En 1999, la publication du rapport To err is human : building a safer health care system
Outre le fait de mettre en évidence les failles du système de soins, ce rapport
En parallèle, la population générale réclame plus de certitude pour sa sécurité
Deux enquêtes nationales
• La première hypothèse est celle d’une contradiction entre la culture organisationnelle de l’hôpital, qui fait face à une activité toujours croissante, et la culture de sécurité, qui demande un temps de vérification à chaque étape du parcours de soin.
• La seconde hypothèse considère qu’il existe un décalage entre les risques réels et ceux que perçoivent les professionnels, éventuellement accentué par l’influence de la dynamique des groupes.
• La dernière hypothèse interroge le véritable rôle du patient, défini par les pouvoirs publics dans le Programme national pour la sécurité des patients comme “co-acteur” pour sa propre sécurité aux côtés des soignants : quelle place lui est-elle réellement laissée ? Peut-il vraiment représenter une ultime barrière de sécurité ?
Nous avons utilisé la méthodologie de l’entretien semi-directif à l’aide d’un guide thématisé. Le guide comprenait dix-huit questions articulées autour de trois thèmes : l’organisation des soins, le facteur humain et le rôle du patient.
Treize personnes ont été choisies en fonction de leur profession, de leur parcours, de leur rôle et de leur implication à l’hôpital : un directeur de la qualité, un médecin médiateur auprès des usagers, un cadre paramédical de pôle, un cadre de santé, un représentant des usagers et huit infirmières (IDE) issues de services de réanimation, de médecine et de chirurgie de trois hôpitaux différents.
Le choix des hôpitaux est le fruit d’une réflexion autour de leur expérience de la sécurité des soins.
• Le premier établissement est un lieu où la culture de sécurité est née avec la mise en place des précautions universelles au début de l’épidémie du virus du sida.
• Le second établissement correspond au vécu récent d’une épidémie de BHRe dans un service de médecine.
• Le dernier hôpital a été choisi en fonction de son importance régionale du fait de sa taille, et de sa non-appartenance à la même institution que les deux précédents, le but étant de comparer leurs différences culturelles.
En analysant les mécanismes de survenue des accidents industriels majeurs, Reason
Dans cette première partie où nous supposons que les changements organisationnels induits par les réformes budgétaires ont entraîné une modification de travail chez les professionnels, nous nous sommes attachés à réaliser un état des lieux afin de repérer les éventuelles conditions latentes des hôpitaux.
L’étude des effets de la tarification à l’activité sur la qualité des soins analysée à travers le rapport de l’Irdes
Notre analyse montre donc une organisation du travail cadencée et épuisante où la sécurité du patient peut ne pas être garantie. Au regard de la charge de travail, avec des patients « de plus en plus lourds », les IDE expliquent que la sécurité des soins passe souvent au second plan, voire « qu’il y a des jours où [elle] est mise en stand by ». Il existe donc une notion de priorité entre la culture organisationnelle et la culture de sécurité, même si chacune des professionnelles est consciente de l’importance des mesures de sécurité.
La question est donc de comprendre pourquoi les procédures ne sont pas mises en œuvre. Deux réponses nous sont apportées : d’une part, l’application des mesures n’est pas un “réflexe”, comme l’indique l’étude du Ccecqa
Reason
Nos entretiens ont révélé chez les professionnels des comportements volontairement inappropriés par rapport aux recommandations, animés par une réflexion où sont mises en balance la connaissance des bonnes pratiques et la perception qu’ils ont des risques.
Cette perception du risque est définie comme une construction mentale subjective de la valeur d’un risque, issue d’une culture partagée et hiérarchisée en fonction d’un contexte donné. Le risque est donc perçu différemment d’un individu à un autre, pouvant alors expliquer les diversités de jugements par rapport à une situation.
Ces jugements renvoient également au concept des violations routinières où Reason
Nos entretiens ont également mis en lumière l’importance des facteurs de groupe dans la résistance aux changements. Le groupe professionnel, issu du groupe restreint
À travers ces entretiens, nous avons constaté que l’erreur humaine pouvait également découler d’actions non volontaires. Selon Reason
De plus, Norman
Le déficit communicationnel représente également un élément majeur dans la survenue d’un EIAS selon les professionnels interrogés. Le rapport Picquemal
Notre troisième hypothèse cherche à explorer la place réelle du patient en tant “qu’acteur” pour sa sécurité, tel que le souhaitent les pouvoirs publics. Cette volonté est le reflet d’une société plus instruite, à la recherche d’autonomie et de maîtrise du risque
L’orientation majeure du Programme national pour la sécurité des patients (2013/2017), à savoir « faire de la relation soignant-soigné un partenariat, dans une optique de sécurisation des soins », où « le patient peut jouer un rôle de vigie, d’alerte, de barrière de sécurité », indique le cadre paramédical de pôle, semble cependant être loin de la réalité. Pour Le Voyer
Le modèle paternaliste où le médecin règne sur l’hôpital en tant qu’autorité de savoir et autorité hiérarchique
La notion de “toute-puissance” médicale retrouvée dans nos entretiens nous amène à l’idée du pouvoir décrite par Friedson
Le patient, toujours ignorant, reste dépossédé de la possibilité de réagir face à l’éventualité d’un EIAS : « Comme ils ne savent pas ce qui doit être fait […], ils suivent […], ils ne réagissent pas », précise la directrice de la qualité.
La plupart de nos témoignages attestent que les médecins ne sont pas prêts à considérer le patient comme un acteur à part entière de ses décisions médicales. Seul un véritable changement culturel permettra cette transformation de la place du patient.
Notre travail de recherche, axé autour de trois hypothèses, nous a aidés à mieux appréhender la problématique des événements indésirables à l’hôpital. Mais également à considérer que l’évitabilité de ces derniers reste une tâche très complexe du fait de la diversité des causes.
• En effet, l’analyse de la première hypothèse nous a permis d’objectiver une culture organisationnelle qui favorise une intensification du travail, entraînant un manque de temps pour réaliser du “travail bien fait”, induisant in fine un épuisement des professionnels. Cette organisation semble alors incompatible avec une culture de sécurité des soins, permettant ainsi la possibilité d’erreurs.
• La seconde hypothèse de notre analyse, portant sur le facteur humain, nous a permis de découvrir que la perception des risques n’expliquait pas à elle seule les actions de transgression des règles des professionnels : l’individu fait le choix de respecter ou non les règles en fonction d’un système hiérarchisé de valeurs qui lui est propre, mais aussi en fonction de la dimension de pouvoir que ses choix lui confèrent. Par ailleurs, en dehors du cadre de transgression des règles, les professionnels expliquent le risque d’erreur par les sollicitations constantes, le manque de compétences et le déficit de communication.
• Notre dernière hypothèse, attachée à étudier la place du patient, a pu souligner l’attitude passive de celui-ci, liée a priori principalement à une stratégie de pouvoir du corps médical, ne lui permettant donc pas d’être l’ultime barrière de sécurité.
L’analyse des causes de survenue des EIAS, issue d’un échantillonnage de treize personnes, fait apparaître la nécessité d’un véritable changement culturel à l’hôpital si l’on veut tendre vers une réduction des événements indésirables. Or le cadre de santé, au carrefour de ces trois dimensions (organisation, professionnels, patients), semble être le vecteur par excellence pour initier, avec ses collaborateurs médicaux et paramédicaux, ces transformations culturelles au sein des services de soins.
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