La notion de service public réaffirmée comme un tout - Objectif Soins & Management n° 244 du 01/03/2016 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 244 du 01/03/2016

 

Économie de la santé

Didier Jaffre  

La loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé refonde la notion de service public hospitalier, qui avait été “éclaté” en missions de service public hospitalier par la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) de juillet 2009. La loi définit donc à nouveau ce qu’est le service public hospitalier, instauré en 1970, et les obligations qui lui sont liées.

Les établissements qui assurent le service public hospitalier (SPH) doivent désormais assurer l’ensemble de ces obligations et les respecter dans leur totalité. La loi précise également les modalités d’entrée des établissements dans le SPH, ainsi qu’une procédure de reconnaissance pour les établissements de santé privés. Pour les établissements de santé privés d’intérêt collectif, compte tenu de leurs obligations actuelles, il est proposé une procédure immédiate de reconnaissance simplifiée qui permettra leur entrée d’emblée dans le nouveau SPH, sauf opposition de leur part ou refus motivé de l’Agence régionale de santé (ARS). On passe donc d’une approche de missions de service public hospitalier avec la possibilité de contractualiser avec un établissement sur une ou plusieurs de ces missions, à une approche globale du SPH portant sur l’ensemble des activités de soins de l’établissement de santé.

LE SPH À LA CARTE DE HPST

La loi HPST a apporté un important changement en matière de service public hospitalier. D’une part, les missions de service public sont redéfinies et sont au nombre de quatorze, allant de la permanence des soins aux soins dispensés aux détenus, en passant par la recherche, les actions d’éducation, l’aide médicale urgente. D’autre part, ces missions ne sont plus seulement l’apanage des établissements de santé et peuvent être assurées par les centres de santé, les maisons de santé, les pôles de santé, le service de santé des armées, les groupements de coopération sanitaire, les titulaires d’autorisation d’équipement lourds, ou bien encore les praticiens exerçant dans ces structures. Par ailleurs, lorsqu’une des quatorze missions de service public n’est pas assurée dans un territoire de santé, il revient au directeur général de l’ARS de désigner qui en sera chargé, dans le cadre d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens ou d’un contrat spécifique précisant les obligations. Ainsi, en cas de carence sur la permanence des soins hospitalière en matière de radiologie (scanner, IRM) dans un établissement de santé public par manque de praticiens radiologues, le directeur général de l’ARS peut désigner un cabinet de radiologie libéral ou un établissement de santé privé pour assurer cette permanence.

Élément important, à partir du moment où un promoteur est chargé d’assurer une ou plusieurs missions de service public, elle doit garantir l’égal accès aux soins de qualité, la permanence de l’accueil, de la prise en charge ou de l’orientation et, surtout, la prise en charge aux tarifs de base de la Sécurité sociale, condition qui s’impose à l’établissement ou à la personne en charge de la mission, mais également aux praticiens de l’établissement qui interviennent dans l’accomplissement d’une ou plusieurs de ces missions de service public. Dans le cadre du rapport présenté chaque année avant le 15 octobre par le gouvernement au parlement sur la tarification à l’activité des établissements de santé, l’accent sera mis sur les dispositions prises pour prendre en compte l’impact sur les coûts des établissements de santé publics des missions de service public.

Autre élément nouveau et non des moindres, une autorisation sanitaire peut être subordonnée à des conditions relatives à la participation à une ou plusieurs missions de service public, ou à l’engagement de mettre en œuvre des mesures de coopération favorisant l’utilisation commune de moyens et la permanence des soins, l’autorisation pouvant être suspendue ou retirée si ces conditions ne sont pas respectées. Là encore, il s’agit d’un moyen fort à la disposition des ARS pour réorganiser l’offre de soins et assurer la permanence des soins hospitalière, dans des disciplines où il y a carence de praticiens hospitaliers publics. Dans le même ordre d’idée, un établissement de santé public peut être admis à recourir à des professionnels de santé libéraux pour l’exercice de ses missions de service public et activités de soins. Cette admission est soumise à l’accord du directeur général de l’ARS et fait l’objet ensuite d’un contrat entre le professionnel libéral et l’établissement, contrat qui garantit notamment les obligations liées à la mission de service public. Cette disposition remplace les contrats de concession pour l’exécution du service public hospitalier, qui sont supprimés. Ainsi, d’un côté, les missions de service public ne sont plus le domaine réservé des établissements publics de santé, mais, de l’autre côté, elles peuvent être imposées au titulaire d’autorisation privé mais également aux praticiens, salariés ou libéraux, qui la mettent en œuvre. Donc à la fois ouverture mais également contrainte forte.

LA FORMULE TOUT COMPRIS DU SPH DE LA LOI SANTÉ (EXTRAITS)

Qu’est-ce que c’est ?

Le service public hospitalier exerce l’ensemble des missions dévolues aux établissements de santé publics ainsi que l’aide médicale urgente, dans le respect des principes d’égalité d’accès et de prise en charge, de continuité, d’adaptation et de neutralité et dans le respect des obligations définies ci-après.

Quelles obligations ?

« Article L. 6112-2. - I. Les établissements de santé assurant le service public hospitalier et les professionnels de santé qui exercent en leur sein garantissent à toute personne qui recourt à leurs services :

« 1° Un accueil adapté, notamment lorsque la personne est en situation de handicap ou de précarité sociale, et un délai de prise en charge en rapport avec son état de santé ;

« 2° La permanence de l’accueil et de la prise en charge, notamment dans le cadre de la permanence des soins organisée par l’agence régionale de santé compétente dans les conditions prévues au présent code, ou, à défaut, la prise en charge par un autre établissement de santé ou par une autre structure en mesure de dispenser les soins nécessaires ;

« 3° L’égal accès à des activités de prévention et des soins de qualité ;

« 4° L’absence de facturation de dépassements des tarifs fixés par l’autorité administrative et des tarifs des honoraires ;

« Le patient bénéficie de ces garanties y compris lorsqu’il est transféré temporairement dans un autre établissement de santé ou dans une autre structure pour des actes médicaux.

« II. Les établissements de santé assurant le service public hospitalier sont, en outre, tenus aux obligations suivantes : « 1° Ils garantissent la participation des représentants des usagers du système de santé. Pour les établissements de santé privés, cette participation est réalisée par l’intermédiaire de représentants avec voix consultative. En l’absence de conseil d’administration, de conseil de surveillance ou d’organe en tenant lieu, le chef d’établissement est tenu de consulter les représentants des usagers siégeant au sein de la commission des usagers, sur la stratégie et la gestion de l’établissement, dans des conditions fixées par voie réglementaire ;

« 2° Ils transmettent annuellement à l’ARS leur compte d’exploitation. »

Quelles actions ?

« III. Les établissements de santé mettent également en œuvre les actions suivantes :

« 1° Ils peuvent être désignés par le directeur général de l’ARS pour participer aux communautés professionnelles territoriales de santé ;

« 2° Ils peuvent être désignés par le directeur général de l’ARS en cas de carence de l’offre de services de santé ;

« 3° Ils développent, à la demande de l’ARS et, pour les établissements de santé privés, après avis des commissions et conférences médicales d’établissement, des actions de coopération avec d’autres établissements de santé, établissements médico-sociaux et établissements sociaux ainsi qu’avec les professionnels de santé libéraux, les centres de santé et les maisons de santé ;

« 4° Ils informent l’ARS de tout projet de cessation ou de modification de leurs activités de soins susceptible de restreindre l’offre de services de santé et recherchent avec l’agence les évolutions et les coopérations possibles avec d’autres acteurs de santé pour répondre aux besoins de santé de la population couverts par ces activités. »

Qui l’assure ?

« Article L. 6112-3. Le service public hospitalier est assuré par :

« 1° Les établissements publics de santé ;

« 2° Les hôpitaux des armées ;

« 3° Les établissements de santé privés habilités à assurer le service public hospitalier et qualifiés d’établissements de santé privés d’intérêt collectif ;

« 4° Les autres établissements de santé privés habilités, après avis favorable conforme de la conférence médicale d’établissement, à assurer le service public hospitalier.

« Les établissements de santé privés sont habilités, sur leur demande, par le directeur général de l’ARS s’ils s’engagent, dans le cadre de leurs négociations contractuelles, à exercer l’ensemble de leur activité dans les conditions du SPH.

« En cas de fusion entre établissements de santé privés, l’habilitation est transférée de plein droit à l’établissement de santé privé nouvellement constitué.

« Lorsqu’un établissement de santé privé est habilité à assurer le service public hospitalier, son contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens fait l’objet d’un avenant afin de préciser les engagements nouveaux pris par l’établissement pour respecter les obligations du service public hospitalier. »

CONCLUSION

La notion de service public hospitalier est réaffirmée comme un tout ne pouvant être négocié à la carte. Un établissement de santé, public ou privé, et assurant le SPH doit le faire pour l’ensemble des activités de soins pour lesquelles il est autorisé. En conséquence, le concept de mission de service public hospitalier et la liste associée sont supprimés sans pour autant que des établissements exerçant une ou plusieurs de ces missions se voient contraints d’arrêter leur activité.

LE SERVICE PUBLIC HOSPITALIER DE 1970

→ C’est la loi du 31 décembre 1970 qui introduit la notion de service public hospitalier.

Le service public hospitalier s’organisait de la manière suivante :

• les établissements publics de santé exerçaient de plein droit le service public hospitalier ;

• les établissements de santé privés :

– assuraient directement le service public hospitalier pour les centres régionaux de lutte contre le cancer ;

– participaient au service public hospitalier (PSPH) pour les organismes à but non lucratif ;

– pouvaient être associés au service public hospitalier, en général pour certaines formes de soins, s’ils étaient à but lucratif.

LES QUATORZE MISSIONS DE SERVICE PUBLIC HOSPITALIER DE 2009

1. La permanence des soins.

2. La prise en charge des soins palliatifs.

3. L’enseignement universitaire et post-universitaire.

4. La recherche.

5. Le développement professionnel continu des praticiens hospitaliers et non hospitaliers.

6. La formation initiale et le développement professionnel continu des sages-femmes et du personnel paramédical et la recherche dans leurs domaines de compétence.

7. Les actions d’éducation et de prévention pour la santé et leur coordination.

8. L’aide médicale urgente, conjointement avec les praticiens et les autres professionnels de santé, personnes et services concernés.

9. La lutte contre l’exclusion sociale, en relation avec les autres professions et institutions compétentes en ce domaine, ainsi que les associations qui œuvrent dans le domaine de l’insertion et de la lutte contre l’exclusion et la discrimination.

10. Les actions de santé publique.

11. La prise en charge des personnes hospitalisées sans leur consentement.

12. Les soins dispensés aux détenus en milieu pénitentiaire et, si nécessaire, en milieu hospitalier, dans des conditions définies par décret.

13. Les soins dispensés aux personnes retenues en application de l’article L. 551-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

14. Les soins dispensés aux personnes retenues dans les centres socio-médico-judiciaires de sûreté.