Bilan Instauré en 2009, le dispositif de délégation de tâches peine à convaincre les professionnels. Pour la Haute Autorité de santé, qui dresse un état des lieux, les transferts d’activités permettraient pourtant de faire évoluer la profession infirmière.
Cinq ans, 25 protocoles de coopération, 1 190 professionnels concernés. La Haute Autorité de santé (HAS) dresse un maigre bilan des transferts d’activités autorisés par l’article 51 de la loi HPST. Chargée de statuer sur la qualité et la sécurité des soins délivrés via ce dispositif, l’agence sanitaire a publié un état des lieux au 31 décembre 2014, intégrant les résultats d’évaluation des treize protocoles appliqués à cette date depuis plus d’un an.
Quatre d’entre eux tiennent toutes leurs promesses : ils répondent à un « besoin réel des patients et des professionnels », peuvent être facilement reproduits et ont permis de structurer la coordination interprofessionnelle. C’est le cas d’Asalée, impliquant près de 500 professionnels dans seize régions. Ces consultations infirmières de suivi de patients chroniques (maladies cardiovasculaires, diabète T2, troubles cognitifs et bronchopneumopathie chronique obstructive), réalisées au sein des cabinets médicaux, ont démontré leur efficacité. Pour la HAS, le dispositif a « permis de légaliser d’anciennes pratiques » et d’intégrer pour les IDE « l’évolution de nouvelles techniques non prévues par le décret d’actes », comme l’utilisation d’un appareil portable pour réaliser et interpréter des échogaphies.
Mais force est de constater que « les protocoles de coopération ont du mal à s’implanter ». Après « une forte montée en charge » en 2012, la HAS note une baisse significative des demandes d’avis reçues en 2015. Le dispositif est « lourd et chronophage », ce qui freine les professionnels.
Quand ils sont portés par le seul binôme déléguant-délégué, les protocoles sont précaires : la consultation infirmière de prise en charge des patients atteints d’hépatite chronique?C, mise en place au Centre hospitalier de Montélimar (Drôme), n’a pas survécu au départ à la retraite de son promoteur. Pour des prises en charge complexes, comme le suivi des chimiothérapies orales, la formation du délégué et les conditions d’exercice posent problème. En introduisant la notion de pratique avancée pour les paramédicaux, la loi de santé « apporte une réponse partielle », selon la HAS.
L’agence sanitaire plaide également pour l’évolution du décret d’actes infirmiers vers un « décret de compétences », autorisant certaines pratiques « sous la responsabilité médicale ». Une proposition qui a fait bondir la Fédération nationale des infirmiers. Le syndicat libéral y voit en effet « une volonté évidente de faciliter la déqualification et le transfert d’actes vers les aides-soignantes comme nombre de demandes de protocoles art. 51 l’ont suggéré » (lire l’encadré de la page précédente).
Opposée dès l’origine à un dispositif réduisant les infirmières à des « tâcherons », la Fédération nationale des infirmiers appelle à « exploiter tout l’éventail des compétences des infirmières à législation constante, notamment l’étendue du rôle propre et leur possibilité d’adapter des doses médicamenteuses sur protocole médical ». Et pour permettre l’acquisition de nouvelles pratiques, le syndicat suggère de définir la profession dans le Code de la santé publique « non plus comme une profession d’auxiliaire médicale, mais comme une profession médicale à compétences décrites, à l’instar des sages-femmes ».
→ Si 60 %des protocoles visent à déléguer un acte médical à une IDE, l’année 2014 a marqué l’intégration des aides-soignants au dispositif, avec l’autorisation d’un protocole leur permettant la réalisation, sur prescription médicale « en lieu et place de l’IDE », de soins d’élimination fécale pour des patients atteints de troubles neurologiques chroniques. Porté par le Centre de réadaptation de Mulhouse (Haut-Rhin), le protocole vise à dispenser simultanément les soins d’hygiène et d’élimination des selles « dans une vision de prise en charge globale ».
→ Autre bénéfice attendu : l’optimisation des tournées infirmières, difficilement conciliables avec ces soins courants.
→ Confrontées à ces limites, d’autres équipes ont déposé des demandes de délégation d’actes aux aides-soignants : réalisation d’ECG, de séances de photothérapie thérapeutiques dans le cadre de dermatose (Bretagne), ou encore pose d’attelles plâtrées et de pansements aux urgences (Bourgogne).