux rencontrer l’enfant dans son univers », explique Céline Guiot, puéricultrice, cadre de santé à l’hôpital Trousseau à Paris. Ainsi, la pratique de l’hypnose peut débuter de cette simple manière. Dès ce stade pourtant, le processus de suggestion est en marche et peut permettre d’apaiser le patient et de conduire des soins dans les meilleures conditions possibles pour lui et le professionnel. « Il y a quelques années, se mettre à la hauteur de l’enfant et jouer avec lui était considéré comme une perte de temps. Or on sait aujourd’hui que jouer avec un enfant en pédiatrie fait partie de notre travail et que, grâce à ces techniques de communication, un médecin, par exemple, va pouvoir réaliser son examen alors que, sans cela, l’enfant refuserait d’être touché », explique Nadine Maunoury, puéricultrice, formatrice indépendante en hypnoanalgésie pédiatrique (lire l’interview p.48). Et d’ajouter : « Avant de proposer une solution, il est nécessaire de faire un recueil de données par notre observation du patient, l’écoute de ce qui nous en est dit par l’enfant lui-même, sa famille et l’équipe. C’est au regard de ce recueil que l’on va pouvoir proposer une démarche, et on ne peut pas se contenter que de l’un ou que de l’autre, il faut absolument ces trois sources d’information pour construire une technique hypnotique. On est dans le sur mesure, pas dans le déroulé d’un protocole qui se plaquerait de manière indifférenciée et qui marcherait à tous les coups. »

AVANCER ENSEMBLE

Prévenir, évaluer la souffrance des patients et participer à leur soulagement est d’ailleurs l’une des missions premières de l’infirmière. La démarche de prise en charge de la douleur a ainsi été consacrée à la fin des années 1990 où les premiers plans de lutte contre la douleur ont été mis en place. Celui couvrant la période 2006-2010 a ainsi introduit une nouvelle dimension pour cette prise en charge via l’utilisation des méthodes non pharmacologiques, telles la relaxation, la sophrologie et l’hypnose. Ce plan précise ainsi que « le traitement médicamenteux ne constitue pas la seule réponse à la demande des patients douloureux. Les techniques non médicamenteuses de prise en charge de la douleur existent. Les professionnels et les usagers les reconnaissent comme efficaces. Il s’agit de traitements réalisés par des professionnels de santé qualifiés : traitements physiques (massages, kinésithérapie, physiothérapie, balnéothérapie, éducation posturale et gestuelle), méthodes psychocorporelles ou comportementales (hypnose, relaxation, sophrologie) ». Pour Nadine Maunoury, « mieux vaut former dix soignants courtement à l’hypnose dans un service que deux de manière longue car tout le monde aura les mêmes bases et avancera ensemble. Ensuite, il faut encourager ceux qu’ils veulent pousser plus loin leur formation car ils seront moteurs dans leur service et pourront devenir des personnes ressources pour les équipes ». Bien entendu, l’hypnose ne concerne pas que le champ pédiatrique : les patients adultes bénéficient également de cette technique. De plus en plus de consultations infirmières proposent l’hypnose pour traiter, par exemple, des céphalées chroniques, des douleurs neuropathiques ou encore des fibromyalgies, ou dans le cadre de soins de support en cancérologie et en soins palliatifs. Mais peu d’infirmières publient sur le sujet. Les programmes hospitaliers de recherche en soins infirmiers pourront sans doute venir combler ce manque…

L’hypnose médicale évaluée par l’Inserm

Réalisé à la demande du ministère de la Santé, le rapport de l’Inserm portant sur “L’évaluation de l’efficacité de la pratique de l’hypnose” a été publié septembre 2015. « L’hypnose entraîne chez le sujet un état modifié de conscience, avec de multiples applications cliniques. Ainsi, elle peut être utilisée à différentes visées, notamment antalgique, sédative et psychothérapeutique », rappellent les scientifiques de l’unité 118 de l’Inserm*, qui, pour leur expertise, ont notamment décortiqué la “Cochrane databaseof systematic reviews”, base de données scientifiques dédiée à l’hypnose. Le rapport rappelle que les formations, qu’elles soient associatives, privées ou universitaires, ne sont pas reconnues par l’Ordre des médecins et qu’en l’absence d’une réglementation entourant cette pratique, les hypnothérapeutes ont des qualifications « très différentes ». Quoi qu’il en soit, les experts retiennent que plusieurs études « présentent des résultats convergents », indiquant que le recours à l’hypnose lors d’une intervention chirurgicale ou lors d’un acte de médecine ou radiologie interventionnelle permet de diminuer la consommation de sédatifs et/ou d’antalgiques en peropératoire. Cependant, si ces résultats « présentent une base solide », l’Inserm estime que de nouvelles études seraient « les bienvenues ». En termes de recommandations, le rapport estime que la création d’un système de surveillance « semble pertinente pour recueillir les données issues du terrain, mais surtout pour éviter le risque inhérent à tout recours alternatif aux thérapeutiques non conventionnelles : celui de retarder ou d’entraver l’accès à des soins conventionnels qui seraient par ailleurs nécessaires ». Tout comme il serait également nécessaire, selon les chercheurs, d’exercer une vigilance « sur les dérives éthiques que les techniques de suggestion peuvent entraîner. Comme dans de nombreuses autres techniques de soins non conventionnels, une réglementation des pratiques serait ainsi souhaitable ».

* inserm.fr

3 QUESTIONS À… NADÈGE MAUNOURY

Nadège Maunoury, infirmière puéricultrice, formatrice indépendante en hypnoanalgésie pédiatrique, chargée de formation à l’association nationale de puéricultrices diplômées et des étudiantes (ANPDE)

1 On note un véritable “engouement” pour l’hypnose en pédiatrie depuis quelques années. Selon vous, quel en est le principal motif ?

L’envie pour les soignants de se former se fonde, la plupart du temps, sur le fait qu’ils ont été, ou sont, confrontés à des refus de soin des enfants. Or les techniques de communication, et particulièrement l’hypnoanalgésie adaptée à l’enfant, ont montré leur efficacité pour rendre l’environnement de soins plus ludique et plus calme. Par ailleurs, au cours des dernières années, plusieurs recommandations ministérielles sont venues promouvoir le recours à des traitements et techniques non médicamenteux tandis queles travaux de recherche montraient l’efficience de cet outil. Enfin, les établissements ont également pris la mesure de l’apport de l’hypnoanalgésie et ont répondu favorablement à la demande d’apprentissage des soignants. Sans oublier que l’hypnothérapie bénéficie également d’une couverture médiatique de plus en plus fréquente et fait aussi régulièrement l’objet de communications dans les congrès professionnels. Bref, nous ne sommes pas face à une curiosité de circonstance, mais bel et bien à une pratique qui ne cesse de se développer.

2 Un “bagage” théorique important est-il nécessaire pour mettre en œuvre une pratique d’hypnoanalgésie ?

C’est fonction du potentiel et des motivations de chacun. Mais, en quelques heures, on peut déjà maîtriser les grandes lignes de l’hypnose. Ensuite, pour conduire des séances d’hypnoanalgésie, il faut suivre une formation de quelques jours. Cependant, la durée de la formation n’est pas forcément un critère. Au sein d’un groupe, on voit toujours trois postures se dessiner. Ainsi, il y a ceux qui vont de suite “s’y mettre à fond”, ceux qui vont attendre de voir comment font leurs collègues avant de se lancer, et ceux qui vont s’abstenir mais vont développer une bienveillance vis-à-vis de leurs collègues opérateurs.

3 Selon-vous, faut-il des aptitudes particulières pour pratiquer l’hypnoanalgésie ?

Oui, il faut être curieux, créatif et autonome. Il ne s’agit pas, en effet, de plaquer une méthode, mais de s’approprier la technique et d’utiliser cet outil de manière à ce que l’on se sente le plus à l’aise et le plus en adéquation avec la façon dont on conçoit et conduit ses soins en s’adaptant aux besoins du patient.