Objectif Soins n° 245 du 01/04/2016

 

Qualité

Anne-Lise Favier  

Si la qualité est devenue le fer de lance des établissements de santé, c’est notamment par obligation réglementaire de l’accréditation que sa mise en place est devenue effective. Sur quoi et sur qui s’appuie-t-elle ?

« La qualité, c’est atteindre un niveau de satisfaction des usagers », estime un responsable qualité d’un établissement de santé. « C’est veiller à ce que l’ensemble des fonctionnements de l’établissement puissent être perçus, codifiés et compris par l’ensemble des acteurs », explique, quant à lui, un directeur d’établissement. « C’est la qualité des soins qu’on prodigue », considère un médecin. « C’est la qualité de tout ce qui va concerner le patient dans sa prise en charge globale, la réponse aux besoins et à la satisfaction des besoins des patients et de sa famille », conclut pour sa part un cadre infirmier(1).

DÉFINITION DE L’OMS

Sous ces définitions multiples tourne la notion de satisfaction de l’usager et de qualité de la prise en charge. Selon l’Organisation mondiale de la santé, la qualité se définit comme « une démarche qui doit permettre de garantir, à chaque patient, l’assortiment d’actes diagnostiques et thérapeutiques qui lui assurera le meilleur résultat en termes de santé, conformément àl’état actuel de la science médicale, au meilleur coût pour un même résultat, au moindre risque iatrogène et pour sa plus grande satisfaction en termes de procédures, de résultats et de contacts humains à l’intérieur du système de soins ». Cette notion est progressivement arrivée dans les établissements de santé avec l’ordonnance n° 96-346 d’avril 1996 et l’obligation d’accréditation qui visait hôpitaux et cliniques. Dès lors, de nombreuses initiatives se sont mises en place, pour répondre à la fois à l’obligation réglementaire mais aussi pour pousser le curseur un peu plus loin.

UN PERSONNEL DÉDIÉ À LA QUALITÉ

Pour mener à bien cette mission de qualité, des établissements de santé ont mis en place un système avec du personnel dédié. « Alors qu’avant le cadre de santé chargé de la qualité n’avait pas de formation spécifique, de plus en plus ont des formations d’ingénieurs qualité », explique Maryline Gautier, responsable assurance qualité au Centre hospitalier (CH) d’Arpajon (Essonne) (lire l’encadré “trois questions à…”). Pour elle, qualité et prévention des risques sont indissociables, même si, selon la taille des établissements, ce ne sont pas forcément les mêmes équipes qui les gèrent ensemble : « En petit établissement, la qualité et la prévention des risques sont menées de front, et le lien est assez facile à faire avec la direction », explique la cadre qui a travaillé à l’AP-HP avant de rejoindre le CH d’Arpajon. Outre la création d’outils de suivi et la mise en place de groupes de travail, elle a trouvé dans la communication le meilleur outil pour mener une démarche qualité dans l’établissement : « La première difficulté est de s’affranchir de la culture de dysfonctionnement, voire de diffamation ou de sanction, pour mettre en place une culture de la sécurité. C’est un gros travail de communication à mener pour sensibiliser les équipes. » Au quotidien, la cadre de santé s’appuie sur les protocoles et la veille réglementaire, qui sont des leviers indispensables pour progresser : « L’idée d’une obligation réglementaire permet bien souvent de faire changer les habitudes. » Mais il faut aussi sortir de la culture du négatif et trouver les points positifs, même face à une situation alarmante. Car l’échec permet de progresser en analysant les erreurs : le Comité de retour d’expérience permet un recueil et une exploitation des erreurs pouvant se produire autour du soin.

DES INDICATEURS DE QUALITÉ ET UNE PRIME ?

Depuis 2006, des indicateurs pour l’amélioration de la qualité et la sécurité des soins ont été déployés comme outils de mesure, pour “visionner” un état de santé, une pratique ou la survenue d’un événement, et permettre ainsi d’évaluer de manière valide et fiable la qualité des soins et ses variations dans le temps et l’espace. Chaque indicateur doit mesurer une ou plusieurs dimensions de la qualité des soins. Le lien entre l’indicateur et la qualité des soins doit être « préalablement démontré par une analyse de la littérature ou par un consensus d’experts », pour la HAS. Selon elle, il existe trois types d’indicateurs : les indicateurs de structure qui mesurent la qualité de la gestion des ressources humaines, matérielles, financières nécessaires à la mise en œuvre des processus de soins ; les indicateurs de processus qui mesurent la qualité de la mise en œuvre d’une activité de soins du processus de prise en charge d’un patient ; les indicateurs de résultats qui jaugent directement, à l’issue de la mise en œuvre d’un processus de soins, les bénéfices ou les risques générés pour le patient en termes d’efficacité, de satisfaction et de sécurité(2). Depuis 2012, la HAS et la Direction générale de l’offre de soins testent un dispositif d’incitation financière à l’amélioration de la qualité (Ifaq). Le principe global est le suivant : les établissements sont notés selon un score obtenu sur une série d’indicateurs, parmi lesquels figurent des indicateurs généraux (niveau de certification) et des indicateurs spécifiques (hygiène, infections nosocomiales). Pour la première phase de l’expérimentation, 222 établissements se sont portés volontaires et les 93 “meilleurs” au terme de l’évaluation se sont partagés 12,4 millions d’euros. Une seconde phase d’expérimentation, en cours, couvre 490 établissements et sera dévoilé en décembre prochain. Dès cette année, ce programme Ifaq sera “ouvert” à l’ensemble des établissements MCO(3). Pour le moment, cette incitation financière n’a pas eu d’effet significatif sur le score de qualité final. Reste à voir si son élargissement pourrait constituer une émulation pour les participants.

NOTES

(1) Citations extraites de la note de synthèse “les perceptions de la qualité chez les professionnels des établissements de santé”, avril 2003, DHOS, via le lien raccourci bit.ly/2366htr

(2) La liste complète disponible sur la site de la HAS via le lien raccourci tinyurl.com/indicateursHAS

(3) Voir la page de la HAS dédiée à ce programme via le lien raccourci bit.ly/1qlXF41

Les acteurs de la qualité

Outre la HAS, gardienne du processus de certification, on peut aussi citer l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé qui organise le circuit des vigilances et qui joue donc un rôle important en matière de gestion des risques. En ce qui concerne la qualité, des initiatives locales très dynamiques ont vu le jour il y a quelques années : le ReQua en région Franche-Comté-Bourgogne qui est né de la volonté commune de l’ARS et des établissements de santé de Franche-Comté de mutualiser leurs compétences en matière de management de la qualité et de gestion des risques. Citons également le Comité de coordination de l’évaluation clinique et de la qualité en Aquitaine qui travaille sur la gestion des risques, le changement des pratiques professionnelles et les indicateurs. Depuis octobre 2014, l’Association française des gestionnaires des risques sanitaires, l’Association nationale des responsables qualité en psychiatrie et la Société française de gestion des risques en établissements de santé ont fusionné en une seule et même entité, la Fédération des associations “risques et qualité en santé” dont l’enjeu est de développer et promouvoir tout ce qui concerne la qualité et la sécurité dans les établissements de santé. À noter également que le Grrifes (Gestion des risques, réseau Île-de-France des établissements de santé) né en 2011 d’une initiative adossée à l’ARS Île-de-France s’est institutionnalisé en une Structure d’appui régionale à la qualité et à la sécurité des soins en Île-de-France, la Staraqs.

3 QUESTIONS À… MARYLINE GAUTIER, RESPONSABLE ASSURANCE QUALITÉ, CH D’ARPAJON

1 Quels moyens utilisez-vous pour sensibiliser les équipes ?

La communication est un moyen indispensable pour sensibiliser les équipes. Nous avons mis en place un réseau d’informations et de partage – Qualhyris pour “qualité hygiène risques” – car il y avait un manque de communication avec les cadres. Nous avons mené la même démarche avec les équipes d’encadrement, aussi bien administratives que soignantes ou techniques, pour que chacun voie ce que les autres font. À travers les journées autour de thèmes transversaux, on communique sur la qualité. Nous mettons en place le réseau Qualhysoins qui reposera sur le même principe pour la qualité des soins. L’idée est d’avoir un maximum de communication, de faire s’exprimer les gens, de partager des outils et des expériences pour parvenir tous ensemble à la qualité.

2 Comment faire de la qualité aujourd’hui ?

Il faut faire de la qualité avec les moyens dont on dispose, compte tenu de la conjoncture. Revoir la qualité sous un autre angle, ne pas stigmatiser l’échec, mais voir les points positifs, même si la situation semble critique.

3 Cela passe aussi par la formation ?

Exactement. Les jeunes soignants devraient avoir une culture de la prévention du risque dans leur cursus. Mais il faudrait que celle-ci ne soit pas stigmatisante : on leur apprend encore trop souvent à faire ce qu’il y a de mieux sans leur accorder le droit à l’erreur !