Objectif Soins n° 243 du 01/02/2016

 

Économie de la santé

Didier Jaffre  

Premier impact de la réforme territoriale sur le système de santé, la création des agences régionales de santé correspondant aux nouvelles régions est effective depuis le 1er janvier 2016.

Sept nouvelles agences régionales de santé ont été redéfinies, correspondant au nouveau ressort territorial des grandes régions créées par fusion de deux ou trois régions actuelles :

• Alsace / Lorraine / Champagne-Ardenne ;

• Aquitaine / Limousin / Poitou-Charentes ;

• Midi-Pyrénées / Languedoc-Roussillon ;

• Rhône-Alpes / Auvergne ;

• Bourgogne / Franche-Comté ;

• Nord-Pas-de-Calais / Picardie ;

• Basse-Normandie / Haute-Normandie.

Les six autres régions restent inchangées :

• Île-de-France ;

• Centre ;

• Bretagne ;

• Provence-Alpes-Côte d’Azur ;

• Corse ;

• Pays de Loire.

Dans le domaine de la santé, depuis 1996 avec la création des agences régionales de l’hospitalisation, mais surtout avec la loi Hôpital, patients, santé et territoires qui a consacré le niveau territorial de la région comme le pivot de l’organisation de la santé, cette réforme des régions n’est pas sans impact. À noter cependant qu’en 2006 ont été définies des interrégions au nombre de sept pour l’organisation des disciplines hautement spécialisées de niveau interrégional relevant des schémas interrégionaux d’organisation sanitaire.

Un nouveau découpage territorial vient donc s’insérer entre les régions actuelles et les sept interrégions des schémas interrégionaux d’organisation sanitaire. Mais quel impact cela aura-t-il sur l’organisation de la santé ?

LE PASSAGE DE 22 À 13 AGENCES RÉGIONALES DE SANTÉ SUR LE TERRITOIRE MÉTROPOLITAIN

La loi Hôpital, patients, santé et territoires a créé une agence régionale de santé par région ; dès lors que le nombre de région diminue, le nombre d’agences régionales de santé également.

Une organisation à adapter

Les agences régionales de santé ont donc adapté leur organisation au nouveau découpage régional. Elles ont ainsi redéfini leur implantation géographique, les relations entre les sièges et les délégations territoriales, sachant qu’il n’existe pas un modèle unifié d’organisation des agences régionales de santé mais treize modèles – les agences régionales de santé, établissements publics, étant libres de choisir leur mode de fonctionnement interne. Or ce nouveau découpage en treize grandes nouvelles régions n’est pas vraiment neutre en termes de fonctionnement.

Ainsi certaines grandes régions compteront-elles plus de dix départements. C’est le cas pour Rhône-Alpes / Auvergne, Midi-Pyrénées / Languedoc-Roussillon, Aquitaine / Limousin / Poitou-Charentes, Alsace / Lorraine / Champagne-Ardenne. D’autres entre cinq et huit, comme Nord-Pas-de-Calais / Picardie, Basse et Haute-Normandie ou Bourgogne / Franche-Comté. Ce qui nécessite des organisations innovantes afin de garantir proximité de l’action et expertises des métiers.

Au niveau régional

Le niveau régional devra être celui de la définition de la stratégie, du pilotage/contrôle des activités, de l’observation et de l’expertise.

Les délégations territoriales

Elles doivent constituer le niveau de proximité pour la mise en œuvre de la politique régionale, de manière concertée et coordonnée, et dans un dialogue permanent avec les opérateurs et autres acteurs politiques et institutionnels, notamment les conseils départementaux dont l’existence n’est pas remise en cause.

Les agences régionales de santé

Les agences régionales de santé s’appliquent donc à elles-mêmes les recommandations, voire les injonctions qu’elles entonnent aux établissements de santé et médico-sociaux : regroupement au sein de groupements hospitaliers de territoire pour mutualiser les fonctions support et faire ainsi des économies d’échelle, sur la base d’un projet médical partagé.

Perspectives

Mais la création des nouvelles agences régionales de santé s’accompagne-t-elle réellement d’économies de gestion ? Que sera le projet de santé commun aux nouvelles agences régionales de santé ? Les fusions qui marchent sont celles qui se font dans la durée, en laissant aux femmes et aux hommes le temps d’apprendre à se connaître ; ils doivent partager un projet commun pour donner du sens à la réunion et faire taire les craintes légitimes des personnels. Or, en ce qui concerne les agences régionales de santé, force est de constater qu’il n’existe pas encore de projet de santé commun. Ce point n’a pas été évoqué dans les motifs de la réforme et, aujourd’hui, il n’est pas du tout certain qu’il y ait des projets communs en matière de santé au sein de nouvelles grandes régions.

Pour autant, les agences ont relevé le défi de conduire en moins d’un an leur fusion. Les sept nouvelles agences sont toutes en ordre de marche, et ont défini leur organigramme. On peut d’ores et déjà distinguer deux groupes d’agences régionales de santé :

• les grandes agences régionales de santé avec plus de dix départements, qui ont tendance à renforcer les moyens des délégations départementales,

• les autres agences régionales de santé qui ont tendance à concentrer davantage les moyens sur les directions régionales. Chaque agence élabore actuellement son projet d’agence.

Il est certain que cette réforme permettra de consolider les équipes des agences régionales de santé en expertise métier.

Mais les économies d’échelle recherchées ne risquent-elles pas d’être des déséconomies d’échelle étant donné la taille géographique des nouvelles grandes régions ?

L’IMPACT SUR LA DÉMOCRATIE SANITAIRE ET L’ORGANISATION DE LA SANTÉ

Le ressort régional étant la base de l’ensemble de l’organisation de la santé en France depuis 2009, le nouveau découpage en treize régions induit de fait de profonds changements.

Nouveaux conseils de surveillance des agences régionales de santé

Les treize nouveaux conseils de surveillance des agences régionales de santé ont une nouvelle composition qui doit prendre en compte les nouveaux ressorts géographiques. La désignation des membres doit être faite au premier trimestre.

Nouvelles conférences régionales de santé et de l’autonomie

Les treize nouvelles conférences régionales de santé et de l’autonomie (CRSA) veilleront à la représentation de chacune des anciennes régions. Dans l’attente de la nouvelle composition, les anciennes CRSA continuent de fonctionner jusqu’à la fin du mois de juin 2016.

Nouvelles unions régionales de professionnels de santé libéraux

Les élections ont eu lieu en octobre pour les médecins, en décembre pour les masseurs-kinésithérapeutes, les chirurgiens dentistes, les pharmaciens (celles des infirmiers étant reportée en avril 2016). Les nouvelles unions sont actuellement en cours d’installation, et vont devenir des partenaires privilégiés des nouvelles agences régionales de santé.

Nouveaux projets régionaux de santé

Treize projets régionaux de santé ont été élaborés au lieu de vingt-deux sur la base d’un diagnostic régional qui aujourd’hui n’existe pas, mais qui devra l’être d’ici 2018, sur la base de la nouvelle définition de la loi santé (lire l’encadré en page 31).

Des relations avec les partenaires modifiées

Les relations avec les partenaires sont modifiées, voire créées ou à créer, dans le cadre de ce nouveau ressort territorial (lire l’encadré de la page ci-contre).

Organisation externe

Ainsi, au-delà de l’organisation interne des agences régionales de santé, c’est toute l’organisation externe qui s’en trouve bouleversée, alors même que les agences régionales de santé n’avaient que cinq ans et venaient à peine de trouver leurs marques. Toutes les relations sont donc à réinventer, avec un souci – et non des moindres – de conserver une proximité des relations dans un cadre géographique très vaste.

CONCLUSION

Les débats sur le nouveau découpage territorial ont été nombreux, mais l’impact sur la santé a été très peu documenté. Or celui-ci est loin d’être neutre, puisque c’est toute l’organisation de la santé qui s’en trouve modifiée, à commencer par les agences régionales de santé et leur organisation interne, mais également la démocratie sanitaire et la politique régionale de santé.

Quel sera dès lors l’apport bénéfique ou négatif sur l’état de santé de la population ? Aucune étude prospective n’ayant été réalisée sur le sujet, seul l’avenir sera en capacité de nous le révéler.

Espérons seulement que les nouveaux projets régionaux de santé répondent mieux aux besoins tout en prenant en considération les disparités géographiques au sein des nouvelles grandes régions. Souhaitons donc bonne chance aux récentes agences régionales de santé dans la mise en œuvre de leur nouvelle feuille de route : la loi santé.

LE NOUVEAU PROJET RÉGIONAL DE SANTÉ

• DÉFINITION

Le projet régional de santé définit, en cohérence avec la stratégie nationale de santé et dans le respect des lois de financement de la Sécurité sociale, les objectifs pluriannuels de l’agence régionale de santé dans ses domaines de compétences, ainsi que les mesures tendant à les atteindre.

• CONSTITUTION

Le projet régional de santé est constitué :

→ d’un cadre d’orientation stratégique qui détermine des objectifs généraux et les résultats attendus à dix ans ;

→ d’un schéma régional de santé, établi pour cinq ans, établissant des prévisions d’évolution sur l’ensemble de l’offre de soins et de services de santé, incluant la prévention et la promotion de la santé ainsi que l’accompagnement médico-social, et définissant des objectifs opérationnels, mis en œuvre par des contrats territoriaux de santé.

• SCHÉMA RÉGIONAL DE SANTÉ

Le schéma régional de santé :

→ indique les besoins en implantations pour l’exercice des soins de premier recours ;

→ fixe pour chaque zone les objectifs de l’offre de soins par activités de soins et équipements matériels lourds, les créations et suppressions d’implantations ainsi que les transformations, regroupements et coopérations entre les établissements de santé ;

→ fixe les objectifs de l’offre des établissements et services médico-sociaux ;

→ définit l’offre d’examens de biologie médicale en fonction des besoins de la population.

Les autorisations accordées par le directeur général de l’agence régionale de santé sont compatibles avec les objectifs fixés par le schéma régional de santé.

Pour les établissements et services médico-sociaux, ce schéma régional de santé est établi et actualisé en cohérence avec les schémas départementaux d’organisation sociale et médico-sociale relatifs aux personnes handicapées ou en perte d’autonomie arrêtés par les conseils départementaux de la région.

Le directeur général de l’agence régionale de santé détermine par arrêté les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou des difficultés dans l’accès aux soins et les zones dans lesquelles le niveau de l’offre de soins est particulièrement élevé. Dans ces zones sont mises en œuvre les mesures destinées à favoriser une meilleure répartition géographique des professionnels de santé, des maisons de santé, des pôles de santé et des centres de santé.

Les projets régionaux de santé entrent en vigueur au plus tard au 1er janvier 2018. Le projet régional de santé applicable dans chaque région à la date de promulgation de la présente loi reste en vigueur jusqu’à la publication dans la région du projet régional de santé.

PROJET ET CONTRAT TERRITORIAUX DE SANTÉ

• DÉFINITION

Dans chacun des territoires, le service territorial de santé au public qui concourt à la réalisation des objectifs du projet régional de santé a pour objet l’amélioration et la protection de l’état de santé de la population et la réduction des inégalités sociales et territoriales de santé.

• OBJECTIFS ET FONCTIONNEMENT

→ Il contribue à structurer les soins de proximité et les parcours de santé, notamment pour les patients atteints d’une maladie chronique, les personnes en situation de précarité sociale et les personnes en situation de handicap ou de perte d’autonomie.

→ Il bénéficie, en tant que de besoin, du concours des plateformes territoriales d’appui aux professionnels de santé.

→ L’agence régionale de santé assure la mise en place du service territorial de santé au public.

→ Pour chacun des territoires un diagnostic territorial partagé est établi par l’agence régionale de santé avec les acteurs de santé du territoire (les représentants des usagers, les professionnels et établissements de santé, sociaux et médico-sociaux, les collectivités territoriales, les organismes locaux d’Assurance maladie et les services et les établissements publics de l’État concernés). Ce diagnostic permet d’identifier les insuffisances dans l’offre de services sanitaires et médico-sociaux et dans l’accessibilité, la coordination et la continuité de ces services, et de préconiser des actions pour y remédier.

→ Un projet territorial de santé définit les actions à entreprendre dans le cadre du service territorial de santé au public, afin de répondre aux besoins identifiés par le diagnostic territorial partagé. Les projets territoriaux de santé sont arrêtés par les agences régionales de santé, pour l’ensemble des territoires qu’elles définissent, au plus tard au cours de la cinquième année suivant celle de sa publication.

→ Le diagnostic partagé et le projet territorial sont arrêtés par le directeur général de l’agence régionale de santé après avis du conseil territorial de santé intéressé. Le directeur général de l’agence régionale de santé informe la conférence régionale de la santé et de l’autonomie des diagnostics et projets territoriaux de santé et assure leur publication. Jusqu’à la publication du projet régional de santé, le diagnostic partagé et le projet territorial de santé sont établis et définis dans le cadre de territoires déterminés à cet effet, à titre transitoire, par le directeur général de l’agence régionale de santé. Jusqu’à l’installation des conseils territoriaux, les attributions de ces conseils sont exercées par les conférences de territoire.

→ Quand un contrat local de santé, dans sa rédaction antérieure à la publication de la présente loi, est en cours d’exécution à la date de publication d’un projet territorial de santé applicable dans le territoire où il est exécuté et que les parties au contrat entendent poursuivre une action prévue par ce contrat qui tend à mettre en œuvre le projet territorial, ou engager une action nouvelle ayant la même finalité, le contrat local de santé est modifié par avenant et tient lieu de contrat territorial de santé, pour les actions en cause, jusqu’à son terme.

→ Après la publication du premier projet régional de santé, l’agence régionale de santé vérifie la compatibilité du ou des projets territoriaux de santé avec les objectifs de ce projet régional de santé et engage, s’il y a lieu, la révision de ce projet territorial et des contrats territoriaux de santé concourant à sa mise en œuvre.

Le conseil territorial de santé

→ L’agence régionale de santé délimite :

1° les territoires donnant lieu à l’organisation d’un service territorial de santé au public ;

2° les zones donnant lieu :

a) à la répartition des activités et équipements ;

b) à l’application aux laboratoires de biologie médicale des règles de territorialité ;

c) à l’organisation des soins de premier recours.

→ Le directeur général de l’agence régionale de santé constitue des conseils territoriaux de santé à l’échelle d’un ou plusieurs territoires ou zones, de manière à couvrir l’intégralité du territoire de la région.

→ Le conseil territorial de santé organise en son sein l’expression des représentants des usagers. À ce titre, il est consulté sur l’élaboration et le suivi du projet régional de santé, et contribue au diagnostic partagé. Les contrats territoriaux de santé lui sont soumis pour avis.

→ Les contrats locaux de santé en vigueur avant la promulgation de la présente loi sont maintenus jusqu’à leur terme.

→ Les arrêtés définissant les zones de mise en œuvre des mesures destinées à favoriser une meilleure répartition géographique des professionnels de santé, des maisons de santé, des pôles de santé et des centres de santé en vigueur à la date de promulgation de la présente loi demeurent en vigueur jusqu’à la publication dans chaque région des arrêtés correspondant.

Plus d’informations via le lien raccourci bit.ly/18ng8ns