Objectif Soins n° 245 du 01/04/2016

 

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Caroline Coq-Chodorge  

RéorganisationLe conflit sur le temps de travail à l’AP-HP touche à sa fin : la réforme devrait être adoptée, malgré deux expertises critiques sur ses conséquences sur les conditions de travail, en particulier des cadres.

Quelques dizaines de manifestants seulement se sont réunis, mardi 29 mars, sous les fenêtres du directeur général de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), Martin Hirsch. Tous les syndicats de l’institution francilienne, à l’exception de la CFDT, appelaient pourtant à la mobilisation contre la réforme du temps de travail, engagée il y a bientôt un an. Le Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) examinait le même jour le nouveau projet de la direction ainsi que deux expertises commandées par les syndicats, qui remettent en cause la pertinence du projet.

Économie versus conditions de travail

La finalité de cette réforme du temps de travail est avant tout économique : Martin Hirsch en espère 20 à 25 millions d’économies par an. Les agents vont perdre deux à six jours de RTT : les deux journées extraréglementaires accordées en 2002, la journée offerte aux mères de famille et les journées dites “médailles” accordées à l’ancienneté. Par ailleurs, l’accord modifie les journées de travail, toujours pour réduire le nombre de RTT : les journées en 7 h 50 sont supprimées, et celles en 7 h 36 devraient progressivement disparaître au profit des journées en 7 h 30, qui ne donnent droit qu’à quinze journées de RTT par an. L’expertise du cabinet Secafi rappelle que les économies attendues ne représentent que « 1 % des dépenses de personnel de 2014 ». Pour les experts, « la balance entre les gains nets qui devraient être réalisés et les coûts que cette réorganisation représente pour les agents, notamment au niveau de leurs conditions de travail, paraît très déséquilibrée ». Ils soulignent la « surcharge de travail dans les services » et le haut niveau d’absentéisme, d’ores et déjà observés, et qui pourraient s’accroître. Pour Secafi, l’AP-HP serait pourtant en capacité budgétaire d’améliorer les conditions de travail de ces agents: elle serait bénéficiaire de 40?millions d’euros en 2015 et de 65 millions d’euros en 2016.

Les cadres directement impactés

La seconde expertise, réalisée par le cabinet Émergences, est centrée sur les cadres de santé, qui seront chargés de mettre en place la réforme du temps de travail dans les services. Cent trente cadres de l’AP-HP ont été interrogés. Ils décrivent des conditions de travail dégradées : en sous-effectifs, ils doivent encadrer des équipes de plus en plus importantes. Ils subissent donc « des écarts importants entre temps de travail réglementaire et temps de travail réel ». En prime, ils souffrent d’un « manque de reconnaissance » de leur management, à la « propension autoritaire ». Dans de telles conditions, la réforme du temps de travail voulue par la direction est mal perçue par les cadres : elle repose selon eux « uniquement sur des motivations économique au détriment de la qualité des soins et des conditions de travail ». Le projet de réforme du temps comprend deux mesures spécifiques aux cadres. La première est l’incitation à adopter les forfaits journée, et donc à abandonner le décompte horaire : les cadres estiment que les compensations sont insuffisantes. La seconde mesure, l’introduction de la possibilité de travailler à distance douze jours par an, est considérée comme un « gadget » déconnecté de la réalité de leur travail. De sa propre initiative, Martin Hirsch a présenté une nouvelle mouture du projet de réforme, qui prend en compte certaines critiques formulées dans les expertises : un suivi plus précis de l’absentéisme, ou encore une plus grande attention aux effectifs auprès des malades. De nouvelles tâches qui incomberont aux cadres.